Deux sénateurs formulent dix recommandations pour "ancrer territorialement la sécurité intérieure"
Les sénateurs Rémy Pointereau et Corinne Féret viennent de publier ce 28 janvier leur rapport d'information consacré à "l'ancrage territorial de la sécurité intérieure". Ils y formulent dix recommandations, qu'ils entendent notamment promouvoir dans le cadre du "Beauvau de la sécurité" et à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
"Le maire doit rester le pivot de la sécurité dans sa commune." Les sénateurs Rémy Pointereau (LR, Cher) et Corinne Féret (Socialiste, Calvados) n'ont pas manqué de faire leur cette affirmation, tirée du livre blanc sur la sécurité intérieure, dans leur rapport sur "l'ancrage territorial de la sécurité intérieure" qu'ils viennent de publier. Il sera remis officiellement en mars au ministre de l'Intérieur.
La version finale de leur travail, conduit depuis plus d'un an pour la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, n'aura donc guère varié du rapport d'étape remis en juillet dernier, même si, comme le souligne Corinne Féret, l'actualité a été particulièrement riche depuis, évoquant la remise du livre blanc sur la sécurité intérieure, les débats à l'Assemblée, "parfois houleux", autour de la proposition de loi relative à la sécurité globale et la prochaine ouverture d'un "Beauvau de la sécurité".
Le rapport s'est toutefois enrichi de dix recommandations, certaines anciennes (antiennes ?) sans être consensuelles – comme la création d'une école de la police municipale –, d'autres plus innovantes mais tout aussi sensibles, comme l'intervention de la gendarmerie en zones urbaines sensibles. Des préconisations que les élus entendent promouvoir lors du Beauvau de la sécurité et défendre, quand elles sont de nature législative, lors de l'examen de la proposition de loi pour la sécurité globale. Revue d'effectif.
1. Vigilance sur les nouvelles compétences qui pourraient être attribuées aux polices municipales
À l'heure où certains promeuvent l'expérimentation de nouvelles compétences pour les polices municipales (voir notre article du 27 juillet 2020), les deux sénateurs insistent sur la nécessité de laisser aux maires le choix de créer ou non une police municipale, de l'armer ou non – un choix que le ministre de l'Intérieur n'entend d'ailleurs pas remettre en cause (voir notre article du 3 novembre 2020) – et d'en déterminer la doctrine d'emploi. Ils soulignent en outre la nécessaire préservation du caractère de police de tranquillité et de proximité de la police municipale : "On ne veut pas de police nationale bis", insiste Rémy Pointereau. Ils entendent enfin prévenir tout désengagement de l'État, d'autant que "dans pareil cas, on est habitué à ce que l'intendance financière ne suive pas", souligne l'élu du Cher, loin d'être le seul à éprouver cette crainte (voir notre article du 21 octobre 2020).
2. Améliorer la formation, initiale et continue, des policiers municipaux
Et ce particulièrement en matières juridique, procédurale et déontologique. Les élus plaident à nouveau, comme le rapport Fauvergue-Thourot jadis (proposition que les députés n'ont néanmoins pas reprise dans leur proposition de loi, première et seconde version), pour la création d'une "école nationale de la police municipale" (entendre "plusieurs écoles, mais un cahier des charges national"). Cette école ne viendrait toutefois pas en remplacement du CNFPT – hostile à la mesure –, mais travaillerait en partenariat avec ce dernier, ont précisé les élus en conférence de presse.
3. Améliorer le contrôle externe des polices municipales
Avec la – probable – future extension des compétences des policiers municipaux et la banalisation de l'armement, les auteurs plaident pour la création, au sein de l'inspection générale de l'administration, d'une mission permanente, dotée d'un collège consultatif composée d'élus locaux. Les élus déplorent le contrôle insuffisant du ministère de l'Intérieur (et notamment les réunions "irrégulières" de la commission consultative des polices municipales), même si Rémy Pointereau souligne que les cas problématiques sont très limités.
4. Renforcer les liens entre la police municipale et les forces régaliennes
Les élus insistent sur l'important des conventions de coordination et invitent tous les maires à faire un usage actif de cette mesure, même lorsqu'elle n'est pas obligatoire (cas des polices municipales de moins de trois agents depuis la loi engagement et proximité). Ils déplorent par ailleurs les difficultés d'accès des policiers municipaux aux fichiers SNPC (permis de conduire) et SIV (immatriculations).
5. Associer les élus locaux à la nouvelle répartition police/gendarmerie
Véritable serpent de mer, et réelle préoccupation des élus, déjà exprimée lors des "assises territoriales de la sécurité intérieure", les élus dénoncent "un maillage actuel qui a perdu sa pertinence". Ils proposent de le revoir, d'une part en associant les élus locaux, et d'autre part en le fondant non sur des critères démographiques, mais en fonction des "bassins de vie et de délinquance".
6. Faire intervenir la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles à fort taux de délinquance
Voilà une proposition qui ne manquera pas de susciter la controverse. Corinne Féret fait valoir les atouts de "proximité, de disponibilité et de polyvalence" des gendarmes. Pas certain que la police nationale apprécie.
7. Réformer l'organisation déconcentrée de la police nationale
"Trop verticale et cloisonnée", ce qui pénalise les contacts avec les élus locaux. Telle est l'image qu'ont les rapporteurs de l'organisation territoriale de la police nationale. Les élus appellent en conséquence à poursuivre les réflexions autour de la création d'une direction territoriale unifiée de la police nationale.
8. Renforcer les "synergies d'information" entre tous les acteurs locaux de la sécurité
Et notamment avec les procureurs de la République. La recommandation est tout sauf nouvelle, régulièrement rappelée, encore récemment par le garde des Sceaux dans une circulaire du 15 décembre dernier (voir notre article 17 décembre 2020). Les élus insistent sur le rôle majeur des CLSPD et invitent les maires à désigner, au sein de la mairie, "un coordonnateur territorial pour chaque CLSPD".
Plus iconoclaste en revanche, celle de ne pas diffuser les fiches S aux maires. "Une fausse bonne idée", souligne Corinne Féret, qui craint une possible mise en cause de la responsabilité des élus en cas de difficulté, et ce d'autant que "l'interprétation des fiches n'est pas toujours aisée". L'élue normande souligne également "qu'une publicité trop large nuirait à l'efficacité du dispositif". En revanche, les sénateurs demandent que les maires reçoivent l'information pour "les seuls profils dont ils ont la responsabilité" – entendre leurs collaborateurs –, et ce à la condition de l'accord du procureur et des forces de l'ordre et moyennant la signature d'une charte de confidentialité.
9. Évaluer les dispositifs de mise en commun, pluricommunale ou intercommunale, des policiers municipaux
Les élus soulignent qu'en 2018 la Cour des comptes ne recensait qu'une quarantaine de dispositifs. Ils sont favorables à la suppression du seuil de 80.000 habitants au-delà duquel la mise en commun n'est plus possible, jugée "inutilement contraignant".
10. Encourager les concitoyens à être acteur à part entière de la sécurité
Les élus entendent promouvoir d'une part la démarche "participation citoyenne", et d'autre part développer le recours aux réservistes de la gendarmerie et de la police, en permettant notamment à ces derniers d'être armés.