Avec l’ANCT, des "territoires d’engagement" apprennent à construire l’action publique avec les habitants

Depuis 2021, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) développe son programme Territoires d’engagement, à travers des accompagnements dans la durée, mais également des sessions de conseil à distance et des ateliers interactifs de soutien entre pairs. L’objectif : permettre à des agents et des élus d’accéder à une ingénierie sur la participation citoyenne et la coopération avec les habitants, de monter en compétence et d’avancer dans leurs projets. 182 territoires ont d’ores et déjà bénéficié de cette offre de services.     

À Montaud, village de 1.000 habitants dans l’Hérault, un café citoyen a ouvert ses portes au printemps dernier, alors qu’"il n’y avait plus de café depuis 50 ans". L’initiative est le fruit de la mobilisation d’habitants, du volontarisme des élus et de l’appui, depuis trois ans, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dans le cadre du programme "Territoires d’engagement". Dans ce village, la dynamique citoyenne conduit également des jeunes à s’investir dans un projet de vidéo sur "les rites de passage" (entrée au collège, au lycée), ou encore des enfants et des parents à s’engager dans l’accueil des nouvelles familles à l’école. "C’est un territoire sur lequel il s’est passé beaucoup de choses, alors qu’on partait d’une page blanche. La commune a également souhaité associer les habitants sur le fait d’éteindre l’éclairage public la nuit dans de bonnes conditions, en travaillant sur la signalétique", raconte à Localtis Matthieu Angotti, conseiller expert Territoires en commun, Territoires d'engagement, à l’ANCT. 

"La coopération et la participation nécessitent des savoir-faire assez pointus"

Montaud est l’un des 15 "territoires d’engagement" qui travaillent avec l’ANCT depuis 2021 à "construire l’action publique locale avec et par les citoyens". Les élections municipales de 2020 ont été favorables aux "listes citoyennes" et autres équipes s’engageant à développer la participation citoyenne et à coopérer avec les habitants. Une fois élus, "certains se sont retrouvés en difficulté pour passer à l’action, du fait d’une culture organisationnelle des collectivités qui était encore assez verticale et sectorielle et surtout du fait d’un problème méthodologique", se remémore Matthieu Angotti.  "Ils constataient que ces questions de coopération et de participation nécessitent des techniques, des compétences, des savoir-faire assez pointus, pour aller au contact des habitants, animer des séquences d’intelligence collective, programmer des projets dans le temps où chacun a sa place." 

Sollicitée par des élus de territoires variés, surtout des territoires "en dehors des grandes métropoles", l’ANCT se joint à la Banque des Territoires, Démocratie ouverte, Décider ensemble et l’Institut de la concertation et de la participation citoyenne pour ouvrir, début 2021, la plateforme numérique de ressources Territoires en commun (voir notre article). La même année, la jeune ANCT démarre la démarche "Territoires d’engagement" avec les élus et agents de quinze territoires, dans un but de "transfert de compétences". "Dans ce parcours, il y a trois ingrédients : de la formation, des projets et une dimension d’accompagnement, coaching et conduite du changement", résume Matthieu Angotti.  

Les thématiques abordées dans ce cadre sont variées : "augmenter" le tri et les déchetteries à Dardilly (Rhône) et dans la communauté d’agglomération Val de Garonne (Lot-et-Garonne), se réapproprier un vaste sanatorium qui était laissé à l’abandon en forêt dans le Clunisois (Saône-et-Loire) avec des habitants mais aussi des commerçants, des artisans, des artistes, mettre en place une caisse de sécurité sociale alimentaire à Flers (Orne)… L’approche de l’ANCT consiste à partir des besoins et des projets qui émergent sur le territoire pour adapter l’accompagnement et les formations dispensées. 

Une "hotline" et des ateliers thématiques de soutien entre pairs

Le parcours des 15 premiers territoires approche de son terme et cinq à six territoires bénéficieront bientôt d’un tel accompagnement individuel sur trois ans. D’autres territoires ont en outre rejoint des "projets partagés", des accompagnements collectifs autour d’un thème ciblé (quatre territoires par thème) : la démocratie culturelle, la participation des adolescents, l’aménagement du territoire et, prochainement, l’accueil et l’intégration des réfugiés. 

De taille réduite (deux permanents et un apprenti), l’équipe Territoires d’engagement de l’ANCT dispose d’un budget et s’appuie sur des partenaires divers, ce qui permet aux collectivités partenaires de bénéficier de prestations d’accompagnement. Pour répondre à des sollicitations nombreuses, l’équipe a également diversifié son offre de services. Elle propose désormais une "cellule de conseil et d’orientation", sorte de "hotline" de la participation permettant aux élus et agents d’obtenir des conseils par téléphone ou visio-conférence.

Autre modalité d’appui récemment mise en place : des cycles d’"ateliers interactifs", réunissant des groupes d’une quinzaine d’élus et agents, pour de l’échange entre pairs dans une logique de "prise de hauteur et d’entraide". Lors de quatre sessions de deux heures en visio, organisés en six à huit semaines, ces élus et agents abordent une thématique concrète, par exemple les enjeux liés à la gestion de l’eau en territoire de montagne ou encore la stratégie de lutte contre le non-recours aux droits sociaux. "Le point commun entre ces sujets, c’est la nécessité de favoriser la coopération entre les différentes parties prenantes sur le territoire pour faire face à ces grands défis complexes", explique Perrine Simian, cheffe de projet Territoires d’engagement. Six nouveaux cycles vont être proposés à l’automne. "Les inscriptions sont très ouvertes, la démarche ayant de l’intérêt pour les élus et agents qui ont des questionnements concrets sur la thématique abordée", précise Perrine Simian.  

Projets locaux : il n’est plus possible de "passer en force ou discrètement"

En tout, 182 territoires ont été accompagnés par l’ANCT pour "développer la coopération territoriale et la participation citoyenne" (voir le détail des territoires, selon les modalités d’accompagnement). 

"Une des vertus attendues de la participation citoyenne, c’est d’aller au contact de celles et ceux qu’on ne voit jamais", souligne Matthieu Angotti. Ce dernier évoque d’autres motivations des élus et agents qui s’engagent dans ces démarches : avoir de nouvelles idées, mieux ajuster l’action publique aux besoins des habitants, recréer du lien et de la cohésion sociale… et, de façon pragmatique, avancer sur des projets avec les habitants plutôt que "contre" eux, éviter des mobilisations contre ces projets. 

"Si on essaye de passer en force ou discrètement, des conflits vont apparaître", selon Matthieu Angotti. Pour ce dernier, la participation, sans être la "solution miracle", est désormais un prérequis à l’heure où l’information circule très vite. Et ce n’est pas exempt de difficultés : au-delà des réunions qui tournent mal, "il y a une foule d’invitations à venir où personne ne vient", d’expérimentations qui laissent un goût amer à des élus qui se sont investis... D’où la nécessité, pour ces élus, de se former, de bien préparer la démarche, d’être "très clair sur les règles du jeu" vis-à-vis des habitants… Cette montée en compétence, ancrée dans des projets concrets, dans l’"ici et maintenant", c’est le pari de Territoires d’engagements pour donner envie aux élus et aux agents comme aux habitants d’avancer de concert.