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Vie chère en outre-mer : l'octroi de mer pointé du doigt

Les prix des produits de grande consommation en outre-mer restent très supérieurs à ceux pratiqués en métropole. Dans un avis du 4 juillet 2019, l'Autorité de la concurrence émet plusieurs recommandations pour réduire ces écarts, dont le développement du commerce en ligne, et une réflexion sur les paramètres de l'"octroi de mer". Cette taxe constitue la principale source de financement des collectivités ultramarines mais elle est aussi l'une des premières causes des prix élevés.

Développer le commerce en ligne, qui est très en retard, travailler sur une évolution des paramètres de l'octroi de mer et renforcer les boucliers qualité-prix. Ce sont les principales recommandations avancées par l'Autorité de la concurrence pour lutter contre la cherté de la vie en outre-mer. Saisie en juin 2018 sur cette question, l'autorité a mesuré les écarts de prix à la consommation entre l'outre-mer et la métropole. Et ces prix y sont en général entre 7% et 12,5% plus élevés, jusqu'à 38,5% pour les seuls produits alimentaires en Martinique (+32,9% pour la Guadeloupe, +33,9% pour la Guyane). Mais les records sont enregistrés pour les boissons alcoolisées et le tabac : des écarts de 50,4% à Mayotte par rapport à la métropole notamment…

L'octroi de mer en question

Les raisons de ces inégalités sont multiples. L'octroi de mer, qui correspond à une taxe spécifique aux territoires ultramarins portant sur les produits importés, et à des taux moins élevés, sur les produits locaux, en est en partie responsable, constate l'autorité. Son taux est déterminé par les collectivités, dont c'est la principale ressource financière. Or, "le taux d'octroi de mer varie fortement selon les produits (de 0% à un taux maximal de 60%), détaille le rapport de l'Autorité de la concurrence. En outre, au sein d'une même catégorie de produits, il existe une multiplicité de cas de figure : cinq lignes différentes pour les eaux consommables par exemple en Guadeloupe dans la grille des taux 2019.
La taxe pèse donc lourd sur le prix des produits du quotidien. Non seulement elle s'avère très complexe mais elle rate sa cible. Si elle était initialement censée frapper les produits importés pour favoriser la production locale, il s'avère qu'elle porte aussi sur des produits importés qui n'ont pas d'équivalents sur place. D'où l'idée proposée par l'Autorité de la concurrence de mener un travail conjoint avec les collectivités d'outre-mer sur une évolution des paramètres de l'octroi de mer dont le régime a été autorisé au niveau de l'Union européenne jusqu'au 31 décembre 2020. "La question de l’opportunité de renouveler l’octroi de mer et/ou de revisiter ses modalités constituera un choix déterminant pour le gouvernement dans la lutte contre la vie chère", indique l'autorité dans son rapport, sachant que la suppression de cette taxe poserait logiquement la question du financement des collectivités territoriales ultramarines…

De nombreux obstacles au commerce en ligne

Autre constat : le commerce en ligne accuse un retard important du fait de nombreux obstacles : frais et délais de livraison importants, difficultés de retourner un produit, complexité du service après-vente, taxes douanières, dont l'octroi de mer… L'Autorité de la concurrence propose d'en faciliter l'accès.  La ministre des Outre-Mer, Annick Girardin, a annoncé qu'elle entendait agir sur ce point "d'ici novembre 2019". Elle entend aussi travailler avec les collectivités "sur une évolution des paramètres de l'octroi de mer".
Le gouvernement veut par ailleurs travailler sur les "boucliers qualité-prix" qui ont été mis en œuvre sous le quinquennat de François Hollande. Ces boucliers correspondent à des paniers de produits de consommation courante vendus à prix réduits. Une négociation annuelle entre les différents acteurs économiques concernés, sous le contrôle du représentant de l'État, permet ainsi d'obtenir un accord de modération du prix global d'une liste déterminée de produits de consommation courante. Exemple à Mayotte, où 22 produits constituent le "panier santé" qui a un prix plafond de 63 euros. Pour renforcer ce principe de bouclier qualité-prix, le gouvernement compte créer trois paniers de produits distincts (produits alimentaires, petite enfance, hygiène) et améliorer la lisibilité de ces outils. L'ensemble de ces mesures doivent être définies et évaluées en lien avec les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) a indiqué le ministère des Outre-Mer dans un communiqué du 4 juillet, et les groupes de participation citoyens qui ont été installés dans chaque région d'outre-mer.