PLF 2018 - Asile : les places en centres d'accueil et d'orientation ont été multipliées par dix depuis 2015
Sous le titre "Les équilibres territoriaux en question"., un rapport parlementaire détaille les chiffres par région de la demande d''asile, des capacités d'hébergement, de la part des "Dublin", des centres d'accueil et d'orientation...
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, Elodie Jacquier-Laforge, députée (mouvement Démocrate et apparentés) de l'Isère, a rendu, au nom de la commission des lois, un rapport pour avis sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Elle y consacre un important développement à l'accueil des demandeurs d'asile, sous le titre "Les équilibres territoriaux en question". Contrairement à d'autre pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas, le système français d'asile repose en effet sur un dispositif déconcentré : le demandeur est libre de déposer son dossier au sein de l'un des 33 points d'accueil présents sur le territoire national.
Un décalage entre les arrivées et les capacités d'hébergement
Pourtant, "on assiste à une très forte polarisation dans la région parisienne. Son désengorgement nécessite à la fois de fluidifier les parcours des demandeurs en les inscrivant rapidement dans une démarche d'asile et de solliciter les autres régions pour offrir des capacités d'hébergement supplémentaires".
Même si les chiffres sont loin de ceux d'autres pays - en particulier si on les rapporte à la population -, "la demande d'asile a atteint un niveau inédit, supérieur de 7% au seuil déjà atteint en 2015", avec un total de 86.696 demandes. Quatre régions enregistrent plus de 60% des demandes déposées : l'Ile-de-France (33% du total), suivie par Auvergne-Rhône-Alpes (10%), les DOM (10%) et la région Grand-Est (8%).
Si on excepte le cas des DOM, le rapport pour avis montre un décalage entre les arrivées de demandeurs d'asile et les capacités d'hébergement (80.038 places au total). Au 31 décembre 2017, la région Grand Est comptera ainsi 13.082 places, suivie par Auvergne-Rhône-Alpes (11.526 places), l'Ile-de-France (9.555), l'Occitanie (6.436) et Bourgogne-Franche-Comté (5.305). Ce déséquilibre géographique explique, pour partie, l'apparition récurrente de campements sur Paris et en Ile-de-France, malgré les opérations répétées de mise à l'abri organisées par l'Etat, la ville de Paris et les associations.
Les demandeurs sous procédure "Dublin" ont triplé en un an
Autre élément mis en évidence : l'augmentation de la part des "Dublin" dans les flux. Le rapport observe que "la France, et en particulier la région Ile-de-France, est confrontée à une hausse des flux secondaires sans précédent : il s'agit de migrants arrivés en Europe en 2015-2016 et qui, après avoir enregistré une demande d'asile dans un premier pays européen, réitèrent cette demande dans un autre Etat membre de l'Union européenne". Le nombre de personnes placées sous procédure "Dublin" a ainsi été multiplié par trois en région parisienne en un an (près de 10.000 en juillet 2017, contre 3.200 une année plus tôt).
Le rapport explique que "cet afflux n'avait pas été anticipé. C'est pourquoi le plan d'action du 12 juillet 2017 porte une attention particulière à cette question, afin notamment d'améliorer le taux de transferts depuis la France vers les pays de premier accueil, alors que seules 10% des procédures Dublin avaient abouti en 2016".
La préfecture d'Ile-de-France a donc ouvert 865 places dédiées à l'accueil des personnes placées sous cette procédure - avec un objectif de 1.000 places à moyen terme -, "afin d'éviter les risques de fuite et faciliter leurs transferts".
La "difficile gestion territoriale des flux de demandeurs"
Le rapport s'attarde également sur la rapide montée en charge des centres d'accueil et d'orientation (CAO), qui ont vocation à accueillir temporairement les migrants en situation de grande précarité. De 967 places en 2015, leur capacité atteint 9.424 places au 1er juillet 2017, réparties entre 525 CAO, sur 85 départements et 11 régions (l'Ile-de-France ne comptant pas de CAO).
En dépit de ces efforts, le rapport pointe toujours "la difficile gestion territoriale des flux de demandeurs d'asile", malgré la réduction drastique du nombre des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile (de 60 à 34), "afin de s'aligner sur le réseau des préfectures compétentes et ne conserver qu'un seul point de premier accueil par région". La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a toutefois apporté des améliorations, avec notamment la création des guichets unique pour demandeurs d'asile (Guda). Malgré cela, "on constate que les demandeurs sont placés dans des situations bien différentes selon leur région d'accueil". Cela se traduit notamment par des délais d'accès aux guichets uniques différents d'une région à l'autre.
Références : Assemblée nationale, avis fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi de finances pour 2018, sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.