Arrêts maladie : la baisse de rémunération des agents vertement critiquée par le conseil commun
Les projets de décrets prévoyant l'application aux agents contractuels de la fonction publique de la diminution de la rémunération en cas d'arrêt maladie étaient examinés le 11 février par le conseil commun de la fonction publique. Sans surprise, les représentants syndicaux ont voté contre, à l'unanimité. Les représentants des employeurs territoriaux ont également fait le choix de s'y opposer.

© @LMarcangeli/ Laurent Marcangeli
Les représentants des organisations syndicales et ceux des employeurs territoriaux siégeant au conseil commun de la fonction publique (CCFP) ont voté à l'unanimité, le 11 février, contre deux projets de décrets appliquant aux agents non titulaires de la fonction publique une baisse de leur rémunération de 100% à 90% en cas d'arrêt maladie.
Les deux projets de textes étaient soumis à l'avis de l'instance de concertation compétente pour les questions concernant au moins deux versants publics, en présence du ministre de la Fonction publique. A cette occasion, Laurent Marcangeli rencontrait pour la première fois ses interlocuteurs syndicaux réunis ensemble.
Pour les fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux, la baisse de l'indemnisation des arrêts pour maladie "ordinaire" voulue par le gouvernement passe par une disposition inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 (voir notre article du 20 janvier). Sa transposition aux agents contractuels des trois versants et, selon le gouvernement, "à certaines catégories de fonctionnaires", nécessite des mesures réglementaires, qui entreront en vigueur au même moment, c'est-à-dire "à compter du premier jour du mois suivant la publication" de la loi de finances pour 2025, donc vraisemblablement le 1er mars.
Pertes de revenu
Le gouvernement, qui entend réduire l'absentéisme et, ainsi, parvenir à 900 millions d'euros d'économies par an pour l'ensemble du secteur public, devrait en effet passer outre l'avis rendu ce 11 février par le CCFP. Un avis défavorable exprimé de concert par l'ensemble des représentants syndicaux et des employeurs territoriaux, a-t-on appris auprès de plusieurs sources syndicales. Les représentants des employeurs hospitaliers se sont quant à eux abstenus. Un tel résultat oblige le gouvernement à présenter de nouveau les deux projets de décrets lors d'une prochaine réunion du CCFP, mais sans aucune obligation pour lui d'amender le projet de décret, et encore moins de le retirer.
Avant de procéder au vote sur les projets de textes, les représentants des personnels et ceux des employeurs territoriaux s'étaient conjointement prononcés en faveur d'un vœu déposé par la CFE-CGC demandant leur retrait. "Les agents vont être la variable d'ajustement de ce budget d'austérité, alors qu'ils ne sont pour rien dans la situation budgétaire du pays", s'insurge Sylviane Brousse, coordinatrice CGT Fonction publique au conseil commun. "L’application des deux décrets nuira fortement au pouvoir d’achat" des agents publics, renchérit la CFE-CGC. Ils prévoient que la rémunération des agents publics sera abaissée de 100% à 90% durant les trois premiers mois des arrêts de maladie ordinaire (c'est-à-dire la phase précédant le passage à demi-traitement). Les agents absents pour raison de santé accuseront donc des "pertes" financières pouvant être significatives, s'inquiètent les syndicats. Certains, comme l'Unsa Fonction publique, offrent d'ailleurs aux agents la possibilité d'évaluer d'ores et déjà ces baisses de revenus (voir la calculette mise en ligne par le syndicat).
"Stigmatisation"
Cela fait dire au président de la FAFP que le gouvernement "continue avec son fonctionnaire bashing". Avec la mesure "soi-disant de lutte contre l'absentéisme", il verse dans "la sanction et la stigmatisation", ajoute Pascal Kessler. "Les agents ne choisissent pas d'être malades, ceux qui s'arrêtent ne font pas exprès", insiste Luc Farré, secrétaire général de l’Unsa Fonction publique. Et s'ils souffrent d'une maladie contagieuse, il est "même raisonnable" qu'ils n'aillent pas à leur travail, afin d'éviter les risques de transmission aux collègues et aux usagers, pointe-t-il. Les syndicats doutent donc sérieusement de l'efficacité de la mesure défendue par le gouvernement. Celle-ci pourrait même alourdir la gestion des ressources humaines, à l'opposé de l'objectif de simplification mis en avant par l'exécutif, pointe Pascal Kessler.
Au cours de la même séance, les membres du CCFP se sont prononcés majoritairement pour un projet de décret sur les possibilités de report des droits à congé annuel et aux jours d’aménagement et de réduction du temps de travail (JRTT) dans la fonction publique. Selon le gouvernement, le décret vise à garantir "l’effectivité" du report de JRTT pour "l’agent qui n’a pas été placé en mesure d’exercer ses droits au cours de la période de prise de congé", du fait d’"un congé pour raison de santé, accident de service ou de travail, maladie professionnelle ou d’un congé lié aux responsabilités parentales ou familiales". Par ailleurs, le texte "pose le principe" du droit au report de "congé annuel acquis et non exercé" pour les mêmes raisons.
Indemnité compensatrice de congé non pris
Les agents concernés pourront reporter jusqu'à quatre semaines de congé annuel (sauf dans le cas d'un congé de maternité qui ouvrira droit au report de cinq semaines). Les syndicats soulignent la "clarification" permise par le projet de texte, alors qu'actuellement certains agents qui ont été absents pour des raisons de santé sont obligés de déposer des recours devant le tribunal administratif pour prétendre au report de leurs congés ou JRTT non pris.
Le projet de décret, qui permet à la France de se mettre en conformité avec deux directives européennes de 2003 et 2019, prévoit par ailleurs la création d'une indemnité compensatrice de congé annuel non pris "en fin de relation de travail" lorsque le report n’est pas possible. L'indemnité correspond à la "rémunération mensuelle brute qui aurait été versée à l’agent, s’il avait exercé ses fonctions", dans la limite de quatre semaines de congé annuel (cinq semaines dans le cas d'un congé maternité).