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Entreprises - Auto-entrepreneurs : vers un régime à deux vitesses

La ministre de l'Artisanat envisage de limiter dans le temps le régime d'autoentrepreneur pour les activités principales. La concertation va se poursuivre jusqu'à l'été.

Le compromis vers lequel se dirige le gouvernement sur le statut des auto-entrepreneurs semble ne convenir à personne. Contrairement aux recommandations de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection des finances (IGF) dans le rapport qu'elles lui ont remis, la ministre de l'Artisanat, Sylvia Pinel, a opté mercredi pour un régime à deux vitesses.
Les autoentrepreneurs qui exercent leur activité à titre complémentaire conserveraient leurs avantages actuels. En revanche, pour ceux dont c'est l'activité principale, c'est-à-dire la majorité des 895.000 autoentrepreneurs, le régime serait limité dans le temps. Depuis 2008, le régime a généré 5 milliards d'euros de chiffres d'affaires, mais il a "davantage facilité l'exercice d'activités accessoires ou à faible valeur ajoutée que permis la création d'entreprises pérennes à potentiel de croissance", justifie le ministère de l'Artisanat. L'audit des deux inspections rappelle en effet que si le régime a "fortement contribué à la création d'entreprises", il a généré des revenus faibles pour ses bénéficiaires : 90 % d'entre eux réalisent un chiffre d'affaires inférieur au Smic…
Pour la sortie du régime, la ministre a évoqué une fourchette "de un à cinq ans" au terme de laquelle les autoentrepreneurs devront basculer vers les statuts classiques d'entrepreneurs, grâce à un accompagnement renforcé et une transition aménagée. "Mais, bien sûr, c'est à affiner. C'est pour cela que je ne veux pas m'avancer sur un délai", a-t-elle pris soin de préciser, appelant à la poursuite de la concertation avec les ministères concernés et avec les organisations professionnelles. Car pour l'heure, personne n'y trouve vraiment son compte.

"Effet guillotine"

C'est dans le bâtiment et chez les artisans que les attaques contre le régime sont les plus vives. "Dans une situation économique très difficile pour les entreprises artisanales, il serait incompréhensible que perdure une situation de concurrence déloyale", avait récemment mis en garde l'Assemblée permanente des chambres des métiers et de l'artisanat (APCMA). Sa mobilisation a permis de déboucher sur le compromis de mercredi, mais elle reste insatisfaite. "Après presqu'un an d'attente, les annonces faites ne correspondent en rien aux engagements portés à la fois par le président de la République et la ministre en charge de l'artisanat, Sylvia Pinel", a réagi l'APCMA mercredi. Elle demande "l'extension à tous les artisans des mesures d'atténuation des charges du régime de l'auto-entrepreneur afin de mettre fin à toutes inégalités de traitement".
Le président de l'Union des autoentrepreneurs François Hurel dénonce, lui, "l'effet guillotine" de la limite dans le temps.
Dans leur rapport, l'IGF et l'Igas s'opposent à cette limitation dans la durée, et jugent "inopportun de bouleverser ce régime qui est en train de parvenir à maturité", même si elles pointent trois risques : concurrence déloyale, salariat déguisé et fraudes. Elles demandent donc de mieux préciser les deux catégories (activité principale ou secondaire) au moment de l'adhésion et recommandent un accompagnement renforcé, des garanties pour le consommateur et un meilleur contrôle.
Les conclusions de la concertation engagée par la ministre seront présentées "d'ici l'été".