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Transports - Améliorer la logistique : quels leviers pour les territoires ?

En vue de la Conférence nationale sur la logistique, qui sera organisée avant l'été, le gouvernement a chargé un comité d'experts et de praticiens du secteur, présidé par Michel Savy, professeur émérite à l'université Paris-Est, d'établir un diagnostic sur l'offre logistique française. Le comité, qui s'est réuni à plusieurs reprises en 2014, a remis son rapport le 18 mars à Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports. Ce document fait la part belle au rôle que jouent et peuvent encore mieux jouer les acteurs locaux afin de faire évoluer ce secteur mal cerné, voire mal aimé, non délocalisable mais soumis à une forte concurrence de ses proches voisins, Allemagne, Royaume-Uni et Pays-Bas en tête.

Le rapport de diagnostic sur l'offre logistique française remis le 18 mars à Alain Vidalies par le comité présidé par Michel Savy fait ressortir des constats intéressants non seulement pour les experts et praticiens du secteur, mais aussi les élus, qui prennent bien la mesure de son importance tant sur le plan économique (emploi, développement, maintien ou relocalisation d'activités) qu'environnemental (régulation du trafic routier).

Secteur fragile

Premier constat : l'urgence qu'il y a à renforcer ce secteur. Certes reconnu en France "pour la qualité de sa main-d'œuvre, de ses infrastructures et la disponibilité de ses terrains", il est frappé par "la désindustrialisation, l'efficacité insuffisante des ports maritimes malgré de récents progrès récents, les rigidités administratives, la précarité des relations de sous-traitance dans la chaîne logistique" et la rude concurrence infligée par le Royaume Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas, qui ont nettement plus investi que nous - politiques publiques, stratégie d'innovation et plan d'actions nationaux à l'appui (en cours en Allemagne). Les territoires s'en désintéressent-ils ? A leur décharge, il faut dire que la logistique n'est pas forcément "visible" partout : source de nuisances, elle a été reléguée hors des villes. En Ile-de-France, pression foncière oblige, elle se situe plus en seconde qu'en première couronne. Se joue en d'autres termes une nette "polarisation des installations à la périphérie des grandes agglomérations, reliées par de grands corridors".

Terre d'entrepôts

Non présent dans ce rapport, un point sur les entrepôts s'impose. Car la France, on ne le dit pas assez, est une terre d'entrepôts. Chez Argan, une foncière spécialisée, on estime le parc à 40-45 millions de mètres carrés. Rien qu'en 2011, plus de 2 millions de m2 ont été construits ! Mais depuis quelques années deux tendances s'affirment, qui redéfinissent cette "carte" des entrepôts français. D'un côté, leurs premiers utilisateurs, les géants de l'agroalimentaire et de la grande distribution, cherchent à raccourcir leurs circuits logistiques en rapprochant ces entrepôts de leurs magasins. Un expert nous explique que "côté distribution, c'est en partie lié au boom des supérettes en centre-ville. La circulation des poids lourds y étant compliquée, voire interdite, les distributeurs cherchent à répartir au préalable leurs marchandises dans des entrepôts de proximité pour livrer ces magasins avec des camions plus compacts". De l'autre, l'obsolescence des entrepôts - la moitié ont une quinzaine d'années - impose une reconversion ou une remise à niveau. Lorsque l'on reconstruit "la ville sur la ville", certains recommandent donc de commencer par réhabiliter les entrepôts vieillissants et ne plus raser ceux qui sont bien situés, afin de ne pas avoir à gaspiller, à terme, plus de foncier. Un enjeu sur lequel les élus ont leur mot à dire.

Diversité d'acteurs

Notant la multiplicité des acteurs et des facteurs qui contribuent à son fonctionnement, Michel Savy met l'accent dans ce rapport sur le champ d'action public-privé. Il relève que les acteurs locaux ont fait des efforts certains, notamment au niveau régional pour le fret ferroviaire (opérateurs ferroviaires de proximité, en Franche-Comté ou Rhône-Alpes). La promotion du secteur, sans être florissante, existe : l'Alsace et la Lorraine ont ainsi recensé l'offre de formation dans le domaine. Le Nord-Pas-de-Calais, une des quatre régions qui a participé à l'expérimentation "plan métiers de l'économie verte" du ministère de l'Ecologie entre 2011 et 2013, s'est aussi intéressé à plusieurs secteurs dont celui de la logistique durable. Toutefois, rares sont ceux qui ont franchi le pas de la prospective. La Sarthe a été jusqu'à la planification, pareil en Aquitaine (étude d'un schéma logistique). L'Ile-de-France s'est dotée d'un centre de ressources dédié et élabore patiemment un cadre de référence de développement du secteur. La région urbaine de Lyon, réseau de collectivité locales, a fait de la logistique un de ses sujets historiques (75.000 emplois en dépendent). En Bretagne aussi, c'est un fer de lance (63.000 emplois). Plan d'actions régional à l'appui et co-construction entre acteurs mis en avant. Plus d'articulation entre les plans "pourrait être produite", lit-on dans ce rapport.

L'échelon des régions urbaines

Essentiellement endogène, la question de la logistique se pose d'abord "au niveau de régions urbaines dont le périmètre dépasse celui de l'agglomération, et de grandes régions qui ne correspondent pas toujours aux régions administratives". En ville, il reste à mieux valoriser les bonnes pratiques de logistique urbaine, notamment en matière de conditions d'accès au centre-ville et de développement des véhicules propres. Et à "concilier l'activité de transport de marchandises avec les attributs du territoire" : si l'activité de transport de marchandises est indispensable au fonctionnement d'un territoire, elle génère des externalités négatives auxquelles les citoyens, par conséquent les pouvoirs publics, sont de plus en plus sensibles (émissions de gaz à effet de serre, émissions sonores, congestion). Enfin, pour faire cohabiter l'ensemble des acteurs concernés, "tout en tenant compte des contraintes capacitaires du réseau routier", la recherche doit s'améliorer.