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Lutte contre l'exclusion - Accès aux soins et précarité : les femmes discriminées

Le 7 juillet, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a remis à Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, son rapport intitulé "La santé et l'accès aux soins : une urgence pour les femmes en situation de précarité". S'appuyant sur de nombreuses statistiques, ce travail met en évidence une spécificité de la précarité au féminin en matière de santé. Un chiffre suffit à la résumer : les femmes représentent 64% des personnes qui reportent des soins ou y renoncent, soit près de 9,5 millions de femmes. L'espérance de vie des femmes françaises, nettement supérieure à celle des hommes, ne doit donc pas faire oublier la difficulté d'accès aux soins des plus précaires d'entre elles.

Des disparités de santé directement liées au genre

Celle-ci est d'autant plus importante que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à connaître une situation de précarité. Elles constituent en effet 53% des personnes pauvres, 57% des bénéficiaires du RSA, 62% des emplois non qualifiés, 70% des travailleurs pauvres, 82% des emplois à temps partiel...
Le rapport pointe également, chez les femmes en situation précaire, un certain nombre de disparités de santé liées directement au genre : des accidents du travail et de trajet en forte augmentation depuis quinze ans, une plus forte exposition aux troubles psychologiques, un moindre suivi gynécologique et un moindre recours à une contraception... Mais le rapport dénonce aussi "l'androcentrisme" de la médecine, avec des recherches, des diagnostics ou des protocoles de soins pensés au départ pour les hommes.
Aussi, "afin de mieux prendre en compte et combattre ces inégalités sociales et sexuées", le HCE formule-t-il 21 recommandations à destination des pouvoirs publics, regroupées en trois grands axes.

Encourager la création de centres de santé municipaux ou intercommunaux

Le premier axe consiste à "mieux évaluer les risques et la pénibilité des postes majoritairement occupés par des femmes en situation de précarité". Pour cela, le rapport propose notamment de généraliser le recueil de données sexuées en matière de santé au travail, de mieux prendre en compte les contraintes des emplois majoritairement occupés par des femmes en situation de précarité (avec en particulier une meilleure compensation dans le cadre du compte personnel de prévention et une reconnaissance des liens entre risques psychosociaux et troubles de santé mentale), ou encore de renforcer le rôle de la médecine du travail et d'améliorer la protection des femmes enceintes au travail.
Le second axe regroupe pas moins de treize propositions. Il s'agit en effet d'"adapter l'offre de soins et la prise en charge pour mieux répondre aux besoins des femmes en situation de précarité". Parmi les mesures préconisées à ce titre, on retiendra notamment l'amélioration du taux de recours aux aides existantes grâce en particulier à la fusion de l'AME (aide médicale d'Etat), de la CMU-C et de l'ACS (aide à l'acquisition d'une complémentaire santé) - une proposition qui revient dans toutes les réflexions sur l'accès aux soins -, le déploiement de campagnes d'information sur l'accès aux droits en matière de santé, une meilleure formation des médecins et des autres professionnels de santé ou encore le renforcement de la lutte contre les déserts médicaux (par exemple en encourageant la création de centres de santé municipaux ou intercommunaux et celle d'unités de soins mobiles).

Revoir le fonctionnement des Pass

Autres recommandations formulées par le rapport : un meilleur accompagnement du parcours des patientes en situation de précarité avec la désignation d'un référent unique et le développement des médiateurs en santé (voir notre article ci-dessous du 19 mai 2017), ainsi qu'une adaptation des horaires aux contraintes des femmes en situation de précarité.
Enfin, le troisième axe des propositions du HCE consiste à "intégrer les spécificités des femmes en situation de précarité dans les politiques publiques existantes de réduction des inégalités sociales de santé". Ceci suppose notamment de mieux prendre en compte les besoins des femmes pour améliorer le fonctionnement des permanences d'accès aux soins de santé (Pass) ou encore de généraliser la production de statistiques sexuées dans les contrats de ville, les contrats de ruralité ou les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (Praps).