Agence nationale du sport : la rapporteure spéciale exprime ses inquiétudes
La députée Perrine Goulet exprime "d'extrêmes réserves" sur le remplacement du CNDS par la future agence, surtout à l'approche des JO : place de l'État, choix de l'échelle régionale pour la définition des projets et la répartition des financements, "absence de priorité" donnée aux territoires aux besoins les plus forts, "préparation insuffisante"...
Est-il pertinent ou non de supprimer le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et de le remplacer par une Agence nationale du sport, dont la mise en place est prévue pour le 1er mars 2019 ? C'est l'une des questions sur lesquelles le rapport spécial sur le budget des Sports, examiné récemment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, s'est largement attardé.
Dans son exposé, la rapporteure spéciale Perrine Goulet, députée de la Nièvre, consacre en effet un chapitre entier à la question sous l'intitulé "Des interrogations persistantes sur la future agence du sport […]". Pour elle, il s'agit d'un "projet dont la pertinence reste à démontrer". Elle pointe par ailleurs "une préparation insuffisante qui risque, en tout état de cause, d’être préjudiciable".
Prévu dans le cadre d'une large consultation portant sur la réforme de la gouvernance du sport, le remplacement du CNDS par l'Agence nationale du sport a été officialisé le 16 novembre dernier par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu. Cette nouvelle structure sera une agence unique d’appui, de financement et d’évaluation qui assurera deux missions : la haute performance et le développement des pratiques. Elle prendra la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) où seront représentés l'État, le mouvement sportif, les collectivités et le monde économique.
L'État "simple exécutant"
Après avoir estimé que la future agence "aurait donc vocation à être financée par le redéploiement de moyens budgétaires et humains existants et, par voie de conséquence, à se substituer au CNDS et à divers services et commissions de la direction des Sports", la rapporteure formule "d’extrêmes réserves sur la justification de ce projet, d’autant plus que les modèles étrangers où l’État se désiste de ses responsabilités n’ont généralement pas produit de résultats positifs". Pour elle, en effet, "la proximité des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 invitait, au contraire, à rassembler les efforts de tous les acteurs établis plutôt qu’à les dégarnir de leurs moyens humains et budgétaires".
Parmi les mesures portant sur l’avenir institutionnel du secteur sportif, tel qu'il est présenté dans le rapport sur la nouvelle gouvernance du sport, Perrine Goulet s'inquiète particulièrement de la place de l'État : "[Il] ne sera pas 'seul maître à bord', ne définissant plus la politique sportive de la France mais se résumant à un simple exécutant qui entérine aux plans législatif et réglementaire les décisions prises."
La rapporteure spéciale remet ensuite en cause le choix de l’échelle régionale pour la définition des projets et la répartition des financements. Selon elle, cette solution pèche, d'une part en raison de "l’absence de priorité donnée à la pratique dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones de revitalisation rurale (ZRR), à la féminisation ou encore à l’emploi, qui ne seraient que des axes facultatifs", et d’autre part en raison du renoncement à l’échelon départemental, "plus proche des territoires et de leurs besoins".
Moins de soutien pour les clubs ?
Dans un second temps, Perrine Goulet pointe la "préparation insuffisante" autour de la mise en place de l'Agence du sport qui risque "d’être préjudiciable". Alors que l’agence sera créée au 1er mars, "dans l’intervalle, le CNDS se trouve dans une situation inconfortable : préparation d’un budget prévisionnel pour un nombre de mois inconnus, limitation de son action ou non à la gestion des affaires courantes, etc.". Et si elle reconnaît que le volet "haut niveau" "semble bien engagé", elle considère que "les explications restent lacunaires quant à la baisse de l’enveloppe consacrée au sport pour le plus grand nombre et au devenir de cet axe au sein du GIP". Entre-temps, Roxana Maracineanu a profité du récent Salon des maires pour préciser qu'au sein de l'agence, 88 millions d’euros seraient fléchés vers le haut niveau et 196 millions d’euros vers le développement des pratiques. Le ministère des Sports disposant pour sa part d’une enveloppe de 170 millions d’euros.
Si le niveau du budget de la future agence semble donc établi, Perrine Goulet soulève un dernier problème "grave" : la visibilité sur l’utilisation des fonds publics. Alors que le gouvernement a fait adopter par le Parlement un amendement réorientant les taxes jusqu’à présent affectées au CNDS vers la future agence, la députée considère que "compte tenu du rôle prépondérant que – semble-t-il – les fédérations olympiques joueront et de l’éloignement des décisions à l’échelle régionale qui se dessine, il y a fort à craindre que les soutiens financiers arriveront beaucoup moins facilement qu’aujourd’hui aux associations et aux clubs sur le terrain et ne bénéficieront pas forcément aux départements qui en ont le plus besoin". Pas encore installée, l'Agence nationale du sport a déjà de sérieux sujets de discussion au programme…