Archives

Modernisation de l'action publique - 40 politiques publiques passées au crible dès 2013

Le premier Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) s'est réuni ce 18 décembre. Une série de mesures de simplifications administratives ont été listées, dont bon nombre concerneront les services publics locaux. Une feuille de route en matière d'administration électronique a été tracée. Et un programme d'évaluation des politiques publiques a été décidé. Les 40 champs qui seront évalués en 2013 sont pour la plupart cogérés par les collectivités (logement, handicap, enfance, environnement...), dont l'action sera donc certainement réinterrogée.

"Nous avons plus que jamais besoin d'un Etat stratège qui (...) trace les perspectives, pour permettre au pays de relever le défi de la compétition économique", du "vieillissement", de la "mobilité" et du "changement climatique", a dit ce 18 décembre le Premier ministre lors d'un discours prononcé à l'issue du premier Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap), qui se réunira tous les trois mois. Il faut porter un "regard clairvoyant sur l'usure parfois, la sédimentation souvent et l'inadaptation de certaines de nos politiques publiques", a-t-il souligné. "Les Français attendent que tous les acteurs publics maîtrisent la dépense et surtout dépensent mieux et plus efficacement." "Les politiques publiques sont-elles aussi efficaces qu'elles devraient être ? Les Français en tirent-ils les avantages qu'ils attendent ?", s'est interrogé Jean-Marc Ayrault, relevant que la dépense publique représentait en France 57% du PIB, contre 52% en 2007, tandis qu'en Suède par exemple, a-t-il indiqué, elle représente 51% du PIB.
Le Premier ministre a plaidé pour le lancement de "trois grands chantiers" de modernisation de l'action publique (on parle donc désormais de "MAP"). Le premier est celui de la "simplification", avec des mesures concrètes comme la possibilité de demander les aides au logement en ligne mais aussi la suppression immédiate de 100 commissions consultatives jugées inutiles. Le deuxième chantier concerne "l'accélération de la transition numérique". Le troisième, jugé le plus "déterminant", consiste en une évaluation de toutes les politiques publiques "sur l'ensemble du quinquennat", ce qui sera une "première" en France, a assuré le Premier ministre, sachant que quarante d'entre elles seront passées au crible dès 2013... et beaucoup d'autres d'ici à 2017.
La MAP succède ainsi à la RGPP, cette "révision" rebaptisée "réduction" générale des politiques publiques par le Premier ministre. L'exécutif assure suivre une autre "méthode". "Il n'y aura pas de norme aveugle", a assuré le chef du gouvernement, raillant les "coupes budgétaires uniformes" qui ont été selon lui "la seule règle" au cours des dix dernières années. La principale nouveauté concerne la fonction publique : la RGPP s'était rapidement résumée au non remplacement d'un agent partant à la retraite sur deux, alors que les effectifs seront globalement stabilisés sur ce quinquennat. Mais malgré l'hommage appuyé de Jean-Marc Ayrault aux "valeurs" des fonctionnaires, les services publics seront mis à contribution… ou comment "faire mieux en dépensant moins", selon les termes de François Hollande lui-même. Selon le Premier ministre, si certaines actions devront simplement être améliorées ou simplifiées, pour d'autres, "des réformes plus structurelles apparaîtront nécessaires". Et le chef du gouvernement de rappeler que 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires devront être réalisées en 2014 et 2015 pour financer le crédit d'impôt pour la compétitivité des entreprises. En réalité, selon Bercy, il faudra 15 à 16 milliards supplémentaires d'ici à 2015 pour financer également des dépenses nouvelles comme le coup de pouce au RSA ou la hausse éventuelle du budget de l'Union européenne. En tout, sur l'ensemble du quinquennat, les dépenses publiques, qui représentent 1.100 milliards d'euros par an, devront donc diminuer de plus de 60 milliards.

Simplifier...

Pas moins de 24 "décisions" du Cimap concernent la simplification de l'action publique, et notamment la simplification des démarches, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises. S'agissant des particuliers, nombre de mesures prévues dès 2013 concernent très directement les collectivités locales ou leurs partenaires : allègement et dématérialisation des démarches auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ; demande d'APL en ligne (après expérimentation auprès de trois CAF) ; base de données nationale en ligne de l'offre de formations pour jeunes et demandeurs d'emploi financées sur fonds publics ; simplification des mesures de domiciliation (déjà annoncée lors de la Conférence de lutte contre la pauvreté) ; mise en place d'un espace numérique pour les particuliers-employeurs ; création et dissolution en ligne d'une association… Beaucoup de mesures liées au social donc, faisant bien sûr largement appel aux TIC. De même, les services municipaux, dont ceux de l'état civil et des élections, devraient connaître certains changements avec notamment la suppression des demandes d'extraits d'acte d'état civil pour les principales démarches telles que les demandes de pièces d'identité (évaluation en 2013 de l'expérimentation en cours en Seine-et-Marne). L'idée est à peu près la même s'agissant des entreprises : limiter le nombre de déclarations, accélération des procédures… Et, on le notera, "lutte contre la sur-transposition du droit communautaire en droit français".
C'est aussi au sein du chapitre simplification que l'on retrouve la fameuse question de l'allégement des normes également abordée dans le cadre de la réforme de la décentralisation. L'engagement de François Hollande que "toute création d'une norme sera accompagnée de la suppression d'une autre" est ainsi rappelé. "Un programme pluriannuel de simplification va être arrêté pour alléger le stock de normes existantes, en commençant par les blocs les plus complexes, notamment le droit de l'environnement et les règles d'urbanisme", a en outre indiqué Jean-Marc Ayrault. Pour les normes centrées sur les collectivités, le dossier de présentation des décisions du Cimap rappelle qu'une mission confiée à Alain Lambert et Jean-Claude Boulard (respectivement président et membre de la CCEN) a été chargée de proposer avant fin mars "une liste de normes qui seront abrogées".
Mettre un terme à l'inflation des normes… et des commissions consultatives ! Là encore, cela devrait plaire aux élus. Le chef du gouvernement a indiqué avoir décidé de supprimer "immédiatement" 100 commissions consultatives "dont l'utilité n'est pas du tout démontrée. Cela représente 15% des commissions rattachées aux différents ministères". D'autres seront "fusionnées ou réorganisées", Jean-Marc Ayrault promettant qu'"avant juin 2013, le nombre total de ces organismes aura diminué de 25%".
Tel que cela avait été annoncé à l'issue d'un séminaire gouvernemental du 1er octobre dernier, un chantier transversal sur les opérateurs de l'Etat est également lancé. Désormais, toute création d'une agence devra être justifiée par une étude d'impact et le pilotage des agences et autres opérateurs existants sera "rénové", y compris en matière de financement.

