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Agressions et pouvoirs de polices des élus municipaux : des propositions tous azimuts

La mission flash conduite par les députés Gosselin et Moutchou sur "les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux" a remis son rapport le 14 avril, aux termes duquel elle formule dix-huit recommandations, dont certaines déjà comprises dans la proposition de loi Sécurité globale définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le lendemain. Et une semaine plus tôt, une nouvelle proposition de loi visant à durcir les sanctions pénales contre les auteurs de violence à l'égard de personnes dépositaires de l'autorité publique avait été enregistrée sur le bureau de l'Assemblée.

La question des agressions d'élus locaux, et de la difficulté pour ces derniers d'exercer leurs pouvoirs de police, continue de susciter la réflexion. Alors que l'Association des maires d'Île-de-France a publié naguère ses recommandations pour mieux protéger les élus locaux, et que la proposition de loi "pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés" – la nouvelle appellation de la proposition de loi "sécurité globale" – a été définitivement adoptée ce 15 avril par les députés, viennent d'être déposés coup sur coup à l'Assemblée d'une part, une proposition de loi "tendant à lutter contre la banalisation des menaces et violences contre les maires et les personnes dépositaires de l’autorité publique en renforçant les peines encourues" et, d'autre part, le rapport de la mission flash "sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux".

UN RAPPORT ET DIX-HUIT RECOMMANDATIONS

Dans un rapport publié le 14 avril, la mission flash conduite par Philippe Gosselin (LR, Manche) et Naïma Moutchou (LaREM, Val d'Oise) dresse dix-huit propositions – dont certaines déjà comprises dans la proposition de loi "sécurité globale" –, visant trois objectifs.

  • Mieux quantifier et qualifier plus précisément les atteintes aux élus municipaux

• Est proposée l'institution d'un Observatoire national de la sécurité des élus locaux, rattaché directement au Premier ministre – celui mis en place par l'Association des maires de France en octobre dernier ne semblant pas suffisant aux rapporteurs.

  • Permettre une meilleure appropriation par les maires de leurs pouvoirs de police et renforcer leur autorité, en :

• assimilant les infractions aux arrêtés de police, punies aujourd'hui d'une amende de 1re classe (38 euros maximum), à des contraventions de 2e classe (150 euros maximum), voire de 3e classe (450 euros maximum). Une proposition déjà émise par le sénateur Philippe Bas dans son rapport sur les menaces et les agressions auxquelles sont confrontés les maires d'octobre 2019 ;

• renforçant la sanction applicable "à certains comportements régulièrement constatés et posant des difficultés particulières au regard de la préservation de l’ordre public" (par exemple la prévention des rassemblements avec des animaux sur la voie publique et de la consommation d’alcool sur la voie publique en dépit d’une interdiction par arrêté), qui appellent une amende plus forte que celle applicable aux infractions aux arrêtés municipaux de "droit commun" ;

• encourageant le recours à la procédure de l’amende forfaitaire, proposition là-encore déjà formulée par le rapport de Philippe Bas précédemment évoqué, et qui s'étend progressivement, y compris en matière délictuelle ;

• donnant au maire des prérogatives complémentaires, en matière de rodéos urbains notamment, en encourageant le développement de brigades motorisées et en approfondissant la réflexion concernant le recours aux drones. Rappelons que depuis son examen en séance publique au Sénat, la proposition de loi "sécurité globale" prévoit que les services de police municipale pourront, à titre expérimental, recourir à ces derniers dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire ;

• encourageant la constitution de brigades vertes, en particulier à l’échelon intercommunal ;

• améliorant la qualité de la formation proposée aux élus, les outils mis à leur disposition par les services centraux, et par la remise à chaque maire d’un guide lors de sa prise de fonction, rejoignant ici les recommandations de l'Amif, parmi d'autres ;

• systématisant le dispositif des conventions de coordination, dès le premier agent de police municipal. Rappelons que le seuil a récemment été abaissé de 5 à 3 agents par la loi Engagement et proximité et que les sénateurs Pointereau et Féret, dans leur rapport consacré à "l'ancrage territorial de la sécurité intérieure", invitaient en janvier dernier les maires "à faire un usage actif" de ces conventions, "même lorsqu'elles ne sont pas obligatoires" – mais sans aller jusqu'à les imposer ;

