Sports - Amorce d'un jeu collectif entre élus du sport et ligues professionnelles
Les rapports entre collectivités locales et ligues sportives professionnelles seraient-ils en voie d'amélioration ? La tenue de la dernière réunion en date, fin novembre, entre l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) et l'ANLSP (Association nationale des ligues de sports professionnels) semble l'indiquer. Interrogés par Localtis, leurs présidents respectifs font état d'une nette détente. "Il y a une discussion qui s'amorce avec les ligues professionnelles, cela améliore la compréhension", constate Jacques Thouroude, président de l'Andes. "Le débat a été bloqué jusqu'à il y a deux ans. Au fur et à mesure des réunions tenues avec l'Andes, on passe d'une phase de méfiance à une phase plus constructive", estime Patrick Wolff, président de l'ANLSP.
Si blocage il y a eu, c'est que les sujets de discorde n'ont pas manqué. Cette saison, les ligues de football et de rugby ont ainsi mis sur pied un règlement invitant les clubs à améliorer leurs installations à travers des incitations financières. Problème : les installations en question appartiennent quasi systématiquement à des collectivités… qui se voient contraintes de mettre la main à la poche.
Ici, une divergence de vue demeure. Du côté des ligues professionnelles, on souligne le risque que l'aléa sportif fait peser sur les investissements des collectivités : "Les municipalités nous interrogent légitimement en disant 'Vous nous demandez de moderniser les stades, mais vous ne nous assurez pas la pérennité des clubs pendant une période égale à celle des emprunts nécessaires pour financer ces opérations'", explique Patrick Wolff. Pour Jacques Thouroude, les incitations à transformer les stades reviennent à "mettre la charrue avant les bœufs". "La première des choses à faire est de favoriser le plus possible l'acquisition de l'outil de travail des ligues professionnelles", soutient le président de l'Andes.
Privatiser les stades…
Acquisition par le privé… le mot est lâché. Et il n'effraie pas les clubs. "Il faudra y venir", reconnaît Patrick Wolff, qui pointe toutefois un danger : "Le modèle à mettre en place ne devra pas faire disparaître les sports des villes moyennes. Quand vous regardez le système de ligues fermées aux Etats-Unis, seules les très grandes villes possèdent de véritables clubs professionnels dans des stades immenses. C'est très important qu'il y ait du basket à Chalon et à Limoges, qu'il y ait du rugby à Agen et à Narbonne."
Pour que les clubs puissent acquérir leurs stades, l'ANLSP demande qu'ils soient reconnus comme des entreprises à part entière et bénéficient du même régime : accès plus large à l'emprunt, soutien des organismes de type Oséo. Et Patrick Wollf de souhaiter le retour en force des Sem, "terme qui terrorise tout le monde, mais , moyennant des aménagements, elles peuvent apporter beaucoup au cadre d'exploitation d'un domaine sportif ", ou encore un recours plus important aux PPP.
Plus de PPP pour les installations du sport professionnel, Jacques Thouroude n'est pas contre, mais avance ses conditions : "Il faut inverser la logique actuelle, car aujourd'hui le PPP repose sur la collectivité, même si l'on prétend que c'est le privé qui fait l'investissement. On pourrait considérer que les PPP sont de la responsabilité du privé, voire du club associé au privé, et que la collectivité abonde."
Quelle que soit la voie choisie, elle nécessitera des aménagements juridiques. Pour Patrick Wolff, "le cadre législatif n'est pas encore suffisant pour qu'on puisse basculer d'un financement public vers un financement privé". Le président de l'ANLSP attend beaucoup de la loi-cadre sur le sport annoncée par Valérie Fourneyron pour 2013.
… sans couper le lien
Un toilettage législatif suffira-t-il à faire endosser aux clubs leurs responsabilités tout en déchargeant les collectivités ? Rien n'est moins sûr. Dans un système où sport amateur et sport professionnel sont intimement liés, et où les clubs-phares sont des moteurs d'image pour nombre de territoires, le lien entre pouvoirs publics et entreprises sportives ne peut être coupé du jour au lendemain.
A Bordeaux, la ville investit cinq millions d'euros dans la rénovation du palais des sports qu'utilisera le club de basket professionnel. "Nous n'avons pas poussé le club à devenir propriétaire car la salle sera aussi utilisée par la jeunesse de proximité. Cela restera un espace partagé. Il faut trouver l'équilibre entre sport pour tous et sport de haut niveau. La première mission d'une collectivité est de donner le bon outil pour être performant", explique Arielle Piazza. Pour l'adjointe aux sports de Bordeaux, "si au niveau des élus aux sports, la pression est forte, si les équipements en faveur du sport pour tous sont une priorité et si les ligues professionnelles ne peuvent pas toujours imposer leurs diktats, on ne peut pas d'un seul coup dire aux clubs de se débrouiller seuls avec des structures privées. On y perdrait, ça ne serait pas du gagnant-gagnant. On a besoin de ce lien".
S'ils se sont rapprochés en 2012, élus du sport et ligues sportives professionnelles auront donc encore beaucoup de choses à se dire en 2013…