Logement - 15 propositions pour créer une offre sociale dans 120.000 logements privés en 3 ans
Dans son 18e rapport, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) se penche sur "la mobilisation du parc privé pour créer une offre sociale". La question est dans l'air du temps, puisque la récente instruction gouvernementale sur les plans d'action SRU et les mesures à l'encontre des communes récalcitrantes évoque elle aussi - sur le registre de la construction neuve -, la nécessité de mobiliser "des promoteurs privés qui pourront être des acteurs déterminants de la production, au travers d'opérations mixtes" (voir notre article ci-contre du 8 juillet 2015).
Les limites des outils incitatifs actuels
Devant la saturation du parc social - 1,8 million de ménages en attente -, la mobilisation du parc privé relève d'une approche pragmatique. S'appuyant sur les chiffres de l'Insee, le rapport estime qu'avec 1,8 million de logements remis chaque année sur le marché et entre 2,6 et 3 millions de logements vacants, "le parc privé offre un potentiel important de logements disponibles rapidement".
Pour cela, les outils actuels se révèlent utiles, mais insuffisants. Du côté de la lutte contre la vacance, la taxe sur les logements vacants (TLV) connaît certes une nette montée en charge (129,9 millions d'euros mis en recouvrement en 2013 contre 38,4 millions en 2012), mais "elle fait l'objet de nombreuses exonérations dont la légitimité n'est pas toujours avérée", tandis que les procédures de réquisition "ont été plusieurs fois employées sans obtenir de résultats probants".
Pour leur part, les outils incitatifs - conventionnement Anah, intermédiation locative, bail à réhabilitation... - présentent un réel intérêt, mais leur diffusion a tendance à stagner. Par exemple, le conventionnement Anah a concerné 141.350 logements depuis sa généralisation en 2007, mais, après une période de rapide montée en charge, le nombre de conventions signées a très nettement reculé, passant de 26.554 en 2008 à 7.678 en 2014, "du fait d'une évolution des priorités de l'agence au regard d'un budget contraint". Le HCLPD estime pourtant qu'il s'agit d'"un outil efficace pour générer des loyers en dessous des prix du marché". Aussi déplore-t-il que "la relance du développement d'une offre de logements à loyers maîtrisés ne se trouve pas dans les orientations prioritaires de l'agence".
Un plan national de mobilisation de 120.000 logements privés sur trois ans
Face à ce constat mitigé, le HCLPD énonce une série de propositions. Celles-ci devraient être regroupées dans un plan national de mobilisation des logements privés de 120.000 logements sur trois ans, dont 30.000 logements sociaux et très sociaux conventionnés par l'Anah - en favorisant l'intermédiation locative en mandat de gestion - et 10.000 logement en location/sous location, soit 40.000 par an.
Pour concrétiser cet objectif chiffré, le HCLPD formule une quinzaine de préconisations. Il s'agirait, par exemple, de fixer un nombre de logements à mobiliser par territoire dans les PDALHPD et les PLH, mais aussi d'"imposer" la mobilisation du parc privé dans les communes en constat de carence dans le cadre de la loi SRU. Le rapport suggère notamment d'expérimenter un "droit de priorité locative" dans les communes en carence où aucune solution d'intermédiation locative n'a pu aboutir. Cette solution semble toutefois juridiquement fragile, dans la mesure où les propriétaires du parc privé ne sont pas comptables des prises de position du maire.
Pour convaincre les propriétaires privés de mettre leur bien en location, le rapport suggère aussi de créer un lieu unique d'information et d'accompagnement des propriétaires, mission qui pourrait être confiée aux Adil.
Ressusciter la GUL ?
Sur les outils de mobilisation du parc privé, le HCLPD demande la relance du conventionnement de logements par l'Anah (avec ou sans travaux), mais préconise aussi - plus largement - de "sécuriser et augmenter" le budget de l'agence, en créant une contribution sur les revenus locatifs résultant de loyers "anormalement élevés".
Toujours du côté des outils de mobilisation, le HCLPD rappelle son attachement à la création de la garantie universelle des loyers (GUL), qui semble être une des grandes oubliées de la mise en œuvre de la loi Alur du 24 mars 2014.
Sur les outils de lutte contre la vacance, le rapport suggère de restreindre les possibilités d'exonération de la TLV en les limitant à une seule année, mais aussi de créer une procédure de "déclaration de logement en état de vacance anormalement longue" (par exemple après deux années de vacance et plusieurs tentatives de convaincre le propriétaire d'y mettre un terme) et d'étendre la procédure de réquisition avec attributaire aux personnes physiques détenant un patrimoine de plus de cinq logements (possibilité limitée aujourd'hui aux propriétaires personnes morales).
Enfin, pour inciter les collectivités à s'impliquer dans la lutte contre la vacance, le rapport préconise une obligation d'inscription, dans les PLH, des actions visant à réduire cette dernière, ainsi que l'organisation d'un recensement annuel, par les collectivités, du parc des bâtiments temporairement vacants leur appartenant ou propriétés de bailleurs sociaux ou d'établissements publics.
Jean-Noël Escudié / PCA
Une campagne de communication pour augmenter le nombre de logements Solibail
Le plan triennal visant à réduire le recours aux nuitées hôtelières pour les personnes à la rue, lancé par Sylvia Pinel en février 2015, prévoit, d'ici à 2017, la création de 13.000 places en dispositifs alternatifs dont 9.000 en intermédiation locative, à l'image du dispositif Solibail. A ce jour, 3.430 logements sont déjà loués via Solibail en Ile-de-France (hors PAris), bénéficiant à 11.300 personnes. Le ministère du Logement vise un objectif de 1.000 logements supplémentaires d'ici à un an. Pour y parvenir, il a lancé, le 8 juillet, une campagne de communication ciblant cette région qui concentre 80% des nuitées hôtelières.
Une campagne d'affichage Solibail est prévue dans tous les départements franciliens (hors Paris, qui dispose de son propre dispositif d'intermédiation locative "Louez solidaire"), en bordure de voirie et sur les quais de RER et transiliens. Des encarts publicitaires sont achetés dans la presse (Le Parisien IDF, La Vie, La Croix...) Une campagne digitale est également prévue avec un travail de référencement.
Un kit de communication est mis à disposition des services de l'Etat (préfecture, Drihl...), des associations agréées Solibail, des fédérations (Fapil, fondation Abbé-Pierre...) et de professionnels de l'immobilier (Unpi, SNPI...), comprenant logo, affiches, dépliants, bannières web, infographies, vignettes pour les réseaux sociaux...
Enfin, à côté du site internet dédié solibail.fr, une campagne d'information est lancée via Twitter et Facebook, ainsi qu'une série de courtes vidéo sur dailymotion.
Objectif : expliquer aux propriétaires les avantages de ce dispositif. Ils tiennent en trois mots clés : la sécurité (l'association garantit le paiement des loyers dont le montant est fixé par rapport au prix du marché, et le propriétaire peut bénéficier d'avantages fiscaux allant de 30 à 70% sur les revenus locatifs) ; la simplicité (l'association gestionnaire prend en charge toutes les démarches administratives : choix du locataire, paiement des loyers et des charges et entretien du bien) ; la solidarité (le propriétaire permet à une famille en difficulté de se loger dans des conditions dignes, avec un accompagnement social permettant de se reconstruire).
Valérie Liquet