Intercommunalité - Villes de France : développer l'intercommunalité sans "tuer" la commune
Les élus de Villes de France, association qui représente les communes de taille moyenne et leurs agglomérations (600 villes et 300 intercommunalités, soit 32 millions d'habitants), se sont dits favorables à des évolutions intercommunales qui préservent la commune et ne soient pas imposées par les pouvoirs publics nationaux. Ils adressaient leur message à l'occasion des septièmes "Rendez-vous de l'intelligence locale" que l'association organisait le 7 avril à Paris.
"Je ne vois pas une France qui n'aurait plus que des intercommunalités", a ainsi estimé Caroline Cayeux, maire de Beauvais, présidente de l'agglomération du Beauvaisis et "patronne" de l'association. Lorsqu'ils sont confrontés à un problème, "les Français se tournent vers leur maire, c'est à lui qu'ils portent leurs doléances !", a-t-elle témoigné. L'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct dans une circonscription plus vaste que la commune, option en débat depuis de nombreuses années, aurait pour conséquence un effacement de la commune et n'est donc pas souhaitable, jugent une majorité des maires des villes moyennes. La déconnexion des élections municipales et communautaires porte en elle un risque de "conflit permanent" entre les élus des deux niveaux, a pour sa part estimé Gilbert Meyer, maire de Colmar et président de la communauté d'agglomération de Colmar. En outre, un tel scrutin conduirait à la création "d'un échelon supplémentaire de collectivité, alors que les échelons sont déjà nombreux", a fait remarquer Gérard Hamel, maire de Dreux et président de Dreux agglomération.
"Le fléchage, ce n'est pas si mal"
L'élection des conseillers communautaires par "fléchage" depuis la liste des conseillers municipaux, modalité de vote utilisée en mars 2014, "n'est pas si mal", a-t-il jugé. Elle s'apparente à un "système patriarcal" et "inégalitaire", a en revanche considéré Daniel Guarrigue, maire de Bergerac. Ce dernier a souligné que les conseillers communautaires des petites communes sont élus par un nombre beaucoup moins élevé d'électeurs que ceux des villes plus grandes. Et il a été le seul à soutenir l'idée d'une élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires à l'échelle du territoire intercommunal.
Comment, en fin de compte, assurer la juste représentation à la fois des électeurs et des territoires ? Pour y parvenir, deux types d'assemblées aux légitimités distinctes sont à envisager, selon Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris et spécialiste de l'intercommunalité : d'une part, une assemblée communautaire élue au suffrage universel direct et, d'autre part, une conférence des maires au sein de laquelle chaque maire dispose d'une voix. Serait-ce la solution pour l'avenir ? Les élus de Villes de France ont semblé assez intéressés.
Au passage, l'avocat a rassuré les élus sur la portée de l'article 22 octies du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) prévoyant que les organes délibérants des communautés sont élus "au suffrage universel direct suivant des modalités particulières fixées par la loi avant le 1er janvier 2017". Selon lui, une telle rédaction rend possible la préservation en 2020 du statu quo (autrement dit le fléchage).
"La proximité doit rester à la commune"
Tout comme les modalités d'élection des conseillers communautaires, la poursuite du transfert des compétences à l'intercommunalité pose la question de la survie de la commune, selon les maires des villes moyennes. En cette matière, il ne faut pas aller trop loin, ont-ils convenu. "Il ne faut pas qu'une intercommunalité soit appelée à tout faire, a estimé Gilbert Meyer. Elle est là pour faire ce qu'une commune ne peut faire seule, en particulier les projets structurants." A l'inverse, "les services de proximité ne doivent pas être la priorité de l'intercommunalité". L'affirmation a fait réagir Charles Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération Val de Loire et de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). Avec des compétences telles que "les poubelles" et "les bus", l'intercommunalité est aussi un échelon de proximité, a-t-il souligné. Sur ce sujet des compétences, les élus des villes moyennes réclament de la souplesse. En clair, le législateur ne doit pas imposer des solutions préconçues à toutes les communautés.
Il doit en être de même pour les périmètres des intercommunalités, estiment les édiles. Autrement dit, imposer un seuil de 20.000 habitants sur tout le territoire, comme l'envisageait le gouvernement l'été dernier, n'a guère de sens pour eux. En réalité, "le périmètre dépend de ce que l'on veut faire faire à l'intercommunalité", selon Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France.
"DGF territoriale" : pas tout de suite !
Avec "l'élection des assemblées communautaires" à l'échelle intercommunale et "des transferts massifs à l'intercommunalité", la commune est en danger. Si en plus, la dotation globale de fonctionnement [DGF] est territorialisée, "ce n'est pas l'euthanasie des communes, mais [leur] mise sous le boisseau", a lancé Jacques Lamblin, député-maire de Lunéville. Avant de conclure : "Dans quinze ans, il n'y aura plus de maires, surtout en milieu rural." L'idée d'attribuer la DGF aux intercommunalités et non plus aux communes est assez peu du goût des maires de villes moyennes. "Le faire aujourd'hui serait dangereux, car cela induit l'élection au suffrage universel direct", a jugé Pierre Méhaignerie. Qui s'est dit cependant favorable à des expérimentations. "Arrêtons les querelles de religions", a réagi Charles-Eric Lemaignen. "La DGF territoriale, ce n'est pas la confiscation de la DGF par l'intercommunalité."
A l'occasion de la rencontre, Villes de France a dévoilé un manifeste de 16 propositions visant à "réformer la réforme des intercommunalités" (en lien ci-contre). L'association y demande à l'Etat de "clarifier ses intentions en matière de regroupements" et d'"abandonner le principe du chiffrage" ("1.000 EPCI d'ici 2016"). Par ailleurs, pour "faciliter le pilotage" des communautés, elle préconise de permettre au maire de la ville-centre de siéger de droit avec voix délibérative au bureau communautaire. S'agissant de la DGF territoriale, elle propose de conditionner son adoption et ses modalités de répartition à un accord de l'assemblée délibérante de l'EPCI à la majorité qualifiée des communes membres, avec obligatoirement l'approbation de la ville-centre.