• permettant un accès direct de certains agents de police municipale habilités au fichier FOVeS (objets et véhicules volés), ainsi qu’au fichier des personnes recherchées. Rappelons que, lors des discussions à l'Assemblée de la proposition de loi "sécurité globale", le ministre de l'Intérieur a pris l'engagement de prendre ces mesures, de nature réglementaire, par divers décrets ;

• répondant aux enjeux posés par la formation des policiers municipaux et assurer une qualité uniforme de cette formation au plan national, les élus déplorant à leur tour "que l’offre actuellement proposée par le CNFPT apparaît trop limitée", évoquant notamment "les créneaux ouverts pour les entraînements au tir […] saturés" ;

• créant une école nationale des polices municipales, proposition émise par le rapport des députés Fauvergue et Thourot remis au gouvernement en septembre 2018, mais que ces deux élus n'ont repris ni dans la première version, ni dans la seconde version de leur proposition de loi "sécurité globale". Une proposition peu prisée du CNFPT, également formulée par les sénateurs Pointereau et Féret ;

• réfléchissant à l’extension du statut d’officier de police judiciaire à certains cadres de la police municipale. Les députés saluent, mais ne se satisfont pas des mesures prévues par la loi "sécurité globale" (dans le cadre d'une expérimentation), et souhaitent la poursuite de la réflexion concernant l’opportunité et la faisabilité juridique – le Conseil constitutionnel veillant depuis la loi Loppsi 2 – d’un rehaussement du statut de certains agents de police municipale.

  • Resserrer les liens avec la Justice

• en facilitant le recours aux outils à la disposition du maire pour lutter contre les incivilités, notamment par la généralisation de conventions et de protocoles-types en matière de rappel à l’ordre et de transaction municipale, cette dernière ayant été récemment encouragée par la loi Justice de proximité du 8 avril dernier ;

• en généralisant la signature de conventions entre les parquets et les associations municipales d’élus, afin d’intensifier et de fluidifier les échanges, prenant en exemple celle mise en place en Côte d'Or ;

• en intégrant la présence de magistrats au sein des CLSPD et des CISPD. Rappelons que la proposition de loi "sécurité globale", qui rend obligatoire leur création dans les communes de plus de 5.000 habitants (contre 10.000 aujourd'hui) prévoit en outre que le procureur de la République puisse dans ce cadre créer et présider un ou plusieurs groupes locaux de traitement de la délinquance ;

• en systématisant l’information des maires sur les suites données aux infractions concernant l’ordre public commises sur le territoire de leur commune et aux infractions relevées par les policiers municipaux, demande récurrente des élus, déjà formulée par le rapport de Philippe Bas. Des dispositions en ce sens ont d'ailleurs été prises par la loi Engagement et proximité, mais restent insuffisantes pour les élus. Les députés proposent à nouveau de supprimer l’exigence d’une demande du maire, et de procéder ainsi à une transmission systématique des informations relatives à l’ensemble des plaintes visées par l’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure ;

• en renforçant l’effectivité de la réponse pénale par l’exemplarité et la rapidité des sanctions, mesure récemment réclamée par l'Amif également, souhaitant que la politique pénale du garde des Sceaux soit "réellement appliquée" (circulaires de novembre 2019 et de septembre 2020) ;

• en renforçant la protection des maires sur les réseaux sociaux en matière de diffamations, d’injures et de menaces, en "créant une incrimination spécifique dans les cas d’attaques sur ces réseaux".
 

UNE NOUVELLE PROPOSITION DE LOI POUR DURCIR LES SANCTIONS PÉNALES

La proposition de loi présentée par Bernard Perrut (LR, Rhône) et plusieurs de ses collègues, enregistrée à la présidence de l'Assemblée le 7 avril dernier, vise à durcir les sanctions pénales (en réhaussant les peines applicables) contre les atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique, ses auteurs relevant que le phénomène "frappe aussi durement nos forces de l'ordre qui sont également confrontées, dans l’exercice de leurs missions, au développement d’une violence accrue à leur égard" et "va même jusqu’à toucher nos sapeurs‑pompiers, professionnels comme volontaires".

Le texte vise également à créer un "nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou titulaire d’un mandat électif public permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but d’exposer elle‑même ou les membres de sa famille à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens". Une disposition fort proche, dans l'esprit, de celle figurant initialement au sein de la proposition de loi Sécurité globale pour les seules forces de l'ordre, mais dont le Sénat a pris soin de remanier la rédaction.