Accord sur la fibre : l'Arcep pointe le risque de disparités territoriales
Marina Ferrari, secrétaire d’État en charge du numérique a signé le 12 mars à Dunkerque l'accord sur la fibre avec Orange. L'arrêté à paraître officialise de nouvelles échéances et taux de couverture pour la zone d'initiative privée. Avec des ambitions revues à la baisse, comme l'a souligné l'Arcep dans son avis.
Reprenant un chantier ouvert par son prédécesseur, la secrétaire d’État en charge du numérique Marina Ferrari a finalisé la négociation avec Orange sur la reprise des déploiements de la fibre dans la zone privée. Cet accord avait été annoncé par Jean-Noël Barrot en novembre 2023, l'État préférant la négociation avec l'opérateur retardataire à une seconde salve de sanctions pour non-respect de ses engagements. Pourquoi un tel délai ? "Entre deux, il y a eu le changement de gouvernement, un mois de latence avant la nomination de la secrétaire d’État et l'Arcep a dû attendre d'avoir son collège au complet avant de pouvoir délibérer" indique le cabinet de Marina Ferrari.
Reprise des déploiements dans 55 EPCI
Ces engagements remplacent donc ceux pris par Orange en 2018, à savoir rendre raccordables 100% des locaux avant fin 2022 sur les communes de la zone dite AMII (appel à manifestation d'intérêt d'investir) correspondant à quelque 3.000 agglomérations. Le nouvel accord prévoit dans la zone AMII "un rattrapage des déploiements" dans 55 EPCI d'ici la fin 2024 soit "au moins 140.000 locaux". Orange s'engage ensuite à atteindre dans ces zones fin 2025 un taux de 98,5% de déploiement "inconditionnel". Au total, les engagements sont "opposables" sur la base de l'article L33-13 du CPCE sur 1,12 million de locaux de particuliers ou professionnels. Une opposabilité dont s'est réjouie la secrétaire d'État, "en tant que ministre et qu'élue locale".
Droit à la fibre
L'accord prévoit enfin la mise en place "d'un droit au raccordement à la fibre" pour tous les locaux, excepté là où un refus de tiers a été exprimé, dans un délai maximal de 6 mois. Dans la zone dense, non soumise à une régulation, Orange promet d'atteindre fin 2025 un taux de couverture de 96% et d'expérimenter "un droit opposable au raccordement" en 2024. Enfin, à l’échelle nationale, Orange s'engage à maintenir ses tarifs sociaux pour les abonnements à la fibre. L'opérateur va également proposer un abonnement téléphonique seul afin de faciliter la migration de certains abonnés cuivre, notamment des personnes âgées n'utilisant pas internet, vers la fibre.
Concrètement ces engagements prennent la forme d'un courrier d'Orange et sont validés par un arrêté signé par la secrétaire d'État le 12 mars 2024 ; sa publication au Journal officiel étant attendue "dans les prochains jours" selon le cabinet.
Recul sur le taux et les délais
Les engagements pris au nom de l'article L33-13 en zone AMII ont été soumis à l'avis de l'Arcep. Dans la version provisoire de son avis du 23 janvier 2024 transmis par le cabinet, l'Autorité salue des engagements qui pourraient conduire à "des progrès par rapport à la situation d'aujourd'hui" en matière de couverture comme d'éligibilité FTTH. Elle valide aussi "la visibilité donnée par le calendrier" notamment pour les EPCI les moins bien couverts. Les doutes de l'Autorité se concentrent sur les échéances et la complétude. "Cette substitution [des engagements] introduirait de nouvelles échéances plus lointaines et des objectifs de production moins ambitieux que ceux de la 2e échéance de l'engagement de 2018", relève le projet d'avis. Elle constate que globalement "le taux de locaux raccordables atteindrait 97% en moyenne sur la zone concernée fin 2025", avec ajoute-t-elle "un risque de disparité de couverture importante entre les communes concernées". Si le chiffre semble avoir été réévalué suite à l'avis de l'Arcep – l'accord évoque le chiffre de 98,5% - le fait que le détail des engagements ne soit pas donné par territoire induit des disparités.
A ajuster avec le calendrier du cuivre
Le point le plus critique porte sur les raccordements à la demande puisque l'opérateur a mis en place un plafond de commande pour lisser la demande. L'Arcep a demandé que ce plafond soit "levé le plus rapidement possible". Enfin, elle demande à Orange de donner de la visibilité aux opérateurs alternatifs ainsi qu'aux collectivités concernées, car ce planning – qui fait déraper le calendrier initial du fibrage des grandes agglomérations – interfère potentiellement avec celui de l'arrêt du cuivre.
Les communes de la zone AMII directement concernées par l'accord seront informées par Orange, est-il précisé dans le courrier de l'opérateur. Les associations d'élus ont pour leur part bénéficié d'un point d'information la veille de la signature de l'arrêté.