Marc Fesneau défend son plan d'urgence pour le bio
Accusé de "mépris" par la filière bio, le ministre Marc Fesneau a défendu devant les députés, mardi 7 mars, son plan d’urgence pour le bio, assorti de 10 millions d’euros d’aides. Le ministre, qui craint une vague de déconversions, a aussi appelé les collectivités à intensifier leurs efforts pour atteindre les objectifs de 20% de repas en bio dans la restauration collective.
Une semaine après ses annonces au Salon de l’agriculture, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau a tenté de défendre, devant les députés qui l’auditionnaient, mardi 7 mars, son plan d’urgence pour la filière bio qui traverse de graves difficultés. Ce plan est assorti d’une enveloppe de 10 millions d’aides pour les exploitations "en risque de déconversion" et de mesures de plus long terme visant notamment, en partenariat avec les collectivités locales, à atteindre l’objectif des 20% prévu par la loi Egalim pour les produits bio en restauration collective publique.
Face à des députés sceptiques sur les sommes investies, qui se monteraient à 166 euros pour chacune des 60.000 fermes de la filière, le ministre a tenu à rappeler qu’il s’agissait non pas de saupoudrer mais de se concentrer sur les exploitations en risque de déconversion. Un phénomène qui s’accentue depuis quelques mois dans le contexte inflationniste (voir notre article du 13 février 2023). "L’idée c’est, en urgence, d’essayer de traiter dans chaque département les exploitations en risque de déconversion", a-t-il affirmé devant la commission du développement durable. Car "une fois qu’on est déconverti, on ne revient plus au bio".
"La baisse du bio a démarré à l’été 2021, donc avant que nous ayons les sujets inflationnistes", a souligné le ministre, comme le montrent les chiffres de l‘Agence bio, annonçant une baisse du chiffre d’affaires du secteur de 1,3% en 2021. Un rapport de Terra Nova publié mi-février insiste aussi sur le fait que "le bio est chahuté par le développement d’autres offres de valeur, notamment des produits frais et locaux, et n’a plus, dans l’esprit des consommateurs, le monopole du produit sain et de l’excellence alimentaire". Or cette baisse de la consommation de produits bio s’est accompagnée d’une augmentation continue de l’offre ces dernières années, avec un afflux de conversions, entraînant le déséquilibre actuel.
La grande distribution pointée du doigt
Pour le ministre, les grandes surfaces ont aussi "une responsabilité" dans la situation actuelle, en retirant de leurs rayons des produits bio aujourd’hui boudés par les consommateurs. C’est d’ailleurs dans la grande distribution que la baisse de la consommation a été la plus forte (-3,9% entre 2020 et 2021 et -7,6% entre juillet en fin août 2022).
Le ministre a souligné l’importance de la commande publique qui est loin des objectifs fixés par la loi Egalim : 20% de produits bio dans la restauration collective publique au 1er janvier... 2022. Les achats de produits bio dans le secteur public (hôpitaux, Ehpad, cantines…) se montent à 6,6% en 2021, soit ni plus ni moins que la part du bio dans la consommation totale. "Parfois, il y a des choix politiques que les collectivités doivent assumer", a appuyé le ministre.
Alors que le gouvernement maintient son objectif de presque doubler les surfaces en bio en cinq ans, en passant de 10,8% de la surface agricole utile aujourd’hui à 18% en 2027, le plan de sauvegarde gouvernemental a été pris pour du "mépris" par les syndicats représentatifs. "Sans un soutien rapide pour sauvegarder l'existant, il est illusoire et irresponsable de prétendre développer la bio à long terme", avait réagi Didier Perréol, président du Synabio, au lendemain de ces annonces. "Vu l'ampleur de la crise en bio, pour les seules filières porcs, lait et fruits et légumes, nous avons besoin de 150 millions d'euros", avait avancé Mathieu Lancry, président de Forebio. Paradoxalement, les aides au maintien, après avoir été transférées aux régions, ont été totalement supprimées du plan stratégique national de la Politique agricole commune pour la période 2023-2027.