AAH : un décret met en place la déduction forfaitaire des revenus du conjoint
Le long feuilleton de la "déconjugalisation" de l'AAH – autrement dit la non-prise en compte des ressources du bénéficiaire pour l'ouverture du droit et le calcul du montant de la prestation – a occupé toute l'année 2021 (voir nos articles ci-dessous). Après deux propositions de loi et de très vives polémiques, il s'est achevé par une fin de non-recevoir du gouvernement. En revanche, un décret du 19 janvier 2022 met en place la solution alternative proposée par ce dernier. Il s'agit en l'occurrence de l'application de la mesure prévue par l'article 202 de la loi de finances pour 2022. Pour la secrétaire d'État en charge des personnes handicapées, cette mesure doit permettre d'améliorer le montant de la prestation perçue par le bénéficiaire, tout en évitant de remettre en cause le caractère familial de l'AAH, ce qui contreviendrait à l'un des principes de base des minima sociaux.
Pour cela, le décret du 19 janvier instaure un abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint du demandeur ou du bénéficiaire de l'AAH, pris en compte pour le calcul du l'ouverture du droit, puis du montant de la prestation. Le texte prévoit que lorsque la condition de ressources est appréciée au regard de revenus perçus au cours d'une année civile de référence, le montant annuel de l'abattement forfaitaire est de 5.000 euros, auquel s'ajoute une somme de 1.400 euros par enfant à charge (au sens des prestations familiales). Ces montants sont divisés par quatre lorsque la condition de ressources est appréciée au regard de revenus perçus au cours d'un trimestre de référence. Cet abattement forfaitaire s'applique aux revenus perçus par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (Pacs). Les revenus ouvrant droit à l'abattement peuvent être les traitements et les salaires, les pensions, les rentes viagères à titre gratuit et les rémunérations des gérants et associés de sociétés. Il peut aussi s'agir des revenus d'activités commerciales, artisanales, libérales ou agricoles. Enfin, il peut également s'agir de la rémunération garantie aux travailleurs handicapés accueillis en Esat (établissements et services d'aide par le travail).
Selon les explications fournies par Sophie Cluzel lors des débats sur la "déconjugalisation" de l'AAH, l'abattement instauré par la loi de finances pour 2022 et par le décret du 19 janvier devrait concerner environ 120.000 foyers, pour lesquels la mesure représenterait un gain moyen d'AAH d'environ 110 euros par mois, pour un coût budgétaire de l'ordre de 200 millions d'euros par an (voir notre article du 24 septembre 2021). Cette disposition est toutefois jugée partielle et insuffisante par les associations de personnes handicapées, qui continuent de réclamer l'individualisation de l'AAH.
Référence : décret n°2022-42 du 19 janvier 2022 relatif à l'allocation adulte handicapé (Journal officiel du 20 janvier 2022). |