Avec la création de l'Epic national du Mont-Saint-Michel, l'État signe son retour au détriment des collectivités
La création de cet Epic entend solder les dérives de la gouvernance du site culturel et touristique français le plus visité hors Paris. En apparence, l'Epic met en place une gouvernance paritaire État / collectivités.
Un décret du 11 décembre 2019 porte création, à compter du 1er janvier 2010, d'un Epic national (établissement public industriel et commercial) intitulé "Établissement public du Mont-Saint-Michel". Cette création avait été annoncé il y a deux ans et demi, lors d'une "Déclaration commune du Premier ministre et des élus de la baie du mont Saint-Michel", signée le 20 avril 2017 depuis l'hôtel Matignon par Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre pour quelques jours encore (voir notre article ci-dessous du 21 avril 2017). Elle a ensuite été confirmée par Édouard Philippe lors du comité interministériel du tourisme du 19 juillet 2018 (voir notre article ci-dessous du même jour), puis à nouveau par le Premier ministre lors d'un déplacement sur le site (voir notre article ci-dessous du 18 mars 2019).
La création de cet Epic entend solder les dérives de la gouvernance du mont, après l'embrouillamini du chantier de la remise en eau de sa baie, les cafouillages de la nouvelle desserte par navette (voir notre article ci-dessous du 8 juin 2012), l'affaire du projet d'éoliennes géantes et les contentieux avec l'Unesco (voir nos articles ci-dessous des 21 mars et 18 décembre 2012), le tout couronné par un sévère rapport de la Cour des comptes dénonçant "une opération mal conduite" (voir notre article ci-dessous du 15 février 2013). Une accumulation qui faisait désordre pour le site culturel et touristique français le plus visité, hors Paris.
En apparence, l'Epic met en place une gouvernance paritaire avec neuf représentants de l'Etat et neuf représentants des collectivités territoriales (régions Normandie et Bretagne, département de la Manche, communes du Mont-Saint-Michel, Pontorson et Beauvoir, communautés d'agglomération d'Avranches, de Saint-Malo et du Pays de Dol et de la Baie du Mont-Saint-Michel). Le ministre en charge des collectivités - et élu normand - Sébastien Lecornu évoque dans un tweet "une initiative commune du gouvernement et des collectivités" pour "une belle avancée pour l'avenir de ce site remarquable". Mais en pratique, il s'agit d'une reprise en main de l'État, qui disposera de la majorité grâce aux deux personnalités qualifiées qu'il nomme.
Outre la définition des règles de fonctionnement de l'Epic, le décret du 11 décembre prévoit aussi la création d'un "comité d'orientation", présidé par le directeur général de la structure et non par le président du conseil d'administration (qui devrait être Marc Lefèvre, le président du conseil départemental de la Manche). Ce comité sera composé de "membres représentant les principales catégories de personnes intéressées par le Mont-Saint-Michel, choisies notamment au sein des associations culturelles, sportives ou religieuses, des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale non représentés au conseil d'administration et des offices du tourisme présents sur le site".
Le directeur général sera nommé par décret en conseil des ministres. Il devrait s'agir de Christophe Beaux, nommé préfigurateur de l'Epic en mars dernier (le second préfigurateur depuis 2017) et ancien PDG de la Monnaie de Paris. Le directeur général de l'Epic sera également administrateur de l'abbaye du Mont-Saint-Michel, dans le cadre de la convention avec le Centre des monuments nationaux prévue par le décret.
Références : décret n°2019-1338 du 11 décembre 2019 relatif à l'établissement public du Mont-Saint-Michel (Journal officiel du 12 décembre 2019). |