Action cœur de ville : une deuxième phase plus écologique pour "remettre la campagne dans la ville"
La deuxième phase d'Action cœur de ville se profile, avec une connotation plus écologique. C'est ce qu'a détaillé Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme à l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), lors d'une conférence organisée par le Cercle Colbert. L'idée est de "remettre la campagne dans la ville", d'arrêter de consommer de l'espace agricole naturel et de développer des modèles alternatifs d'habitat.
Alors qu'il a remis deux rapports sur Action cœur de ville en juillet 2022, Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme à l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), a détaillé, lors d'une webconférence organisée le 6 septembre 2022 par le Cercle Colbert (cercle de réflexion sur les transformations territoriales et sociétales), la contribution du programme à la planification écologique. "Nous proposons que la lutte contre l'étalement urbain et l'adaptation au changement climatique soient les fils conducteurs du programme, ils vont guider toutes les mesures et les financements mobilisés pour cette deuxième étape du programme", a ainsi réaffirmé Rollon Mouchel-Blaisot, dont les rapports ne sont pas encore publiés. Le premier fait le point sur ce qui a bien marché, ce qui a moins bien marché et ce qui pourrait être fait de plus. "Il y a eu un travail de recensement auprès des collectivités, ce n'est pas si fréquent de se remettre en question auprès de ses clients, a insisté le préfet, le tout en co-construction avec Villes de France, représentant les villes moyennes."
La campagne dans la ville
Cela débouche, donc, sur une coloration plus écologique du programme. "Alphonse Allais avait un pressentiment juste mais il s'était trompé dans l'ordre, a indiqué Rollon Mouchel-Blaisot. Il disait qu'il fallait mettre les villes à la campagne, ce qu'on a fait avec l'étalement urbain, mais c'est tout l'inverse qu'il faut faire aujourd'hui, remettre la campagne dans la ville, donc aller vers de la densification pour accueillir plus de gens et mieux, vers une ville plus naturelle, résiliente, inclusive, plus agréable à vivre et plus attractive." Objectif : arrêter de consommer de l'espace agricole et naturel, et redonner un cadre de vie plus verdoyant en ville, avec des habitats revisités et des mobilités décarbonés. L'idée de lutter contre les "centres-villes ubérisés où on se fait livrer et on reste calfeutré chez soi avec toutes les nuisances, sans parler des dark stores", comme l'a souligné le préfet, est aussi présente.
Le dispositif Territoires pilotes de sobriété foncière mis en place par l'ANCT avec le ministère de la Transition écologique et le plan urbanisme construction architecture (Puca) a déjà permis de mettre en application ces enjeux. "Nous avons proposé à des villes volontaires de les aider à imaginer leur développement urbain résidentiel et économique sur les principes de la sobriété foncière, a rappelé le directeur du programme ; avant d'artificialiser, on traite les friches, les dents creuses, on étudie la multifonctionnalité des bâtiments comme les écoles, une trentaine sur 222 ont dit banco."
"Passer d'une politique du logement à une politique de l'habitat"
27 villes et agglomérations ACV volontaires se sont ainsi engagées dans la démarche et douze lauréats bénéficient d'un accompagnement renforcé (voir notamment nos articles du 11 juin 2021 et du 8 juillet 2022). Pour le préfet, il faut sortir de la vision binaire du logement, "soit des cages à poules en centre-ville, soit des pavillons hors du centre", pour proposer des modèles alternatifs avec des densités mieux conçues, de nouvelles formes d'habitation. "Passer d'une politique du logement à une politique de l'habitat, il faut qu'on soit plus imaginatif sur la manière dont on habite en France", a-t-il résumé, citant des exemples de villes aux démarches innovantes. À Angoulême, un recensement de tous les terrains déjà urbanisés potentiellement disponibles a ainsi été lancé, aboutissant à un potentiel de plus d'un millier de terrains. À Périgueux, des habitants proches de la retraite situés en zone pavillonnaire proposent de densifier leurs terrains afin de les valoriser tout en gardant une petite habitation pour eux. "Quand ce n'est pas de la densité subie mais de la proximité choisie, on peut être plus inventif", a insisté Rollon Mouchel-Blaisot.
Aller plus loin dans la coordination avec les régions
Le préfet a également rappelé le principe annoncé pour la deuxième phase du programme : il ne s'agit pas d'avoir plus de villes couvertes mais d'élargir les actions, pour s'étendre aux quartiers de gares et entrées de villes, sujet du deuxième rapport. "Comment mieux aider les collectivités qui souhaiteraient s'attaquer à ce sujet des entrées de villes et d'agglomérations et des quartiers de gares, ce qu'on appelle la 'France moche', tout ce qui a détruit nos entrées de villes, la 'France défigurée' de Michel Péricard, a détaillé Rollon Mouchel-Blaisot. Nous avons fait des propositions pour qu'au-delà d'Action cœur de ville, l'État et ses partenaires financiers inventent un dispositif au profit des collectivités. Ce sujet est extrêmement complexe et lourd, il faudrait des moyens relativement substantiels, une ingénierie très forte."
Dernier point : la collaboration avec les régions. Dans ce domaine, le préfet estime qu'"on pourrait aller plus loin et coordonner davantage les politiques de l'État en région et les politiques régionales". À l'heure actuelle, "on a un comité régional des financeurs auquel nous invitons systématiquement la région, a expliqué Rollon Mouchel-Blaisot. Certaines régions sont signataires officielles du programme, d'autres ne signent pas les conventions mais réservent des subventions aux villes ACV, c'est le cas notamment de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons préconisé de donner la possibilité à chaque préfet de région, plutôt que d'appliquer une règle nationale, d'adapter les programmes et dispositifs publics pour les optimiser et les harmoniser avec les politiques de la région".