PLF 2011 - Archéologie préventive : l'Inrap à nouveau dans une impasse budgétaire et financière
Dans son rapport présenté au nom de la commission des finances sur les crédits de la mission "culture", Yann Gaillard, sénateur de l'Aube et vice-président de la commission des finances, ne donne pas dans les circonvolutions : l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) "traverse en effet, depuis l'été, une crise de trésorerie sans précédent, tant par son intensité que par sa durée. Les paiements de l'établissement aujourd'hui bloqués s'élèvent à 6 millions d'euros, qui ne pourront être honorés que lorsque le besoin de trésorerie afférent aux dépenses prioritaires de novembre, au premier rang desquelles le paiement des salaires, aura été couvert (soit 8,9 millions d'euros)".
Selon le rapporteur, cette situation tient à une double cause. D'une part, l'Inrap souffre d'une insuffisance persistante de son fonds de roulement, qui ne couvre que la moitié du besoin en la matière (soit 18,8 millions d'euros à la fin de 2009). D'autre part, ce besoin structurel "se trouve aggravé, en 2010, par une baisse importante du rendement de la redevance d'archéologie préventive" (RAP). A la fin du mois d'octobre, le rendement de la RAP était en effet de 50,5 millions d'euros, contre 65,6 millions attendus en progression linéaire. Interrogés par le rapporteur, les représentants de l'Inrap ont toutefois fait valoir "que les restructurations intervenues dans le cadre de la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat ont pu retarder la liquidation de la redevance par les services", ce qui laisserait augurer un possible rattrapage. La situation de l'Inrap n'en est pas moins de plus en plus précaire. Après une première "subvention exceptionnelle" de 15 millions d'euros au premier semestre 2010, le ministère de la Culture a attribué une nouvelle rallonge de 2 millions d'euros au début du mois d'octobre, avant une autre subvention de 4,3 millions d'euros d'ici à la fin de l'année.
Le coût de la recapitalisation
Ces abondements ne sont toutefois que des palliatifs. L'Inrap lui-même reconnaît que "l'effort exceptionnel consenti ne suffira pas à redresser les comptes de l'institut, qui abordera l'année 2011 dans des conditions qui menacent sa pérennité et le bon déroulement de l'activité archéologique, si une réforme de la redevance d'archéologie préventive et de la gouvernance du système n'est pas mise en oeuvre rapidement et si une recapitalisation de l'Inrap et du Fnap [fonds national d'archéologie préventive, ndlr] n'intervient pas à brève échéance". Problème : le coût de la recapitalisation de l'Inrap et du Fnap est évalué à 63 millions d'euros (hors éventuel déficit 2010), dont 33,7 millions pour la reprise des déficits antérieurs et 29,1 millions d'insuffisance cumulée de crédits pour couvrir les 111 dossiers d'archéologie préventive non encore engagés faute de moyens. A défaut, il faudrait envisager une réduction drastique des moyens de l'ordre de 40%, "que l'Inrap juge incompatible avec la politique de prescription actuellement conduite et l'amélioration des délais d'intervention". Pour Yann Gaillard, cette situation très inquiétante traduit - au-delà des aspects conjoncturels - "l'extrémité à laquelle est parvenu un mode de financement inadapté, ne permettant pas un pilotage commun de la dépense et de la ressource". Le rapporteur fait notamment allusion au mécanisme de la RAP et à la trésorerie unifiée de l'Inrap (déficitaire) et du Fnap (longtemps excédentaire), qui a permis de masquer la situation réelle. Il compte donc interroger, lors de la discussion, le ministre de la Culture sur les conclusions de la mission que le gouvernement a confié, en avril dernier, à l'Inspection générale des finances sur le bilan de la RAP et les propositions alternatives permettant de définir un système de financement stable et pérenne.
Référence : projet de loi de finances pour 2011, rapport de la commission des finances du Sénat sur les crédits de la mission "culture".