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Réforme territoriale - Après la loi Notr, les départements oscillent entre incertitude et volontarisme

La réforme territoriale aboutit à moins de simplicité et plus d'incertitudes pour l'action des départements, ont révélé les élus de cet échelon lors d'un colloque organisé ce 27 avril par l'Assemblée des départements de France (ADF). Ils n'en veulent pas moins utiliser les opportunités d'action offertes par la loi, lorsqu'elles existent.

Au lieu de simplifier la répartition des compétences des collectivités territoriales, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) l'a rendue plus complexe, ont jugé les participants d'un colloque que l'Assemblée des départements de France (ADF) a organisé ce 27 avril à l'Assemblée nationale. "Le compromis crée plus de problèmes qu'il n'en enlève", a critiqué par exemple le sénateur radical du Cantal, Jacques Mézard, qui s'est opposé à la réforme durant tout le temps des débats parlementaires. Il a souhaité "bon courage" à "ceux qui devront expliquer aux Français comment ça marche". Ce texte est un "salmigondis", a-t-il encore jugé, alors que la France "a besoin de simplification". Partageant ce constat, Hervé Gaymard, député LR et président du conseil départemental de la Savoie, a estimé que "le résultat des courses est tout sauf rationnel". Il a insisté sur l'importance pour les départements de continuer à pouvoir intervenir dans le domaine de l'économie, s'agissant en particulier de l'attractivité du territoire. "Le développement économique de la Savoie Mont-Blanc ne se fera pas depuis Lyon", a-t-il souligné.
Dans ce domaine, les départements sont pourtant obligés de renoncer aux aides directes aux entreprises qui relèvent désormais exclusivement de la région. Ils peuvent toutefois encore aider le secteur de l'agriculture. Des départements entendent bien utiliser ce levier. Comme la Dordogne. "On continuera à aider directement les entreprises pour l'agroalimentaire et pour tout ce qui touche le bois", a déclaré son président, Germinal Peiro. L'action n'est pas marginale : avec plus de 150 entreprises et 300 millions d'euros de chiffre d'affaires, la filière bois-papier est le second employeur de la Dordogne.

"Acrobaties administratives"

Les départements peuvent aussi continuer à agir dans le domaine de l'immobilier d'entreprise, mais au prix d'"acrobaties administratives", a jugé Damien Abad, président du conseil départemental de l'Ain. Concrètement, le département devra signer une convention avec les EPCI à fiscalité propre afin d'agir par délégation pour le compte de ces derniers.
L'affaiblissement du département dans le domaine de l'action économique profite aux intercommunalités et aux régions, dont les compétences à l'inverse sont renforcées. Mais, pour être à la hauteur de l'enjeu, les régions devront disposer d'agents proches des acteurs économiques, a jugé Germinal Peiro. Ce sera une gageure dans les grandes régions.

Sous la menace des métropoles ?

Autre secteur dans lequel les départements vont pouvoir, non sans obstacles, conserver la possibilité d'agir : les transports. La loi Notr ne prévoit pas le retrait complet des départements de la gestion des ports et aéroports qu'ils gèrent aujourd'hui, a noté Marie Lhéritier, avocate spécialisée en droit public. Et cela même lorsque des collectivités sont candidates au transfert de ces infrastructures. S'agissant des transports scolaires, cette fois, une majorité de régions devraient faire le choix de déléguer la compétence aux départements, a estimé Damien Abad. Ce qui semble logique, car ces derniers disposent d'un savoir-faire et sont proches du terrain. Cela n'empêchera toutefois pas le transfert à la région d'une partie du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements pour compenser le transfert de la compétence. Ce qu'il a déploré, puisqu'en moyenne cette recette a évolué favorablement jusqu'à présent.
Même si la loi Notr maintient au final la plupart des compétences des départements, les élus de cet échelon gardent en mémoire l'annonce de sa disparition, faite au plus haut niveau de l'exécutif. Certains continuent à penser que l'existence du département est menacée, en particulier lorsque leur territoire est le siège d'une métropole. Cependant, ils admettent que la création de grandes régions redonne de la cohérence à l'action du département. Pour Hervé Gaymard, "la messe n'est pas dite" s'agissant de l'organisation territoriale. "Il faudra revenir sur le sujet", a-t-il considéré. Mais pour celui qui coordonne le programme d'Alain Juppé en vue de l'élection présidentielle de 2017, ce ne devra pas être "la priorité des priorités" du début du prochain quinquennat présidentiel. Et il rappelle qu'il était favorable à la création du conseiller territorial, dont la gauche au pouvoir n'a pas voulu.