Airbnb condamné solidairement avec un locataire indélicat
Dans un jugement du 5 juin, le tribunal judiciaire de Paris (fruit de la fusion du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance) condamne solidairement Airbnb à une amende de 58.494 euros pour la mise en location illégale, par sa locataire, d'un appartement situé dans le 4e arrondissement de Paris. Sur le fond, la condamnation de la locataire indélicate était attendue, d'autant que celle-ci a passablement abusé, avec 164 locations en 2016 et 2017, pour une durée totale de 534 jours. Or l'article 8 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs indique très clairement que "le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l'accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer".
La surprise de ce jugement vient de la condamnation d'Airbnb Ireland – la maison mère d'Airbnb France – à payer solidairement l'amende avec la locataire. Le tribunal judiciaire a en effet considéré qu'Airbnb aurait dû vérifier la situation de l'intéressée (locataire ou propriétaire de l'appartement) et, dans la première hypothèse, s'assurer qu'elle disposait bien d'une autorisation écrite de sa propriétaire. Pour arriver à cette décision, le tribunal suit un raisonnement innovant, dont la validité juridique devra sans doute être confirmée en appel. Sachant que l'activité des plateformes ne peut pas être assimilée à celle d'une agence immobilière – depuis une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 19 décembre dernier (voir notre article ci-dessous du 3 janvier 2020) –, le tribunal considère qu'Airbnb exerce une "activité d'éditeur" et non pas de simple hébergeur d'un site internet. Il s'appuie pour cela sur le fait que la plateforme possède un "droit de regard sur le contenu des annonces", qu'elle peut retirer pour des raisons à sa discrétion, ainsi que sur les "activités réalisées par son intermédiaire". Cette "immixtion dans le contenu déposé par les hôtes" atteste le "caractère actif" d'Airbnb dans la "mise en relation des hôtes et des voyageurs". Dès lors, la plateforme a, "de par son comportement fautif, concouru au préjudice subi par la bailleresse".
Airbnb a aussitôt réagi en expliquant que le jugement "va à l'encontre des principes fondamentaux du droit français et européen, qui distinguent les éditeurs des hébergeurs de contenus". Elle devrait donc faire appel de la décision. Mais, en attendant, celle-ci devrait pousser les plateformes à se montrer beaucoup plus attentives à la situation réelle des logements proposés à la location. Dans les grandes villes, où les locataires sont nombreux (par exemple, 45% de ménages locataires du parc privé à Paris, selon les chiffres de l'Adil 75), des contrôles plus rigoureux pourraient rapidement conduire à une diminution sensible du nombre de logements meublés proposés à la location touristique.