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Développement durable - Agendas 21 locaux : les obstacles à franchir

Les initiatives de développement durable se multiplient sur le territoire, conformément aux engagements de la France qui souhaite favoriser la mise en place de 500 Agendas 21 locaux d'ici 2008. Mais des freins subsistent : problèmes de coordination, d'évaluation et méconnaissance du sujet.

Conformément aux engagements pris à la conférence de Rio de 1992, la France a adopté le 30 juin 2003 sa stratégie nationale de développement durable qui prévoit la mise en place de 500 Agendas 21 locaux d'ici 2008. Sur le terrain, les initiatives se multiplient mais des freins persistent. La réunion organisée le 19 avril par Entreprises, Territoires et Développement (ETD) a permis aux acteurs locaux concernés (responsables de pays, de conseils généraux, régionaux ou de développement) de partager leurs expériences et de mettre en avant les difficultés qu'ils rencontrent.
Premier frein constaté : le développement durable reste un concept théorique pour bon nombre d'acteurs. "C'est encore vécu comme quelque chose de technocratique et de très flou au niveau des conseils de développement", explique ainsi Vincent Lopez, chargé de mission au pays Du Bessin au Virois (Basse-Normandie), soulignant la nécessité de mieux former les responsables. "Certaines actions s'inscrivent dans le développement durable, analyse Séverine Yamiaoui, agent de développement au pays de Thann (Alsace), mais elles ne sont pas abordées comme telles par manque de connaissance du sujet." Conscientes de la situation, certaines régions, comme le Centre, ont lancé des programmes de formation orientés spécifiquement vers les conseils de développement et réalisés par des prestataires extérieurs. Mais les territoires n'ont pas toujours les moyens de se lancer dans de tels programmes.

 

Un manque de coordination au niveau local

Autre difficulté rencontrée par les acteurs locaux : l'articulation des différentes actions. Respectant les principes de la conférence de Rio, qui préconisent que le développement durable parte des situations locales, des acteurs et de leurs besoins, le ministère de l'Ecologie et du Développement durable (Medd) a impulsé la dynamique mais n'impose rien. Après avoir mis en place en février 2006 un Observatoire national des Agendas 21 pour recenser les projets, il a publié en juillet 2006 un cadre de référence destiné à guider les collectivités dans leur démarche. "Un cadre utile et apprécié par les régions", d'après Frédérique Dequiedt, chargée de mission à ETD, mais qui ne répond pas à toutes les questions que se posent les collectivités en matière de coordination. "Quelle est l'échelle territoriale la plus pertinente pour lancer une démarche de développement durable ?", s'interroge ainsi Thierry Rebuffat, chef de projet du pays Coeur d'Hérault. Ayant été créés pour favoriser le développement durable au niveau local, les pays sont souvent vus comme les acteurs les plus légitimes pour impulser la démarche mais leur rôle reste limité. S'ils peuvent inciter les communes et communautés de communes à lancer de tels projets, ils n'ont pas le pouvoir d'imposer, ni de contrôler. "De notre côté, nous comptons mettre en oeuvre un Agenda 21 local en 2008, explique Thierry Rebuffat, mais au sein de notre pays, nous sommes seulement cinq salariés pour 77 communes, soit environ 1.200 personnes et une centaine d'exécutifs politiques à impliquer. De fait, notre action est très restreinte !" Une des solutions envisagées consiste à mettre en oeuvre, dans les politiques régionales, des critères d'éco-conditionnalité que les territoires doivent respecter pour obtenir des subventions régionales.

 

"Si la région ne force pas la main, les territoires n'y vont pas"

Engagée dans une démarche de développement durable depuis 2003, avec un Agenda 21 en cours d'élaboration, la région Centre a choisi cette option. Un nouveau règlement d'application des subventions a été mis en place en 2004. Il intègre un certain nombre d'obligations pour les projets des territoires, comme le lancement d'audits énergétiques pour tous les équipements d'un montant supérieur à 300.000 euros ou le respect des normes haute qualité environnementale (HQE). "Si la région ne force pas la main, les territoires n'y vont pas d'eux-mêmes", assure Nathalie Mathias, conseillère technique au conseil régional du Centre. Et si au départ ces critères ont été vécus comme une contrainte supplémentaire, ils ont fini par être acceptés. Ils ont même eu un effet pédagogique auprès des territoires qui ont souvent du mal à s'approprier le concept et qui ont des déficits en matière d'ingénierie.
Enfin, dernière difficulté signalée par les acteurs locaux du développement durable : le problème de l'évaluation des démarches. "Mis à part quelques conseils de bon sens, on n'a rien de très concret à proposer à l'heure actuelle", explique ainsi Magali Bardou, chargée de mission au Medd. Le ministère compte se pencher sur la question cette année. En attendant, il poursuit les appels à reconnaissance. Le premier, qui a été lancé l'an dernier, a permis de sélectionner 32 projets sur une cinquantaine proposée. Le second a été lancé le 1er mars 2007 pour une remise des dossiers d'ici le 8 juin 2007. "Vu les échéances électorales, on attend encore une cinquantaine de projets, précise Magali Bardou. Par la suite, on en attend au moins le double." Preuve que le développement durable, malgré les obstacles, fait des émules.

 

Emilie Zapalski