Agriculture Bio : le gouvernement annonce un plan de soutien de 200 millions d'euros
"Encore insuffisant". C'est en ces termes que la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) a réagi au plan de soutien à la filière bio annoncé ce 17 mai par le ministre de l'Agriculture à l'occasion d'un déplacement dans l'Oise. La moitié de ces crédits correspondent à des engagements de l'Etat à faire respecter les objectifs de la loi Egalim en matière de bio dans les cantines scolaires et restaurants collectifs.
Confrontée à une baisse de la consommation sur fond d'inflation et à un phénomène de déconversions, la filière bio traverse une profonde crise qui met les objectifs fixés dans les textes hors d'attente. Après avoir annoncé lors du salon de l'agriculture la mise en place d'un fonds d'urgence, dont les modalités viennent d'être précisées dans une circulaire diffusée fin avril 2023 (voir notre encadré ci-dessous), le gouvernement a décidé de mettre les bouchées doubles. Lors d'un déplacement dans l'Oise, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a annoncé ce 17 mai 2023 un plan de soutien au secteur à hauteur de 200 millions d'euros, comprenant les 10 millions d'euros d'aide d'urgence. "Encore insuffisant", clame la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab).
L'interprofession demandait aussi une vision pluriannuelle des fonds pour "conforter le secteur de manière durable", d'après Philippe Camburet, le président de la Fnab. "On craint de voir des conséquences graves à terme, le gouvernement table sur 18% d'exploitations bio en 2027, on sera peut-être davantage sur 5% s'il n'y a rien pour endiguer les déconversions bio, détaille le président de la Fnab, car les opérateurs vont sortir de leurs engagements, les entreprises spécialisées en bio ne le seront plus et referont du conventionnel, un cercle auparavant vertueux risque de devenir vicieux pour longtemps."
Une enveloppe d'aide d'urgence de 60 millions d'euros
Les montants en jeu restent bien moindres que les aides accordées à la filière volaille lors de la crise de la grippe aviaire (1,2 milliard d'euros) ou à la filière porcine (270 millions). Dans le détail, le plan de soutien se focalise surtout sur une enveloppe de 60 millions d'euros d'aide d'urgence, comprenant les 10 millions déjà en cours de distribution dans le cadre du fonds d'urgence annoncé fin février et déjà jugés largement insuffisants par les organisations (voir notre article du 8 mars 2023). La Fnab avait alors estimé avec l'interprofession le besoin à hauteur de 150 millions d'euros. "Les modalités d'octroi de cette aide seront fixées à travers des échanges avec les professionnels, afin d'aboutir à un mécanisme déployé rapidement sur le terrain", insiste le ministère dans son communiqué du 17 mai.
Une grande partie des 120 millions d'euros restants vise en réalité à honorer des engagements : l'Etat s'engage ainsi à ce que la restauration collective respecte les objectifs de la loi Egalim, à savoir 50% de produits sous signe de qualité et durables et 20% minimum de produits biologiques. Rien n'est précisé sur la manière dont il compte s'y prendre, sachant que les cantines sont encore bien loin des objectifs : à l'heure actuelle, selon les chiffres du ministère, les produits biologiques ne représentent que 6 à 7% des achats en restauration collective publique, quand certaines villes comme Bègles qui, avec 70% de bio, montrent qu'avec de la volonté, on y arrive. Des discussions sont également en cours avec le Syndicat national de la restauration collective afin de pousser la restauration collective privée à respecter également la loi.
Dans le cadre du plan de soutien annoncé le 17 mai, un nouvel abondement de 500.000 euros est prévu pour la campagne Bioréflexe portée par l'Agence Bio, qui sera lancée du 22 mai au 21 juin. Il s'ajoutera à l'effort additionnel de 750.000 euros déjà consenti par l'Etat fin 2022. Et une enveloppe de 3 millions d'euros issue de France 2030 devrait permettre de lancer une seconde campagne de communication.
Parallèlement à ce soutien, des actions de long terme continuent à être engagées, comme l'ouverture de la gouvernance de l'Agence Bio, annoncée en mars, et un travail sur la transparence des marges de la grande distribution sur les produits biologiques qui sont parfois plus importantes que dans le conventionnel.
Enfin, l'idée est aussi d'utiliser le reliquat du budget de 340 millions d'euros alloué aux conversions pour des mesures d'accompagnement.
Avec 10% de surfaces en bio, la France n'a pas réussi à atteindre l'objectif de 15% en 2022. Un nouvel objectif a été fixé à 18% en 2027. Mais selon l'Agence Bio, la dynamique n'est pas bonne. Elle dénombre 5.245 nouveaux producteurs bio en 2022, contre 7.706 en 2021. A mettre en parallèle avec les 3.380 sorties du bio la même année. Soit près de 1.000 de plus qu'en 2021.
Lors du dernier salon de l'agriculture, un fonds d'urgence de 10 millions d'euros avait été lancé pour la filière bio. Ses modalités sont précisées dans une circulaire du 23 mars 2023, publiée le 21 avril 2023. "Nous avons travaillé avec le ministère sur l'éligibilité à cette aide, quelles fermes vont pouvoir être aidées, quels montants pour quelles régions", explique Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), poursuivant : "A ce jour, toutes les régions ont eu cet échange, on en est à la finalisation des critères". Le fonds sera ventilé par région en fonction du nombre d'exploitations bio et du nombre d'élevages. Les préfets de département sont chargés de mobiliser ces ressources sous l'égide des préfets de région, qui doivent transmettre à la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) une proposition de répartition de leur enveloppe régionale par département. Pour être éligibles, les exploitations doivent détenir un certificat "agriculture biologique" au titre de 2023 ou à défaut 2022 et tirer 80% de leurs recettes d'activités agricoles du mode de production biologique. Elles ne doivent pas bénéficier d'une aide à la conversion à l'agriculture biologique (CAB) sur plus de 10% de la surface agricole utilisée (SAU) "sauf si elle a pour but un agrandissement ou une conversion non-simultanée visant à atteindre 100% bio sur l'exploitation et concernant moins de 50% de la SAU". Dans ce cas, il doit s'agir au moins de la quatrième année de conversion, précise le document. Le niveau de l'aide tiendra compte des montants perçus ou à percevoir au titre du crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production bio, au titre de la mesure de maintien en agriculture bio (MAB) mise en œuvre dans certains programmes de développement rural régionaux. Les préfets peuvent ensuite moduler l'aide pour soutenir les exploitations les plus en difficulté, à partir de critères objectifs et non discriminatoires : la production principale, la localisation, le niveau de difficulté auquel l'exploitation fait face. "Les critères de baisse importante de l’excédent brut d’exploitation, ou le niveau de dégradation de la trésorerie (utilisation d’ouverture de crédit encours auprès des fournisseurs mobilisation de capitaux privés pour pérenniser l’activité de l’exploitation, etc.) combiné à un taux d’endettement, pourront notamment être mobilisés", explique la circulaire. Les préfets de région peuvent aussi fixer, en complément des critères d'éligibilité, et pour mieux cibler les exploitations prioritaires, des critères de priorisation supplémentaires. Ces critères doivent être transparents, équitables, justifiables et contrôlables. "L'enjeu est de mettre en œuvre ce fonds d'urgence dans les meilleurs délais en concertation étroite avec les acteurs de terrain", signale le document, qui incite à veiller, en lien avec les chambres d'agriculture et la Mutualité sociale agricole, à l'accompagnement des personnes et des foyers les plus touchés. |