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Patrimoine - Après le vin, une proposition de loi veut faire de la bière un patrimoine culturel et gastronomique protégé

L'Assemblée nationale a entamé, le 7 juillet, l'examen en seconde lecture du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Lors de son passage au Sénat, Roland Courteau, sénateur (PS) de l'Aude, avait fait adopter un amendement prévoyant que "le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France" (voir l'encadré sous notre article ci-contre du 16 avril 2014). L'argument avancé était le précédent du foie gras, pour lequel un autre article - adopté en 2006 en pleine polémique sur l'interdiction américaine d'importation de ce produit pour cause de gavage des oies - précisait que "le foie gras fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé, en France [...]".

Un patrimoine "transmis de génération en génération"

Le précédent sur le vin a manifestement donné des idées aux défenseurs de la bière. Ainsi, une proposition de loi, déposée le 2 juillet par Jean-Pierre Decool, député du Nord, et environ 80 de ses collègues du groupe UMP, vise ainsi à inscrire la bière au patrimoine culturel et gastronomique protégé en France.
Les arguments avancés à l'appui de ce type de démarche sont bien connus : la bière "est mentionnée comme partie intégrante du repas gastronomique des Français, lequel est désormais inscrit, après études et proposition des ministres français des Affaires étrangères et de la Culture, sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l'humanité, établie par l'Unesco". De même, la culture de la bière fait "partie du patrimoine plurimillénaire, culturel, paysager et économique français, transmis de génération en génération" et "connaît aujourd'hui une nouvelle vigueur".

L'économie à la rescousse

Les arguments économiques ne sont pas oubliés : les cafés, "lieux emblématiques de l'art de vivre français", ne survivraient aujourd'hui que grâce à la bière, qui représente 37% de leurs revenus, et grâce aux 500 millions d'euros d'encours de prêts et cautions que leur consentent les brasseurs. De même, la France est le second producteur et le second exportateur mondial d'orges de brasserie, "qui contribuent à façonner les paysages de nos grands bassins céréaliers". Elle est aussi le premier exportateur de malt, dont elle assure 20% du commerce mondial.
Mais - selon un discours bien rôdé - "ces réalités objectives sont souvent contestées par des personnes entretenant une confusion entre la nécessaire lutte anti-alcoolique protégeant la santé publique et les apports positifs permis par la consommation modérée de bière". Aussi, la proposition de loi entend-t-elle insérer dans le Code rural un article de douze mots précisant que "la bière fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France".

Une portée symbolique, mais des conséquences concrètes

Si cette notion n'a pas vraiment de portée juridique et pratique, sa dimension symbolique est évidente. Elle risque donc de heurter à nouveau les professions de santé et les professionnels de la prévention confrontés aux ravages croissants de l'alcool, notamment chez les jeunes. Car, au-delà de la notion bien réelle d'une forte dimension patrimoniale et culturelle autour de la bière comme du vin, ce type d'article vise aussi un double objectif. D'une part, écarter les messages de santé publique qui pourraient nuire à la consommation - le combat victorieux contre l'apposition d'un message sur les bouteilles rappelant les dangers de l'alcool pour les femmes enceintes est encore dans toutes les mémoires -, mais aussi obtenir un traitement différencié pour le vin et la bière, contre les alcools étrangers (whisky, vodka...).
Un examen en séance de cette proposition de loi ne semble pas d'actualité immédiate, dans un calendrier parlementaire qui s'annonce très chargé au moins jusqu'à la fin de l'année. En revanche, le dépôt de ce texte juste avant l'examen en deuxième lecture du projet de loi Agriculture laisse penser que la proposition de loi pourrait bien resurgir sous la forme d'un amendement.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Assemblée nationale, proposition de loi visant à inscrire la bière au patrimoine culturel et gastronomique protégé en France (enregistrée à la présidence de l'Assemblée le 2 juillet 2014).