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Adoption définitive de la proposition de loi réformant l'adoption

Par un ultime vote des députés ce 8 février, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi LREM visant à réformer l'adoption, après l'échec de la commission mixte paritaire qui s'était réunie il y a trois mois. Le texte ouvre notamment l'adoption aux couples pacsés ou concubins, vise à mieux prendre en compte l'avis de l'enfant et rend obligatoire le passage par un organisme autorisé (OAA) pour toute adoption internationale. La plupart des mesures de la proposition de loi intéressent les départements, qui jouent un rôle central en matière d'adoption.

Après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP), il y a trois mois (voir notre article du 10 novembre 2021), l'Assemblée nationale a eu le dernier mot en adoptant définitivement, le 8 février, la proposition de loi visant à réformer l'adoption. Le vote a été acquis largement, par 96 voix contre 15, et 4 abstentions. Le texte avait été déposé en juin 2020 par Monique Limon, députée de l'Isère (et ancienne directrice du développement social, puis de l'insertion, dans ce département), et l'ensemble de ses collègues du groupe LREM. La proposition de loi a ensuite été votée en première lecture par l'Assemblée en décembre 2020 (sur le contenu initial du texte, voir notre article du 10 décembre 2020).

Une ouverture de l'adoption aux couples pacsés ou concubins

Pourtant consensuel – car s'inspirant très largement des résultats de la mission sur l'adoption confiée en avril 2019 par Adrien Taquet, le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, à Monique Limon et Corinne Imbert, sénatrice (LR) de Charente-Maritime (voir notre article du 18 avril 2019) – le texte s'est finalement heurté à un obstacle. La CMP a en effet buté sur une seule de ses dispositions, introduite par un amendement du gouvernement lors de l'examen du texte à l'Assemblée. Cette disposition concerne le cas, très marginal (environ 200 cas en France), de l'enfant issu d'une procréation médicalement assistée réalisée à l'étranger dans les conditions prévues par la loi étrangère et dans le cadre d'un projet parental commun de deux femmes, mais pour laquelle la mère désignée dans l'acte de naissance de l'enfant – autrement dit la mère biologique – s'oppose finalement, sans motif légitime (généralement après une séparation du couple), à l'établissement du lien de filiation à l'égard de l'autre femme. Une disposition rejetée par le Sénat, car entérinant de facto la PMA à l'étranger et un risque de dérive vers la GPA, et risquant aussi d'aboutir à des "adoptions forcées". Cette disposition figure néanmoins à l'article 9 du texte final voté par l'Assemblée.

Pour le reste, les 26 articles de la proposition de loi comportent plusieurs mesures utiles, dont la plupart concernent très directement les départements, qui jouent un rôle central en matière d'adoption. Le texte clarifie par exemple la rédaction de l'article 364 du Code civil sur l'adoption simple. De même, il ouvre la possibilité d'adopter aux couples pacsés ou concubins, alors que cette possibilité est réservée jusqu'à présent aux "deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans". La même ouverture est introduite dans une série d'autres articles du Code civil. Au passage – et pour tous les adoptants – l'âge minimum est ramené de 28 à 26 ans et la durée minimale de vie commune de deux ans à un an.

Une meilleure prise en compte de l'avis de l'enfant

La proposition de loi clarifie aussi la loi applicable aux conditions de l'adoption, en prévoyant que celles-ci "sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l'adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l'adoption ou, à défaut, à la loi de la juridiction saisie. L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale des deux membres du couple la prohibe". Autre clarification : à l'article 351 du Code civil, précisant les conditions du placement en vue d'adoption, la nouvelle rédaction remplace le terme d'"enfant déclaré abandonné par décision judiciaire" par "enfant délaissé par décision judiciaire". Le texte introduit en revanche une disposition nouvelle en prévoyant que "l'adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs est prohibée. Toutefois, le tribunal peut prononcer l'adoption s'il existe des motifs graves que l'intérêt de l'adopté commande de prendre en considération".

Le texte s'efforce également de mieux prendre en compte la parole de l'enfant, en prévoyant notamment, dans le cas de l'adoption simple, que l'enfant doit consentir à cette adoption dès lors qu'il est âgé d'au moins 13 ans. Actuellement, ce consentement n'est nécessaire que si l'adopté est majeur. Cette prise en compte du consentement de l'enfant à compter de 13 ans vaut aussi en cas de modification des prénoms de l'enfant sur décision du tribunal, à la demande du ou des adoptants. Aussi surprenant que cela paraisse, il est aujourd'hui possible – au moins en théorie – de changer le prénom d'un enfant adopté de 17 ans sans son consentement. 

Passage obligatoire par un OAA : vers la fin des adoptions individuelles à l'étranger

D'autres articles sont consacrés à l'agrément des candidats en vue d'une adoption. En dehors de quelques assertions d'évidence – "L'agrément a pour finalité l'intérêt des enfants qui peuvent être adoptés" – la proposition de loi précise notamment que "l'agrément prévoit une différence d'âge maximale de cinquante ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu'ils se proposent d'adopter". Avec toutefois la possibilité de déroger à cette règle "s'il y a de justes motifs". Le texte précise également le contenu des réunions d'information que doivent organiser les départements pour les candidats à l'agrément. Tout aussi pragmatique – et pour tenir compte des perturbations induites par la crise sanitaire –, le texte donne au président du conseil départemental, à titre dérogatoire, la possibilité de prolonger de deux ans les agréments en vue de l'adoption en cours de validité à la date du 11 mars 2020.

Autre novation, dans le cadre de l'adoption internationale : la proposition de loi précise les missions des OAA (organismes autorisés pour l'adoption). Elle prévoit surtout que le passage par un OAA est obligatoire pour toute adoption internationale, ce qui prohibe les adoptions individuelles, qui peuvent être sources de graves difficultés juridiques. Ainsi, un nouvel article inséré dans le Code de l'action sociale et des familles (Casf) précise que "pour adopter un mineur résidant habituellement à l'étranger, les personnes résidant habituellement en France agréées en vue de l'adoption doivent être accompagnées par un organisme mentionné à l'article L.225-11 [un OAA, ndlr] ou par l'Agence française de l'adoption". En revanche, les OAA ne sont pas autorisés à recueillir des enfants en France en vue de leur adoption.

Un texte bienvenu, mais qui laisse entier le recul de l'adoption

Un autre titre de la proposition de loi, plus technique, est consacré à l'amélioration du statut de pupille de l'Etat et à l'amélioration du fonctionnement du conseil de famille. Il réécrit pour cela plusieurs dispositions du Casf. Le texte prévoit notamment que les parents biologiques confiant leur enfant en vue d'une adoption doivent consentir à ce qu'il devienne pupille de l'État, ce qui lui permettra être adopté. Mais cette autorisation en amont supprime de facto le consentement express à l'adoption par les parents biologiques. Enfin, d'ultimes articles apportent quelques aménagements sur des dispositions plus ponctuelles, relatives notamment à la tutelle ou au congé pour adoption.

Au final, le texte, qui pourrait être publié dans les prochains jours – un recours en Conseil constitutionnel semblant peu probable –, apporte plusieurs mesures bienvenues et met à jour un Code civil qui peinait quelque peu jusqu'alors à s'adapter aux évolutions de la famille. Il reste que, malgré tout son intérêt, le texte ne peut répondre à une réalité de plus en plus prégnante : le manque croissant d'enfants adoptables en France et le véritable effondrement, en quelques années, de l'adoption internationale (voir notre article du 3 mars 2021).

 

 

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