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Vingt ans après son lancement, le récolement des dépôts d'oeuvres d'art est toujours en cours

La Commission de récolement des dépôts d'œuvres d'art (CRDOA) publie un rapport intitulé "Vingt ans de récolement de dépôts d'œuvres d'art de l'État". Cette commission a en effet été installée en 1997, après un rapport sévère de la Cour des comptes sur "Les musées nationaux et les collections nationales d'œuvres d'art", qui pointait notamment le manque de traçabilité des dépôts d'œuvre d'art depuis le XIXe siècle. La CRDOA a donc reçu mission d'assurer la traçabilité d'environ 180.000 œuvres d'art appartenant à l'État et confiées à des dépositaires - ministères, préfectures, ambassades, musées de collectivités, communes, églises (avant 1905)... - par différents organismes : Mobilier national, Fonds national d'art contemporain, Centre des monuments nationaux, musées nationaux, Centre national des arts plastiques, Musée national d'art moderne (centre Georges-Pompidou)... Initialement, cette mission devait durer deux ans. Vingt ans après, elle est toujours en cours...

Vingt-cinq postes créés pour le seul récolement

À mi-parcours, en 2007, un rapport de la commission révélait déjà un "taux de perte moyen" d'environ 15%, correspondant à des œuvres dont il n'a pas été possible de retrouver la trace. Le taux d'œuvres détruites - inclus dans ce chiffre - serait de 5%.
D'emblée, il est apparu que "l'importance des collections à récoler a été initialement gravement sous-estimée". La CRDOA ne procède pas elle-même au récolement, mais doit faire en sorte que le déposant "récoleur" s'assure, "sur pièce et sur place", de la présence des dépôts figurant sur ses inventaires. Mais ce principe est battu en brèche à la fois par la faible mobilisation des déposants et par l'insuffisance des inventaires. Sur ce dernier point, la commission précise que le récolement "suppose en premier lieu que les inventaires des collections du déposant aient été parfaitement tenus. Elle implique en outre que les dépôts aient été parfaitement enregistrés". Or le rapport montre "que ces deux conditions ont souvent fait défaut".
Par ailleurs, la commission souligne que "le pilotage des missions de récolement a fait l'objet d'efforts initiaux peu à peu perdus de vue". Pour pallier ces difficultés, le ministère de la Culture a consenti "un effort considérable, dans une conjoncture pourtant marquée par un début de déflation des effectifs de centrale en accordant à la commission, dix ans après sa création, 25 postes de chargés d'étude, répartis entre les établissements, en fonction de l'évolution des chantiers de récolement". Le rapport précise que la gestion de ces effectifs s'efforce aujourd'hui de privilégier les dépôts du Cnap (Centre national des arts plastiques) et de la Manufacture nationale de Sèvres, "dont les opérations de récolement restent encore très lourdes au regard de celles des musées qui étaient censés achever les leurs en 2014".

Un taux de réponse des dépositaires qui s'améliore

Côté positif, le rapport constate que, grâce à un "important effort de précision et de personnalisation des demandes d'enquête", le taux de réponse des dépositaires (ministères, préfectures, communes...) s'est progressivement amélioré, mais au prix d'une lourde charge de travail pour le secrétariat de la commission.
Au fil des ans, la CRDOA a également défini une doctrine sur les œuvres d'art disparues. Elle a notamment précisé les conditions (documentation, importance et rareté de l'œuvre) dans lesquelles un dépôt de plainte par le dépositaire et, à défaut par le déposant, lui parait utile. Sur ce point, le rapport précise que "le recours à cette décision est moins motivé par l'espoir d'une mobilisation des procureurs que par l'inscription de l'œuvre dans les bases des services d'investigation avec lesquels les coopérations se sont renforcées au fil des années".
En revanche, le rapport admet que la mise en place d'une base de données informatique, nécessaire au suivi du récolement, n'est pas encore achevée. En effet, "la diversité des logiciels utilisés par les uns et les autres, et leur non opérabilité rend les coopérations particulièrement difficiles et coûteuses en temps". Le rapport ne donne d'ailleurs pas d'indication sur les perspectives de mise en place de cette base de données. 

Où en est-on du récolement ?

La réponse la plus attendue porte toutefois sur l'état actuel du récolement. Sur ce point, le rapport donne des éléments relativement précis. Ainsi, le Service des musées de France considère que le récolement des dépôts des musées nationaux, hors musées de France, est achevé, de même que pour le Mobilier national. En revanche, la Manufacture nationale de Sèvres n'a pas terminé le récolement de ses dépôts dans six des treize nouvelles régions : Hauts-de-France (sauf Nord), Île-de-France (sauf Yvelines), Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie (sauf Aude et Hérault) et Pays de la Loire.
De même - et "sous réserve du cas des petites communes -, le Cnap estime que son programme de récolement, établi il y a vingt ans, "est proche de son achèvement". Seules deux régions comportent encore des lacunes : Grand Est (où la Meuse était prévue en 2018) et l'Île-de-France, où le récolement de six des sept départements de la petite et de la grande couronne, entamé en 2012, s'est achevé pour les "communes à musées" en 2017. Seuls les Hauts-de-Seine restent à récoler, ainsi que quelques lieux résiduels dans le Val-de-Marne (le bilan n'évoquant pas le cas de Paris).

Le cas des petites communes

En revanche, le rapport précise que "l'exploitation du résultat de ces missions de récolement, qui implique la rédaction des rapports de mission, leur envoi aux dépositaires et la validation des suites, prendra encore un certain temps", sans autre précision.
Reste la question du récolement des dépôts dans les petites communes. Celui-ci "reste à conduire dans de nombreux départements", où il a été achevé pour les principales villes. S'appuyant sur l'expérimentation menée dans le Puy-de-Dôme, la commission estime que "la systématisation de l'information et de la sollicitation des maires préparerait utilement les missions de récolement, quelles que soient ensuite les modalités de l'intervention de personnels locaux ou des agents du Cnap". Mais aucun programme, ni aucune date ne sont encore fixés à ce stade.