Energie - 2013, année record pour l'électricité d'origine renouvelable
La part des énergies renouvelables (hydraulique inclus) a représenté 20,7% de la consommation française d'électricité en 2013, son plus haut niveau en six ans, selon le bilan annuel publié le 24 janvier par RTE, la filiale autonome d'EDF qui gère le réseau national des lignes à haute tension. En raison des précipitations exceptionnellement abondantes au printemps – la pluviométrie a été parmi les plus élevées des cinquante dernières années selon Météo France -, la production hydraulique a augmenté de près de 20% pour atteindre 76 TWh. Il s'agit du volume annuel le plus élevé de la décennie, le dernier record datant de 2001 avec 77 TWh, indique RTE.
Le souffle de l'éolien
La production issue des sources d'énergies renouvelables hors hydraulique a quant à elle augmenté de 8,1% et dépassé les 25 TWh. Plus de la moitié est issue de la production éolienne dont la puissance installée a atteint 8.140 MW fin 2013. Le parc éolien a enregistré un maximum historique de production le 23 décembre 2013 à 21h pour une puissance de 6.440 MWh et un facteur de charge* de 80%. Le précédent record avait été observé le 27 décembre 2012 avec 6.200 MW. Mais le rythme de développement du parc s'est nettement ralenti par rapport aux cinq dernières années : les volumes installés entre janvier et décembre 2013 se sont élevés à 630 MW alors que le maximum annuel avait été atteint en 2009 avec 1.250 MW. Même coup de frein du côté du parc photovoltaïque : la puissance installée a atteint 4.300 MW mais le volume installé au cours de l'année n'a été que de 740 MW contre 1.690 MW en 2011. Le maximum de production photovoltaïque sur l'année 2013 a été atteint le 21 août à 14h pour une puissance de 3.000 MW, soit un facteur de charge de 78%.
Les projets éoliens et photovoltaïques dont le raccordement au réseau de transport est en cours ou prévu représentent 6.270 MW de puissance supplémentaire. Deux tiers de ces projets correspondent à de l'éolien offshore, indique encore RTE. Le développement du petit éolien et du photovoltaïque reste quant à lui prépondérant sur les réseaux de distribution.
Globalement, la production d'électricité a progressé de 1,7% à 550,9 TWh. Si la production nucléaire reste largement dominante, avec une part de 73,3%, elle a marqué un léger recul en 2013 (0,3%). Celle des centrales au fioul ou au gaz a poursuivi son mouvement de baisse et chuté de 20%, en raison du recul des cours internationaux du charbon dû à l'essor du gaz de schiste aux Etats-Unis. Cela a favorisé la production issue de centrales recourant au charbon (+14%), un paradoxe à l'ère de la "transition énergétique", cette ressource fossile étant fortement émettrice de CO2. Ce phénomène amplifie les inquiétudes sur l'approvisionnement électrique en cas de pics de consommation, car les centrales à gaz servent notamment à couvrir la demande en période de pointe, a souligné RTE.
Ralentissement de la consommation
Côté consommation, après plusieurs années de hausse, les Français se sont montrés moins gourmands en électricité en 2013. La consommation des particuliers, des professionnels et des PMI/PME n'a progressé que de 0,3% l'an dernier, le plus fort ralentissement jamais observé, selon RTE. Entre 2009 et 2012, la hausse avait été en moyenne de 1%.
Outre le facteur économique qui a freiné les revenus des ménages, "il y a là la marque de mesures relatives aux économies d'énergie, comme l'interdiction des lampes à incandescence", a expliqué Dominique Maillard, le président de RTE, lors d'une conférence de presse. "Il y a aussi des effets plus structurels liés à des équipements plus performants", a-t-il précisé. "Quand les Français renouvellent leur machine à laver, leur réfrigérateur, je pense qu'ils portent une attention plus soutenue à la consommation d'électricité." Mais ce repli a été partiellement compensé par les besoins liés aux appareils numériques, qu'il faut recharger régulièrement et qui tendent à se multiplier dans les foyers.
La rénovation du parc immobilier et l'application de la RT (réglementation thermique) 2012 qui écartent progressivement le recours au chauffage électrique contribuent aussi à la stagnation de la consommation. Mais la part importante qu'occupe encore le chauffage électrique contribue à la "thermosensibilité" du système électrique national : en hiver, une baisse d'un degré des températures fait désormais grimper la consommation de courant d'environ 2.400 mégawatts (soit la puissance fournie par deux réacteurs nucléaires et demi). "La France à elle seule est responsable de pratiquement la moitié du 'gradient thermique' de l'Europe continentale. Depuis le Portugal jusqu'aux Pays baltes, quand il fait 1°C de moins, l'ensemble du système a besoin de 5.000 MW de plus, dont 2.400 MW pour la France", a souligné Dominique Maillard.
Chez les industriels, la consommation s'est repliée de 2,5%. Elle est restée pénalisée par le ralentissement économique, mais de façon moins marquée qu'en 2012, selon RTE. Au total, la consommation d'électricité a tout de même légèrement progressé de 1,1% en 2013, à 495 térawattheures (TWh), en raison de températures un peu plus basses que la normale au premier semestre, malgré l'absence de vague de froid exceptionnelle comme en 2012. Corrigée de ce facteur, la consommation d'électricité annuelle aurait stagné autour de 480 TWh, dans un contexte européen de consommation orientée à la baisse. La pointe (consommation maximale) s'est établie à 92,6 gigawatts le 17 janvier, loin du record de 102,1 GW atteint le 8 février 2012. A l'inverse, durant l'été, la puissance consommée est tombée à 26,6 GW le 11 août, le plus bas niveau en cinq ans.
Phénomène rare, résultant de la faiblesse de la consommation : le prix moyen journalier de l'électricité a été négatif, le 16 juin, tombant à -41 euros le mégawattheure. Cette chute, la première depuis 2010, s'explique par l'abondance d'électricité d'origine renouvelable, dont le tarif subventionné est garanti quelle que soit la demande, et d'un surplus de production "peu flexible", comme le nucléaire.
A noter encore, la France est restée le plus grand exportateur de courant de l'Europe de l'Ouest, le solde des échanges avec les pays voisins s'établissant à 47,2 TWh (+6,8%). Le pays a toutefois été importateur net (de 9,8 TWh) depuis l'Allemagne, du fait de l'essor des énergies renouvelables et d'une production d'électricité bon marché à base de charbon outre-Rhin.
Enfin, RTE a indiqué avoir mis en service, en avril dernier, la très contestée ligne à très haute tension Cotentin-Maine, qui reliera le futur réacteur EPR de Flamanville (Manche) au réseau national. Au total, le gestionnaire a investi 1,41 milliard d'euros l'an dernier pour développer et renforcer son réseau.
Anne Lenormand
*Rapport entre l'énergie électrique effectivement produite sur une période donnée et l'énergie produite par un fonctionnement à la puissance maximale durant la même période