Référendums locaux : des outils vertueux, mais beaucoup de maires réticents
"En toute discrétion", pas moins de 333 consultations et référendums ont été organisés en trente ans à l'échelle locale, recense une note publiée par le think tank Génération libre. Qui promeut un développement de ces outils de démocratie directe aux multiples vertus. Tout en déplorant que l'organisation de ces derniers soit laissée au "bon vouloir" des maires.
Consultation sur l'édification d’une crèche et de logements au Pecq (Yvelines), sur la construction d'une passerelle à Saint-Aignan (Morbihan), ou sur l'installation d'éoliennes à Rancon (Haute-Vienne)… Ces dernières années, nombre de communes ont recueilli l'avis de leur population par le biais de référendums ou de consultations locales. Au total, au moins 333 opérations de ce genre à l'échelle communale ont été organisées en trente ans par des collectivités, dont 75 rien qu'en 2022, selon une récente note du think tank Génération libre, qui se penche sur "les bénéfices", mais aussi les limites de ces outils dont la mise en œuvre comporte dans certains cas des "lourdeurs".
Les débats ouverts par la crise des "Gilets jaunes" autour du référendum d’initiative citoyenne (RIC) et le questionnement de certains élus sur leur légitimité - du fait de l'abstention plus grande que d'ordinaire aux élections municipales de 2020 - ont favorisé récemment le recours à ces instruments de démocratie directe, observe cette note écrite par Paul Cébille, un spécialiste des enquêtes d'opinion, recruté il y a deux ans au ministère de l'Education nationale.
Arme de David contre Goliath
Résoudre une crise entre les élus et les citoyens ou un conflit interne au conseil municipal, recueillir l'avis de la population sur un projet qui n'a pas été présenté durant la campagne électorale, appuyer un combat contre un projet voulu par un échelon supérieur… les motivations des maires qui mettent sur pied les référendums et consultations sont multiples. Les élus en question sont positionnés autant à gauche qu'à droite ou sont sans étiquette partisane, observe l'auteur de la note.
La participation des citoyens à ces rendez-vous démocratiques est fluctuante. Au cours des cinquante dernières années, ils ont attiré davantage les électeurs des petites communes que ceux des grandes villes, l'écart de participation entre les deux types de population allant globalement du simple au double. En outre, certaines thématiques sont plus mobilisatrices, comme les sujets en lien avec l'attractivité (infrastructures, industries), l'énergie, les commerces ou le service public, ou encore l’adhésion de la commune à une intercommunalité ou un projet de fusion de communes.
"Citoyens attachés au contenu de leur porte-monnaie"
Sur ces thématiques, la participation grimpe en moyenne à près de 50%, voire dépasse ce seuil. Il n'en va pas de même des consultations et référendums organisés sur les thèmes de la sécurité et de la circulation ou des transports, pour lesquels la participation demeure le plus souvent en retrait (autour de 30%). Toutefois, sur des thématiques identiques, les niveaux de participation peuvent fortement varier, car "les référendums locaux dépendent grandement des conditions d’organisation du scrutin et de l’implication des autorités dans le vote", est-il constaté.
Au regard de certains résultats de participation, les citoyens "ne sont pas devenus totalement apathiques en matière politique", conclut l'auteur. Lequel observe aussi que lorsque des projets potentiellement coûteux sont dans la balance, les électeurs-contribuables se montrent généralement "responsables" et "prudents".
Les référendums et consultations à l'échelon local ne sont pas nécessairement des "outils populistes" et permettent d'"améliorer le dialogue entre les élus et les citoyens", de "laisser aux citoyens le soin de choisir les politiques publiques (…) qui sont les plus proches de leurs aspirations", ou encore de "résoudre des conflits en faisant des électeurs les arbitres", souligne la note. Qui insiste par ailleurs sur le pouvoir – jugé excessif – dévolu aux maires à l'égard de ces outils.
"Contrôle" opéré par le maire
En effet, un référendum local ne peut être organisé localement sans l'accord du maire. Or, "la plupart" des élus "se méfient" du référendum : sa procédure est "plus ou moins contraignante" et le résultat du vote "peut être source d'embarras s’il ne va pas dans le sens espéré". En outre, "la plupart" des maires interrogés par l'auteur dans le cadre de la note "ne comprennent pas toujours l’intérêt de cette démarche démocratique et n’ont donc pas l’idée de l’engager pour prendre certaines décisions".
Le contrôle exercé par le maire "ne permet pas au référendum local d’être un moyen efficace d’action mobilisable par une portion de l’électorat souhaitant s’exprimer au sein des institutions démocratiques", déplore la note.
Parmi ses principales recommandations, cette dernière met en avant l'idée de simplifier la mise en œuvre du référendum local en supprimant la règle fixant à 50% la participation minimale pour que l'opération soit validée.