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L'Assemblée rejette à nouveau l'individualisation de l'AAH, dans un climat tendu

Le long feuilleton de l'individualisation (ou "déconjugalisation") de l'AAH a connu un nouvel épisode le 7 octobre, avec le rejet, en première lecture, de la proposition de loi "visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap". Celle-ci avait été déposée le 25 août par Aurélien Pradié, Damien Abad et les membres du groupe LR. Cette proposition de loi, examinée dans le cadre d'une journée parlementaire réservée au groupe LR, est clairement conçue comme une réplique à l'adoption tronquée, déjà par l'Assemblée nationale mais cette fois-ci en seconde lecture, d'une proposition de loi du groupe communiste portant "diverses mesures de justice sociale" (voir notre article du 7 juin 2021). Après l'adoption par surprise du texte en première lecture – les député LREM s'étant laissés surprendre –, son retour en seconde lecture (la proposition de loi ayant été adoptée entretemps par le Sénat) avait suscité une véritable bronca lors de son retour devant l'Assemblée. Devant les tensions au sein même de sa majorité, le gouvernement avait alors été contraint de recourir au vote bloqué pour faire adopter un texte vidé de sa disposition sur l'individualisation de l'AAH.

Le rejet de la proposition du groupe LR n'est donc pas une surprise, d'autant que le texte avait déjà été rejeté en commission des affaires sociales. Mais, comme on pouvait s'y attendre, les débats ont été très tendus, Aurélien Pradié, le rapporteur du texte, évoquant, parmi nombre d'autres intervenants, "la honte" du débat parlementaire de juin, la "méthode détestable" et "le psychodrame, à grand renfort de vote bloqué et de passage en force brutal". De son côté, le gouvernement, par la voix de Sophie Cluzel, a repris ses arguments sur l'augmentation du montant de l'AAH mise en œuvre pour tous les allocataires et le risque d'une remise en cause du caractère familial des prestations sociales, à l'image du RSA ou de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Le gouvernement considère, par ailleurs, avoir fait un geste de substitution avec la mise en place, prévue par l'article 43 du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, d'un abattement forfaitaire sur les revenus qui devrait concerner environ 120.000 foyers, pour lesquels la mesure représenterait un gain moyen d'AAH d'environ 110 euros par mois, pour un coût budgétaire de l'ordre de 200 millions d'euros par an (voir notre article du 24 septembre 2021). Cette disposition est toutefois jugée partielle et insuffisante par les associations de personnes handicapées, qui continuent de réclamer l'individualisation de l'AAH.

À noter : le rejet de la proposition de loi du groupe LR entraîne du même coup l'abandon de la disposition visant à offrir un meilleur accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) aux personnes en situation de handicap psychique, cognitif ou présentant un trouble du neurodéveloppement. Ce rejet aura toutefois des conséquences limitées, puisque le gouvernement a repris la mesure à son compte en lançant une expérimentation de cet accès élargi à la PCH dans trois départements : Gironde, Ardennes et Vosges (voir notre article du 5 octobre 2021). Il s'agit toutefois d'une expérimentation là où la proposition LR prévoyait une mise en place généralisée.

Enfin, le débat sur l'AAH est loin d'être terminé puisque, dès le 12 octobre, le Sénat examinera à son tour en seconde lecture la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, adoptée dans la douleur par l'Assemblée en juin. À cette occasion, les sénateurs ne devraient pas manquer de réintroduire la disposition supprimée sur l'individualisation de l'AAH...

Référence : proposition de loi visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap (rejetée en première lecture par l'Assemblée nationale le 7 octobre 2021).
 

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