Justice de proximité : une loi taillée pour les incivilités
Le texte publié au Journal officiel le 9 avril élargit le champ des mesures pouvant être prononcées au stade des alternatives aux poursuites et facilite le recours au TIG.
Adoptée par le Parlement le 1er avril, la très consensuelle loi du 8 avril 2021 visant à améliorer l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale a été publiée au Journal officiel le 9 avril. Présentée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Agir ensemble par le député Dimitri Houbron, elle vise à "favoriser le recours aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale afin d'apporter une réponse rapide à des infractions de faible gravité, à fluidifier la mise en œuvre des peines de travail d'intérêt général (TIG) et à améliorer le recouvrement des amendes forfaitaires".
Co-construction législative
Des objectifs qui s'inscrivent pleinement dans la ligne promue par le Premier ministre et son garde des Sceaux, qui a fait de la délinquance du quotidien la priorité de sa politique pénale et qui a récemment pris des mesures afin de favoriser cette justice de proximité. Ce qu'Éric Dupond-Moretti avait d'ailleurs souligné lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, où le texte fut adopté à une large majorité. Et si le texte avait été très légèrement modifié au Sénat – là-encore avec le soutien du ministre de la Justice –, il y fut adopté à main levée. Comme nous le pronostiquions, les débats en commission mixte paritaire furent plus que restreints, le sénateur Alain Marc voyant dans ce texte "la preuve, s'il en fallait une, que nos deux assemblées savent s'entendre pour façonner des dispositions solides et intelligibles". La version du Sénat a en effet été adoptée sans changement sur le fond, seules "quelques précisions de nature purement rédactionnelle", selon les mots de Dimitri Houbron, ayant été retenues.
Favoriser les mesures alternatives aux poursuites, faciliter le recours au TIG
Concrètement, le texte :
• permet au procureur de la République ou à son délégué, pour assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou contribuer au reclassement de l'auteur des faits, de demander à l'auteur des faits :
- de se dessaisir de la chose qui a servi / était destinée à commettre l'infraction ou du produit de cette dernière au profit de l'État ou d'une personne morale à but non lucratif désignée par le procureur de la République (à condition que l'auteur des faits en soit pleinement propriétaire) afin de régulariser sa situation ;
- de restituer, remettre en état les lieux ou choses qu'il a dégradés ou procéder à un versement pécuniaire à la victime pour assurer la réparation du dommage ;
- de ne pas entrer en relation avec la victime ou ses coauteurs ou complices (pendant une durée qui ne peut excéder six mois) ;
- de s'acquitter d'une contribution dite citoyenne, plafonnée à 3.000 euros, en faveur d'une association agréée d'aide aux victimes ;
- pour les contraventions que les agents de la police municipale sont habilités à constater par procès-verbal et qui sont commises au préjudice de la commune au titre de l'un de ses biens, de répondre à une convocation du maire en vue de conclure une transaction ;
• permet l'affiliation à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale des personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d'une transaction conclue avec le maire ;
• permet au procureur de la République, dans le cadre des compositions pénales, de proposer au mis en cause d'accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de responsabilité parentale. Le texte porte par ailleurs de 60 à 100 le nombre maximal d’heures de travail non rémunéré pouvant être accomplies dans un délai de 6 mois et étend à ce travail non rémunéré l’expérimentation en cours, prévue par la loi de programmation et de réforme pour la justice, autorisant les employeurs de l’économie sociale et solidaire à accueillir des travaux d’intérêt général ;
• autorise l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) à mettre des biens immobiliers saisis dans le cadre d'une procédure pénale à la disposition d'une association, d'une fondation d'utilité publique ou d'organismes qui participent à la politique du logement ;
• confie aux directeurs du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) le soin d'établir, après avis du ministère public et du juge de l'application des peines, et après consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance, la liste des travaux d'intérêt général susceptibles d'être accomplis dans le département ;
• donne à ces mêmes directeurs, ou leurs représentants, compétence pour décider des modalités d’exécution de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général – sauf si le juge de l’application des peines décide d’exercer cette compétence –, le poste de travail choisi devant être adapté à la situation de la personne condamnée et de nature à favoriser sa réinsertion sociale et professionnelle ;
• supprime le caractère obligatoire de l'examen médical préalable à l'accomplissement d'un travail d'intérêt général.
Généralisation des amendes forfaitaires minorées en matière contraventionnelle
Par ailleurs, le texte :
• étend la possibilité de minorer les amendes forfaitaires sanctionnant une contravention de 5e classe ainsi que les contraventions spécialement prévues par décret (comme c'est déjà le cas pour les amendes forfaitaires délictuelles) ;
• dispose que l'obligation de désignation de l'auteur d'une infraction routière qui s'impose à une personne morale puisse également s'appliquer lorsque le véhicule d'un entrepreneur individuel a été immatriculé par erreur au nom d'une personne morale : l'obligation de dénonciation sera réputée satisfaite si le titulaire du certificat d'immatriculation ou le détenteur du véhicule justifie que le véhicule est immatriculé à son nom ;
• procède à diverses modifications du code de procédure pénale.
Référence : loi n° 2021-401 du 8 avril 2021 améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, JP du 9 avril 2021. |