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Avant-projet de loi "pour une école de la confiance" : zoom sur les mesures concernant les collectivités

L'avant-projet de loi "pour une école de la confiance", présenté le 15 octobre par Jean-Michel Blanquer au Conseil supérieur de l'éducation, se compose pour l'instant de 24 articles, dont certains touchent de près les collectivités locales.

Jean-Michel Blanquer a défendu, le 15 octobre, devant le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) son projet de loi "pour une école de la confiance". Bien que largement repoussé*, le texte et ses 24 articles ne devraient pas être beaucoup retouchés avant la présentation en conseil des ministres début décembre. Plusieurs mesures concernent de près les collectivités locales.

Instruction obligatoire dès l'âge de 3 ans : une extension de la compétence communale

La plus emblématique est celle instituant l'instruction obligatoire dès l'âge de 3 ans, pas vraiment pour l'ampleur des enfants concernés ("le taux de scolarisation des enfants âgés de 3 à 5 ans est actuellement de 98,9%", indique l'exposé des motifs), mais parce qu'elle constitue une extension de la compétence des communes… et donc les ressources qui vont avec.
L'article 4 prévoit ainsi que l’État attribuera des ressources aux communes qui enregistreraient, durant l’année scolaire 2019-2020 (année scolaire d’entrée en vigueur de l’extension de l’instruction obligatoire) et du fait de cette seule extension de compétence, une augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à celles qu’elles ont exposées au titre de l’année scolaire 2018-2019. Autrement dit (par l'exposé des motifs) : "Seules les augmentations de dépenses qui résultent de l’extension de l’instruction obligatoire sont de nature à ouvrir un droit à accompagnement."
Cette augmentation s’appréciera "au niveau de l’ensemble des dépenses relatives aux écoles élémentaires et maternelles publiques et des dépenses de fonctionnement des classes maternelles ou élémentaires des établissements privés sous contrat d’association", lit-on dans l'exposé des motifs. Le ministère de l'Éducation nationale estime que le coût pour les finances de l'État serait de l'ordre de 100 millions d'euros (moitié pour le privé, moitié pour le public), sachant que seules sont prises en compte les dépenses de fonctionnement.
Un décret en Conseil d’État déterminera les modalités d’application de ce dispositif d’accompagnement.
À noter également, la possibilité de rendre l'instruction obligatoire jusqu'à 18 ans, à titre expérimental, en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion (article 3).

Contribution des collectivités aux établissements publics locaux d'enseignement international

Le titre 2 du texte, baptisé "Innover pour s'adapter aux besoins des territoires", était alléchant. Mais à ce stade, il ne tient pas ses promesses (voir aussi notre article En route vers une Éducation nationale de proximité ? du 5 octobre 2018). Les collectivités locales découvriront dans un très long article (article 6) comment elles peuvent participer à la création et au financement des "établissements publics locaux d'enseignement international" (EPLEI) intégrant des classes des premier et second degrés (de la maternelle au lycée). Ce dispositif s'inscrit "dans le cadre du plan présenté par le Premier ministre en juillet 2017 pour renforcer l’attractivité du territoire", indique l'exposé des motifs. L'article 6 indique : "Ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe de la région, du ou des départements, de la ou des communes et du ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de fonctionnement des écoles, après conclusion d’une convention entre ces collectivités et établissements publics de coopération intercommunale."
La convention "fixe la répartition entre les parties des charges leur incombant" et définit "la répartition entre elles des charges liées à la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement de l'ensemble de l'établissement et des dépenses de personnels autres que ceux (relevant de l'État)".
En outre, la convention déterminera la collectivité de rattachement de l'établissement : celle qui "assure les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement de l'ensemble de l'établissement ainsi que le recrutement et la gestion des personnels autres que ceux (relevant de l'État)".
L'article indique également que le budget des EPLEI "peut comprendre des dotations versées par l'Union européenne, d'autres organisations internationales et des personnes morales de droit privé".

Extension du domaine de l'expérimentation... et de l'évaluation

Un chapitre composé d'un unique article (article 8) porte sur le "recours à l'expérimentation", notamment en étendant les domaines dans lesquels les écoles et établissements d’enseignement scolaires pourront, "sous réserve de l’accord des autorités académiques", décider la mise en œuvre d’expérimentations. Expérimentations "pédagogiques" mais dont certaines concernent directement les collectivités : la "coopération avec les partenaires du système éducatif", les échanges avec des établissements étrangers d'enseignement scolaire, l’utilisation des "outils et ressources numériques", la "répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire"…
L'article 9 crée le "Conseil d'évaluation de l'école" pour que "chaque établissement scolaire bénéficie d’un diagnostic régulier, portant sur l’ensemble de ses missions : enseignement, progrès des élèves, projets pédagogiques, climat scolaire". C'est le souhait du président de la République, ainsi que le rappelle l'exposé des motifs. À noter que "le rapport, les avis et les recommandations du conseil d'évaluation de l'école sont rendus publics", ce qui fait craindre à certains une mise en concurrence des collèges, des lycées, voire des écoles.
A la lecture de l'article 13, les assistants d'éducation pourraient amorcer un processus de pré-professionnalisation et de pré-recrutement dès la L2 en participant au dispositif "Devoirs faits" ou en observation, puis, progressivement, en co-enseignement (ils ne devraient pas avoir de classe en responsabilité avant d'avoir leur licence).

Découpage sous ordonnance

L'article 17 autoriserait le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures concernant le nouveau découpage des académies métropolitaines alignées sur les treize régions. L'article suivant prévoit une ordonnance définissant "l’organisation, le fonctionnement et les attributions" de ces futurs "conseils académiques et départementaux de l’éducation nationale", et cela "afin de tenir compte notamment de l'évolution des compétences des collectivités territoriales". "L’objectif est de redynamiser le fonctionnement de ces instances qui ont vocation à devenir des outils de concertation des politiques publiques éducatives au plus près des spécificités de chaque territoire", indique l'exposé des motifs.
L'article 19 créerait un mécanisme de compensation entre l’attribution par l’État des bourses nationales de lycée aux familles d’une part et d’autre part le recouvrement des frais de pension ou de demi-pension par l’établissement public local d’enseignement (EPLE) qui gère les services d’hébergement et de restauration.
À signaler enfin l'article 5 sur le renforcement du contrôle de l'instruction dans les familles qui porte sur le contrôle de nature strictement pédagogique. Le rôle du maire se résume à enregistrer l'inscription des enfants dont les familles ont été mis en demeure de l'inscrire dans un établissement d'enseignement, et d'en informer "l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation".

*Le CSE a recueilli 34 voix contre, 3 voix pour, 15 refus de vote, 5 abstentions.