Numériser...

Si les mesures de simplification riment souvent avec dématérialisation, un autre volet du plan du gouvernement est entièrement dédié au numérique : "Accélérer la transition numérique". Ce volet va mobiliser l'ensemble des ministères, qui sont invités à élaborer leur propre feuille de route, d'ici mars 2013, en s'appuyant sur les quatre grandes orientations stratégiques définies.
L'administration numérique est repensée sous l'angle territorial, au plus près des usagers. Elle est présentée comme un vecteur d'égalité d'accès aux services publics, y compris dans les territoires les plus enclavés. L'ambition étant de préparer une offre de services numériques disponible sur l'ensemble du territoire, articulée avec des points de contacts chargés de la médiation avec les usagers. Des mesures d'amélioration comme la mise en réseau des bases de connaissance métiers "afin de faciliter l'information et l'orientation des usagers" ou encore la consolidation des systèmes de confiance pour l'identification et l'authentification des citoyens seront mis en œuvre en 2013.
Le gouvernement souhaite également mettre l'accent sur des services "numériques de bout en bout" afin d'éviter les ruptures dans la chaîne de traitement. Le déploiement de services pratiques, personnalisés et de proximité sera engagé, aussi bien à destination du public (procédures d'urbanisme, inscriptions scolaires, paiement en ligne…) qu'aux agents en interne (parapheur et archivage électroniques). Le déploiement de solutions mobiles sera privilégié et les ministères seront mis à contribution pour proposer leurs solutions prioritaires dans ce domaine.
Le Cimpa donne aussi l'occasion au gouvernement de réaffirmer ses ambitions en matière d'open data. Le principe de la gratuité et de la réutilisation des données est confirmé et étendu dans la perspective de transposition du projet de directive européenne. Des actions d'"intelligence collective" sur de nouveaux services innovants seront engagées avec les citoyens et une dizaine de "services numériques de demain" seront conçus et testés dans le cadre d'une démarche de laboratoire.
Enfin, la maîtrise et la cohérence des systèmes d'information sera renforcée. La création, début 2013, d'un magasin d'applications partagées du service public, facilitant la réutilisation entre ministères, illustre également le souci de rationaliser le patrimoine d'applications informatiques de l'Etat… et de réduire ainsi la dépense publique.

... et,surtout, évaluer

Le troisième volet représente certainement le gros morceau de la MAP, même s'il est de facto pour l'heure le moins détaillé : engager un "travail d'évaluation des politiques publiques avec l'ensemble des acteurs concernés – Etat, collectivités, organismes sociaux et opérateurs". Une méthode d'évaluation a été définie, avec un "déroulé type" (voir page 43 du dossier en lien ci-contre). Et une première liste de secteurs devant être évalués dès 2013 a été établie. Pas de jaloux, "tous les ministères verront au moins l'une de leurs politiques publiques" être concernée courant 2013. Certaines évaluations seront lancées en janvier, d'autres en avril, d'autres encore en juin. Au programme figurent plusieurs politiques sensibles et coûteuses (voir page 44 du dossier le tableau de "programmation") : les aides à la famille (60 milliards), les 7.000 aides directes aux entreprises (80 milliards), la gestion des prestations d'assurance maladie, la formation professionnelle des demandeurs d'emploi…
Nul doute qu'au-delà de l'action de l'Etat, celle des collectivités sera elle aussi largement réinterrogée. Le planning 2013 des champs à évaluer est à ce titre éloquent : la territorialisation de la politique du logement, la politique d'éducation prioritaire, la scolarisation des enfants handicapés, la tarification des établissements et services médico-sociaux pour personnes handicapées, la "gouvernance de la politique de la petite enfance et du soutien à la parentalité", la protection de l'enfance, la gouvernance territoriale des politiques d'insertion et de lutte contre l'exclusion, la politique de l'eau, la police de l'environnement, l'organisation du soutien au spectacle vivant, la politique publique de numérisation et d'archivage numérique, le soutien au sport professionnel…
Jean-Marc Ayrault l'a d'ailleurs clairement dit ce mardi : "c'est l'ensemble de l'action publique qui doit être passé au crible de l'évaluation, et pour cela nous agirons en partenariat avec les collectivités locales, qui souvent cogèrent les politiques publiques". Depuis sa nomination, Marylise Lebranchu, la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, a dit et redit que les "trois piliers" de son ministère allaient bien de pair, qu'il n'y aurait pas d'un côté une réforme de l'Etat et de l'autre une réforme de la décentralisation mais bien "une grande réforme de l'action publique". Reste toutefois à préciser comment le relevé de décisions de ce premier Cimap s'articulera avec les dispositions sur les compétences des collectivités contenues dans le futur projet de loi de décentralisation.