Economie numérique - Avec sa nouvelle Cité, Angers veut devenir capitale de l'internet des objets
La Cité de l'objet connecté a été inaugurée le 12 juin dernier par le président de la République à Angers. Ce premier accélérateur industriel dédié aux entreprises innovantes en matière d'objets connectés est né de la rencontre de deux acteurs privés, Eoléane (groupe angevin leader européen des services industriels en électronique professionnelle, dirigé par Eric Carreel) et Withings (entreprise spécialisée dans les objets connectés), tout en s'insérant dans le cadre du programme Nouvelle France industrielle.
La présence du président de la République à l'inauguration est venue récompenser le travail accompli. Il faut dire que le nouvel ensemble s'insère dans un écosystème particulièrement exceptionnel qu'il devrait contribuer à renforcer. La région Pays de la Loire accueille en effet 20% de la filière électronique nationale avec 25.000 emplois (50.000 emplois pour le Grand Ouest) répartis sur l'ensemble de la chaîne de production, 3.900 étudiants et 250 chercheurs. Et l'agglomération angevine représente, avec 900 entreprises et 7.000 emplois, près d'un tiers de cet ensemble.
Après avoir rappelé l'importance stratégique du marché de l'internet des objets – de l'ordre de 15 milliards d'ici à 2020 pour notre pays –, François Hollande a mis l'accent sur la nécessité de mener des actions plus offensives dans le cadre de la mondialisation : "Nous serons les meilleurs si nous sommes capables d'avoir les meilleures startups et de garder les bonnes idées". C'est tout l'enjeu de la Cité que de créer l'environnement favorable pour aider les porteurs d'idées et de projets à les "prototyper" puis à les développer industriellement. Et sur ce point l'éventail des possibles est immense : entre le pilulier électronique pour une médecine plus efficace et personnalisée, les systèmes de conduite assistée voire la voiture sans chauffeur, en passant par les ampoules et les prises électriques connectées à la maison… Sans oublier les applications étendues de gestion des services urbains intégrant aussi bien la gestion des parkings intelligents que les systèmes de guidage prédictifs pour contourner les embouteillages sur lesquels plusieurs villes françaises planchent aujourd'hui.
Mise en pratique de la co-industrialisation
La Cité est une société de droit privé, malgré les aides publiques dont elle bénéficie. Elle a vocation à rassembler des entreprises de taille et de statut différents. Son principe d'accélération est assez simple : permettre à des entrepreneurs porteurs de projets à des degrés de maturation différents de produire un premier prototype en deux à quatre mois.
L'ensemble du lieu a été conçu dans cet esprit. Il occupe un total de 2.000 m2 sur deux niveaux (inséré dans un bâtiment de 10.000 m2) et rassemble l'ensemble des compétences nécessaires. Les porteurs de projets sélectionnés sont accueillis pour un prix modique de 300 euros par mois. L'espace de coworking et le Fab Lab, animés par des experts, proposent également un environnement propice aux rencontres et aux échanges entre acteurs, ainsi que les moyens techniques et les savoir-faire nécessaires à la transposition d'une idée en produit de série.
Un deuxième espace est dédié à l'industrialisation. Cette phase interviendra à la demande du porteur de projet et si le comité technique estime le projet viable et techniquement réalisable dans les délais attendus. L'industrialisation n'intervenant que lorsque le produit est défini et fabricable. Le principal levier pour l'optimisation des coûts est la co-industrialisation, c'est-à-dire l'industrialisation collaborative entre les différents métiers : électronique, plasturgie et mécanique. La Cité s'appuie sur le tissu industriel local, sur des usines partenaires pour la production des objets et sur quelques autres structures d'accompagnement. D'importants espaces sont encore vacants. Ils auront vocation à accueillir des projets industriels ainsi qu'un troisième espace de production qui aura vocation à fabriquer des objets technologiquement complexes pour des volumes de production inférieurs à 500.000 unités et un total de 2 millions d'unités par an.
Collectivités : mobilisation à tous les étages
Une vingtaine de projets seront déjà accompagnés en 2015 et la Cité envisage de passer à une soixantaine en vitesse de croisière d'ici 2018, soit en permanence 170 abonnés/entrepreneurs. Pour cela, 2,1 millions d'investissements en matériels ont été programmés sur les deux prochaines années. Pour les accompagner, la structure compte également une dizaine de salariés et les effectifs devraient doubler d'ici 2017. L'Etat, ainsi que la région Pays de la Loire, ont tous deux injecté 1,5 million d'euros (750.000 euros de subventions et le même montant sous la forme d'un prêt à taux réduit) alors que la métropole angevine met à disposition le site (racheté pour 4 millions d'euros), participe à l'aménagement des locaux, aide à la communication et à la mise en réseau des acteurs. L'objectif est, à terme, de renforcer le bassin d'emploi local avec la création de 400 postes directement liés aux objets connectés et de plusieurs dizaines d'emplois indirects.
Le cluster We Network a pris ses quartiers dans les mêmes locaux que la Cité et doit muscler ce cœur de l'écosystème numérique du Grand Ouest. Spécialisé dans l'électronique professionnelle, il compte plus de 200 adhérents (entreprises, laboratoires, clusters partenaires institutionnels) et regroupe près de 700 acteurs. Il accompagne les entreprises dans l'innovation technologique et marketing, anime le réseau d'acteurs et d'entreprises et pilote un campus électronique comprenant notamment une plateforme d'intégration, d'assemblage et de développement électronique.
Dans un tel environnement, la Cité des objets connectés vient à la fois enrichir l'écosystème et aussi s'en nourrir. Le président de la République, sans attendre l'annonce de la 2e vague de labellisation "French Tech" prévue dans les prochains jours, a confirmé le vendredi 12 juin la labellisation French Tech d'Angers.