5G : un cahier des charges favorable aux territoires, si l'État n'est pas trop gourmand
L'Arcep a publié jeudi 21 novembre 2019 le cahier des charges de la 5G. Si les obligations de couverture des territoires sont là, les arbitrages financiers ne sont pas encore faits. Le risque est que le gouvernement soit trop gourmand pour permettre aux opérateurs de respecter ces obligations. Les attributions sont prévues pour le printemps 2020, avec six mois de retard sur le calendrier initial.
Attendu depuis plusieurs semaines, l'Arcep a publié jeudi 21 novembre le cahier des charges pour l'attribution des licences 5G. Un document amendé, résultat de négociations serrées avec le gouvernement et les opérateurs. Au cœur des discussions : trouver le bon équilibre entre aménagement du territoire, concurrence, recettes budgétaires et innovation.
50 Mhz à prix fixe pour chaque opérateur
310 MHz dans la bande 3,4-3,8 GHz seront alloués à cette première génération de 5G. Comme annoncé en juillet, les fréquences seront allouées en deux temps, avec un minimum de fréquences pour les quatre (sauf surprise) opérateurs attendus pour postuler. Ce socle commun devrait être de 50 Mhz, un peu moins des 60 Mhz soutenus par l'autorité mais mieux que les 40 Mhz envisagés un temps. Ce socle sera assorti d'obligations communes et d'options ouvrant droit à des blocs de fréquences supplémentaires. Ces options concernent la couverture à l'intérieur des bâtiments, les offres d'accès "fixes" (sur le modèle de la 4G fixe), la prévisibilité des déploiements (et la connaissance des pannes) et l'accueil d'opérateurs tiers. Si les opérateurs souscrivent à ces options, elles seront retranscrites dans les licences pour devenir opposables. À l'issue de cette première phase, des enchères seront organisées par blocs de 10 Mhz, avec un plafond maximal de 100 Mhz pour un opérateur. Des règles qui visent à répondre au souhait de Bouygues Telecom et Free de ne pas privilégier Orange et SFR qui disposent de plus de moyens financiers.
25% des sites en zone rurale en 2024
Sur le volet aménagement du territoire, le cahier des charges prévoit trois échéances :
- 3.000 sites en 2022,
- 8.000 sites en 2024
- 10.500 sites en 2025.
25% des sites devront être déployés dans une zone rassemblant les communes des zones peu denses et celles des territoires d’industrie, hors des principales agglomérations. Ce pourcentage ne s'appliquera cependant qu'aux deux dernières échéances. Concernant les voies de circulation, les autoroutes (16.642 km) devront être couvertes en 2025, les routes principales (54.913 km) devant suivre en 2027 dans l'objectif de soutenir le développement du véhicule autonome. Parallèlement, une obligation de montée en débit pour au moins 75% des sites est prévue, étendue à l'ensemble des sites en 2030. Si l'Arcep promet "qu'à terme, la totalité des sites devront fournir un service de type 5G", aucune date n'est avancée. Pour vérifier le respect des obligations en matière de couverture et de qualité de service, des rendez-vous intermédiaires sont prévus en 2023 et 2028, ils pourront donner lieu à une adaptation des règles fixées par le régulateur.
L'Arcep vigilante sur le prix plancher
Si ce cahier des charges était très attendu, il ne tranche pas la question essentielle du coût des licences - les 50MHz alloués avant les enchères - pierre angulaire de l'édifice. Le produit des licences 5G a en effet rapporté plus de 6,5 milliards d'euros de recettes budgétaires en Allemagne. Or, plus l'État sera gourmand, plus les obligations de couverture seront difficiles à tenir pour les opérateurs. L'Arcep a du reste prévenu qu'elle serait "extrêmement vigilante au niveau retenu pour le prix de réserve, qui devra lui être soumis pour avis". Son président, Sébastien Soriano, a évoqué un plafond d'1,5 milliard d'euros. Autre paramètre de l'équation : le chiffrement des déploiements du fait de la loi dite "anti-Huawei", certains opérateurs étant actuellement très dépendants de l'équipementier chinois. "Nous avons besoin de clarification sur l'utilisation de tel ou tel équipementier pour prévoir nos investissements sur le long terme", a déclaré sur BFM le président de la Fédération française des télécoms, Arthur Dreyfuss. Il faut donc espérer que l'aménagement numérique des territoires ne servira pas de variable d'ajustement dans la dernière ligne droite pour boucler l'appel à candidature. La balle est désormais dans le camp du gouvernement sur ce volet financier. Eu égard à ces derniers ajustements, l'Arcep estime que les fréquences devraient être attribuées au printemps 2020, les services commerciaux étant attendus pour la fin de la même année dans au moins deux grandes villes.