Handicap - Affaire Amélie Loquet : que change le jugement sur l'accueil en établissement des handicapés ?

Face aux réactions des associations, Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée en charge des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, a finalement retiré son recours devant le Conseil d'Etat contre la décision du tribunal administratif de Pontoise condamnant l'agence régionale de la santé (ARS) d'Ile-de-France à trouver un établissement à Amélie Loquet, jeune fille handicapée de 19 ans, dans les quinze jours, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour (voir notre article ci-contre du 7 octobre 2013). La jeune fille, qui présente un handicap rare, s'était déjà vu exclure de plusieurs établissements en raison de ses troubles du comportement.
Pour justifier ce revirement, la ministre a indiqué qu'elle avait en tête dès le départ la possibilité de retirer son recours, mais que celui-ci devait "clarifier la situation juridique" et définir "quelle était la responsabilité de chacun". Le 24 octobre, lors d'une réunion avec les grandes associations du secteur, suivie d'une conférence de presse, Marie-Arlette Carlotti a finalement expliqué qu'elle retirait son recours "par respect des personnes en situation de handicap". Elle a également indiqué qu'une solution d'hébergement de jour avait déjà été trouvée pour la jeune fille dans une maison d'accueil spécialisée (MAS) du Val-d'Oise et que les différents acteurs travaillaient à une solution d'hébergement à temps complet, souhaitée par les parents.

Des commissions chargées des cas complexes dans les MDPH

Sur un plan juridique, rien n'est vraiment changé par l'arrêt du tribunal administratif de Pontoise. Si la décision devient ainsi définitive, il faudra néanmoins attendre une éventuelle décision du Conseil d'Etat sur une autre affaire, voire une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour disposer d'une jurisprudence en la matière.
Mais c'est précisément ce que veut éviter Marie-Arlette Carlotti, comme elle l'a exprimé maladroitement en indiquant que c'est à l'Etat "d'apporter des réponses adéquates à chaque famille, pas au juge". Aussi a-t-elle tiré parti de cette "défaillance collective" pour annoncer plusieurs décisions, tout en affirmant qu'elle "ne veut plus de ces situations".
La ministre a tout d'abord rappelé que les décisions de placement restaient de la responsabilité des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) et des départements. Sur ce point, elle a affirmé savoir "que c'est plus ou moins transparent, plus ou moins flexible, plus ou moins compliqué selon les départements". Elle entend donc généraliser les "commissions chargées des cas complexes" qui existent déjà dans certains départements (Meuse, Sarthe, Haut-Rhin…).

Une "cellule d'alerte" dans les ARS et un suivi national

Si aucune solution ne se dégage au sein de la MDPH, le dossier passera à une "cellule d'alerte", qui sera créée dans chaque ARS. Marie-Arlette Carlotti devrait prochainement réunir les directeurs d'ARS pour leur donner une feuille de route à ce sujet.
La ministre a également annoncé la création d'un "comité de suivi national", piloté par la CNSA. Celui-ci, qui se réunira tous les mois, "va regarder les situations complexes, estimer le nombre de cas et mettra en place des procédures rapides pour trouver des solutions". Le comité se réunira tous les mois. Enfin, le 39 77 - qui recueille aujourd'hui les signalements de maltraitance en établissement, verra son rôle élargi aux cas de rupture de prise en charge.

Une pierre dans le jardin des associations

Mais la ministre a également jeté une pierre dans le jardin des associations, qui gèrent les établissements. Elle veut notamment travailler sur les conditions d'admission dans les établissements médicosociaux, qui peuvent refuser des admissions, contrairement aux établissements de soins. La ministre l'a affirmé très clairement : "On veut avoir des contraintes plus fortes". Elle a aussi affirmé - même si elle dit comprendre l'épuisement de certaines équipes face à des cas critiques - que "les règles sur les ruptures de prises en charge ne sont pas non plus respectées". Elle a rappelé qu'"on ne renvoie pas à la rue" et qu'il faut saisir la MDPH. Conclusion : "Je veux durcir les règles et [faire en sorte] que les ruptures de prise en charge soient mieux accompagnées".