Développement des territoires - Outre-mer : le Sénat adopte la prolongation de l'octroi de mer jusqu'en 2020
Le Sénat a adopté, jeudi 7 mai, le projet de loi qui vise à prolonger l'octroi de mer jusqu'en 2020. Le texte présenté en Conseil des ministres, le 25 mars, transpose une décision du Conseil européen du 17 décembre 2014 qui avait accepté la prorogation de cinq ans de ce dispositif dérogatoire au droit communautaire. L'octroi de mer consiste en effet à permettre aux régions ultramarines (Guadeloupe, Martinique, Guyane, la Réunion), ainsi qu'au conseil général de Mayotte, de pratiquer des différences de taxes (réductions ou exonérations) sur les productions locales, à partir d'une liste de produits prédéfinie en fonction des besoins. Il permet dans le même temps de pratiquer des sortes de droits de douanes sur les produits d'importations. Outre ce soutien à l'économie locale, l'octroi de mer - héritier d'une vieille taxe datant du XVIIe siècle - constitue une manne importante pour les collectivités locales. En 2014, il leur a rapporté 1,146 milliard d'euros, d'après l'exposé des motifs du texte. Ce qui représente, selon George Pau-Langevin, environ 40% de leurs ressources. La ministre des Outre-Mer a ainsi rappelé devant le Sénat que la balance commerciale de ces régions est "structurellement déficitaire", les exportations représentant entre 1 et 18% des importations.
Abaissement du seuil d'assujettissement
Par rapport au régime qui prévalait depuis 2004, le projet de loi a introduit plusieurs modifications notamment un abaissement du seuil d'assujettissement sur les entreprises qui produisent localement. A la demande de l'Union européenne, le seuil passe de 550.000 euros de chiffre d'affaires à 300.000. Au-delà de ce seuil, les entreprises locales devront acquitter l'octroi de mer mais à des taux préférentiels. L'abaissement aura pour effet d'augmenter le nombre d'entreprises assujetties et, dans le même temps, d'accroître les recettes des collectivités. C'est toute l'ambiguïté de ce dispositif qui jongle entre recettes fiscales et soutien au développement local.
Une autre difficulté est apparue : celle de la taxation des biens permettant d'assurer les missions des services de l'Etat. Le projet de loi donne la possibilité aux collectivités régionales et à Mayotte d'exonérer ces biens à leur convenance. A contrario, elles peuvent donc les taxer. Auteur d'un amendement non adopté visant à exonérer ces importations et à compenser le manque à gagner pour les collectivités par une majoration de dotation globale de fonctionnement, l'UDI Joël Guerriau (Loire-Atlantique) a mis en garde contre un "frein majeur au renouvellement et à l'entretien des matériels nécessaires à la bonne marche du service public alors même que les budgets s'inscrivent dans une baisse généralisée".
Le sénateur socialiste de Guyane Georges Patient a dénoncé l'effet des déséquilibres commerciaux entre sa région et les Antilles. Constituant ensemble un marché unique, les trois régions ne pouvaient pas jusqu'ici s'appliquer des taxes entre elles, autres que la TVA. "Les consommateurs guyanais paient pour les collectivités antillaises !", a résumé le sénateur. Sur la base d'un accord trouvé entre les trois collectivités, un amendement gouvernemental est venu corriger cette injustice fiscale : une liste de produits taxés comme s'ils venaient de l'extérieur sera arrêtée.
Placé en procédure accélérée, le texte passe maintenant entre les mains de l'Assemblée. Le nouveau dispositif est appelé à entrer en vigueur au 1er juillet 2015.
M.T.
Référence : projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.