Habitat - Dalo : huit ans après, toujours 60.000 ménages prioritaires à reloger

Le nombre de ménages déclarés "prioritaires et urgents" au titre du Dalo entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014 et restant à reloger s'élève à 59.502 (37,3% des ménages déclarés prioritaires), dont 51.069 sont hors délai. A l'occasion du 8e anniversaire de la mise en place du droit au logement opposable (Dalo) - et six semaines après la publication de son septième rapport sur la mise en œuvre du dispositif (voir notre article ci-contre du 20 janvier 2015) - le comité de suivi de la loi Dalo revient sur la question. Il publie en effet un "Point sur les chiffres de l'année 2014". A l'occasion de cette publication, le comité de suivi a également adopté une motion lors de sa réunion du 5 mars 2015.

Des écart toujours considérables entre territoires

Compte tenu des très forts écarts territoriaux en matière de difficultés d'accès au logement, le comité classe les départements en trois catégories : 18 départements "à forte activité" (Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Haute-Savoie, Gironde, Hérault, Loire-Atlantique, Nord, Rhône, Var, ainsi que les huit départements de l'Ile-de-France), 30 départements "à activité soutenue" et 52 "à activité modérée).
Sur l'année 2014, le nombre de recours déposés (logement et hébergement) a encore progressé de 6,3%, pour atteindre un total de 96.965. Sur ce total, les départements à forte activité représentent 84.181 recours (87%) et les départements d'Ile-de-France 56.623 à eux seuls (58%). A l'inverse, les 52 départements à activité modérée n'ont enregistré que 1.965 recours (2% du total).
En termes de finalité, 86.086 recours déposés en 2014 concernaient le droit au logement (89%) et 10.879 le droit à l'hébergement (11%). En termes de recours pour 100.000 habitants, les départements de tête sont la Seine-Saint-Denis (783 recours pour 100.000 habitants), le Var (590), Paris (577), le Val-d'Oise (489), le Val-de-Marne (478) et les Hauts-de-Seine (400). Au plan national, la moyenne 2014 est de 149 recours pour 100.000 habitants.

40% de familles monoparentales

A ces écarts géographiques s'ajoutent des écarts temporels. Parmi les départements ayant reçu plus de 400 recours en 2014, certains affichent ainsi une très forte progression sur un an, comme la Haute-Savoie (+65,2%), le Rhône (+25,2%), l'Essonne (+23,4%) ou l'Hérault (+19,9%). A l'inverse, d'autres enregistrent un très net recul par rapport à 2013, à l'image du Vaucluse (-29,8%), de l'Isère (-13,8%), des Pyrénées-Atlantiques (-10,6%) ou de la Côte-d'Or (-10,4%).
Les chiffres 2014 du Dalo proposent également des éléments sur le profil des demandeurs. Près des deux tiers d'entre eux (61%) sont de nationalité française. Leurs revenus se situent majoritairement entre 0,5 et 1 Smic net annuel (34% des demandeurs) ou entre 1 et 1,5 Smic (26%). On compte parmi eux 33% de personnes isolées et 40% de familles monoparentales (pour les recours logement).

Près de 100.000 décisions rendues en 2014

En matière d'activité, les commissions Dalo ont rendu l'an dernier 97.924 décisions, soit une progression de 0,5% par rapport à 2013 et un chiffre légèrement supérieur à celui des recours déposés en cours d'année. Ces décisions se répartissent en 58% de rejets explicites, 34% de décisions favorables (ménages prioritaires et devant être logés ou accueillis), 5% de sans objet (solution trouvée avant le passage en commission), 2% de recours logement réorientés vers l'hébergement et 1% de "sans objet autres" (décès, départ du territoire national...).
En termes de relogement, 28,5% des bénéficiaires d'une décision favorable "prioritaires et urgents" (PU) ont été effectivement logés, ou ont refusé le logement proposé ou n'étaient plus à reloger. Cette moyenne recouvre à nouveau de forts écarts géographique. Dans les départements ayant rendu plus de 1.500 décisions favorables depuis 2008, le pourcentage de ménages PU restant à reloger atteint 55,2% à Paris, 48,2% en Seine-Saint-Denis, 45,6% dans le Val-de-Marne et 42,7% dans le Var.
Enfin, en termes de contentieux, 3.051 recours pour excès de pouvoir ont été déposés en 2014 (dont 68% en Ile-de-France). Cette même année, 2.831 jugements ont été rendus, dont 52% de rejets et 18% de satisfactions. Les recours spécifiques Dalo se sont élevés, pour leur part, à 9.865 et 10.142 jugements ont été rendu à ce titre, dont 7% de rejets et 82% de satisfactions.

"Déterminer des objectifs chiffrés et territorialisés de relogement"

Après avoir présenté ces chiffres lors de sa réunion du 5 mars 2015, le comité de suivi du Dalo a adopté une motion qui constate "une dégradation de la situation" et formule plusieurs propositions. Le comité demande ainsi aux pouvoirs publics de "déterminer des objectifs chiffrés et territorialisés de relogement".
Il remet par ailleurs en cause la formulation de la circulaire du 6 février 2015 visant à la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté adopté le 21 janvier 2013. Evoquant le Dalo, celle-ci indique en effet que "ce droit s'entend au regard de l'offre de logements disponibles qui peut être d'importance et de nature différentes selon les secteurs géographiques". Une présentation non admissible pour le comité de suivi, qui rappelle que le Dalo est un droit et non une faveur. A ce titre, "son accès doit s'envisager indépendamment de la disponibilité de l'offre sur les territoires".
Le même rappel à la loi vaut pour les "propositions de certains élus visant à 'suspendre' la mise en œuvre du droit au logement opposable dans certains quartiers 'sensibles' pour 'éviter de concentrer des populations pauvres'". Le comité s'oppose fermement à de telles propositions et "rappelle que le droit au logement opposable n'est ni une catégorie socioprofessionnelle, ni un indicateur de difficultés sociales et encore moins un niveau de revenus". "Ce ne sont pas des gens sortis des bois !", s'était emporté Frédéric Paul, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat, le 4 mars dernier, lors d'une conférence de presse, "on est en train de leur coller des étoiles jaunes, il faut arrêter !"
Enfin, la motion du comité de suivi du Dalo insiste sur la nécessité de mobiliser davantage le parc privé et demande que la commission associée au comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) devienne "une véritable cellule d'urgence pour l'Ile-de-France, capable d'identifier et de lever les blocages rencontrés dans l'application de la loi".

 

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