Après un semestre en demi-teinte, le commerce spécialisé se prépare aux zones à faibles émissions
Le commerce spécialisé termine plutôt bien le premier semestre 2023 avec des résultats en hausse de 6,5% en juin 2023, d'après le bilan de Procos publié le 5 juillet 2023. Mais ces résultats sont surtout dus à des augmentations de prix de vente, alerte la fédération du commerce spécialisé, qui insiste pour avancer sur les dossiers prioritaires que sont les zones à faible émission mobilité (ZFE-m), la transformation des zones commerciales et le risque du retour de la vacance dans les centres-villes des villes moyennes.
Les résultats du commerce spécialisé se sont plutôt améliorés au mois de juin 2023, d'après le bilan publié le 5 juillet 2023 par Procos, la fédération du secteur. Les chiffres des points de vente ont ainsi augmenté de 6,5% en juin 2023 par rapport à 2022, après avoir baissé en mai. Au total, les ventes des magasins du commerce spécialisé au premier semestre sont en légère hausse en valeur (3%). Deux secteurs ont des résultats inférieurs à ceux de l'an dernier sur la même période : l'équipement de la maison (-1,4%) et culture-cadeaux-jouets (-1,5%). Si on cumule les ventes magasins et web, l'habillement est également négatif sur cette période. Les autres secteurs terminent le semestre en croissance comparativement à 2022 : +11,5% magasins et internet pour la beauté-santé, +4,9% pour la chaussure, +4,5% pour la bijouterie, +3,5% pour la restauration et +2,8% pour l'alimentation spécialisé. Procos alerte toutefois sur la réalité de ces performances, qui sont principalement dus à des augmentations de prix de vente "car les ventes en volume connaissent des évolutions négatives". La fréquentation des magasins s'est dégradée de mois en mois par rapport à 2022, jusqu'à -8,5% en juin.
Les émeutes de ces derniers jours ont "impacté un nombre très important de magasins, explique Procos, allant de dégradations à la destruction totale par incendie en passant par le vol de tous les produits du point de vente". La fédération estime que plusieurs dizaines resteront fermés quelques semaines voire au-delà en fonction des dégradations. Lors d'un déplacement à Marseille, vendredi, le ministre de l'Économie a appelé "à la mobilisation générale pour tous les commerces de France". "Nos amis assureurs, ils ont pris des engagements. Ils doivent les tenir, ils doivent indemniser rapidement", a-t-il souligné.
ZFE, des conséquences "peu appréhendées"
La fédération prévoit toutefois un début d'amélioration pour la fin de l'année 2023, qui pourrait porter ses fruits en 2024. Mais elle met en avant des sujets importants à traiter dans les mois à venir, comme la question des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), instaurées par la loi Climat et Résilience de 2021 (voir notamment notre article du 10 juillet 2023). Ces zones visent à restreindre la circulation des véhicules les plus polluants dans différentes zones urbaines. 43 agglomérations sont concernés d'ici fin 2024 et 11 ont déjà déployé leur calendrier. "Mais l'analyse de la situation met en évidence combien les conséquences sur les professionnels, comme les citoyens ont été peu appréhendées", souligne Procos, qui estime aussi que le calendrier envisagé ne permet pas de prendre en compte suffisamment les conséquences sociales et économiques de ces obligations sur l'emploi, le tourisme, la mobilité des personnes et des biens.
Le nouveau Conseil national du commerce (voir notre article du 24 avril 2023) s'est saisi du sujet avec la création d'un groupe de travail dont Procos est rapporteur. L'idée est de soumettre dans les prochains jours des préconisations pour analyser les impacts réels sur les activités et mettre en place des comités d'évaluation avec les professionnels. La mise en œuvre de ces zones va ainsi transformer les conditions dans lesquelles une partie des flux dont dépend le commerce s'opère (logistique, fournisseurs, prestataires, clients, livraison à domicile). La fédération estime qu'il va falloir combiner les objectifs de ces zones avec celui de la pérennisation des activités commerciales (faisabilité, rentabilité économique, risque de contraction des zones de chalandise…), prendre en compte la diversité des territoires et des situations et accompagner à travers des aides et des financements les acteurs. Parmi les pistes envisagées : la mise en place de transports de substitution, l'accélération des hubs intermodaux en lisière de ZFE pour permettre le stationnement, la mise en place d'une plus grande mutualisation de la livraison urbaine, etc.
La transformation des zones commerciales : pas sans les acteurs du commerce
Autre dossier important : la transformation des zones commerciales. Dans un contexte de transition écologique et d'instauration du zéro artificialisation nette des sols (ZAN), Procos estime que ces zones offrent des opportunités de construction et de densification. En témoignent les nouvelles orientations de programmes tels qu'Action cœur de ville qui pour sa deuxième phase va s'intéresser davantage aux entrées de ville notamment (voir notre article du 4 juillet 2023). Pour Procos, il s'agit de coconstruire le futur de ces zones, avec une concertation en amont, qui puisse intégrer les acteurs du commerce afin que les conditions d'exploitation (visibilité, accès clients, logistiques, coûts d'exploitation) soient assurées et prises en compte en amont de la définition des projets d'aménagement.
Enfin, dernier point : les risques de retour de la vacance commerciale dans les centres-villes de villes moyennes. Procos note une multiplication des défaillances d'enseignes textiles dont les magasins sont souvent dans les rues de villes moyennes. Des fermetures qui risquent de mettre en danger les magasins voisins. Le baromètre récent de Centre-ville en mouvement fait état d'une fréquentation stable en 2023 mais toujours en-dessous de celles d'avant la crise sanitaire (voir notre article du 1er juin 2023). Et malgré ce contexte, Procos regrette que ni le gouvernement, ni le Parlement n'aient accepté de plafonner l'indexation des loyers commerciaux à 3,5% comme cela a été décidé pour les TPE/PME. Une mesure récemment reconduite par le Parlement (voir notre article du 29 juin). "Une seule question : toutes les enseignes et magasins sont-ils suffisamment solides pour supporter deux années de suite une indexation de 6 % soit 12 % en deux ans ?", questionne la fédération qui estime que beaucoup de commerces seront en danger à court terme.