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Développement local - Vers une meilleure protection des indications géographiques à l'international

En pleine négociation sur le traité de libre échange transatlantique (Tafta), c'est un acte qui devrait mettre du baume au cœur des défenseurs des indications géographiques. Le 21 mai à Genève, après six ans d'intenses discussions, les 28 membres de "l'Arrangement de Lisbonne" ont en effet décidé d'étendre le mécanisme de protection des appellations d'origine aux indications géographiques. Ce qui permettra notamment de mieux protéger, lors des négociations internationales, roquefort, pruneaux d'Agen, jambon de Bayonne, et autre whisky écossais, thé Darjeeling ou café de Colombie…
"L'Acte de Genève introduit formellement les IG dans son champ d'application et offre un niveau solide de protection tant pour les IG que pour les appellations d'origine", se réjouit l'ONG oriGin, qui s'est mobilisée dans ces négociations. Appellations d'origines et IGP sont d'ailleurs très proches. Seule différence : le critère géographique est plus strict dans le cadre des appellations.
"La révision de l'Arrangement de Lisbonne est une véritable reconnaissance internationale de la pertinence du concept d'indication géographique", se sont pour leur part félicités le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et le secrétaire d'Etat au Commerce extérieure, Matthias Fekl, dans un communiqué commun. Il s'agit selon eux d'une "avancée historique", "un encouragement à poursuivre cette démarche dans le cadre des négociations commerciales entre l'Union européenne et ses partenaires (Etats-Unis, Japon, Vietnam) et à l'Organisation mondiale du commerce". A noter que l'Arrangement de Lisbonne, signé en 1958 mais entré en vigueur en 1966, ne dépend pas de l'OMC mais de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) basée à Genève. Or les Etats-Unis ne sont pas signataires de l'Arrangement de Lisbonne.

Terroirs contre marques commerciales

Aujourd'hui, ce qui préoccupe les partisans des indications géographiques, notamment les élus locaux, c'est bien le traité transatlantique. Les Etats-Unis ne reconnaissant par les terroirs mais uniquement les marques commerciales, le rapport de force est engagé. "Autant nous pouvons faire coexister ces deux systèmes, comme cela a toujours été le cas en Europe, autant nous ne sacrifierons pas nos indications géographiques au profit de quelques firmes multinationales", avaient assuré les deux ministres français, dans une tribune parue dans Le Figaro début mars.
L'Acte de Genève est pour eux le succès d'une "diplomatie de terroirs" qui a déjà prévalu lors de négociations avec la Corée du Sud, l'Amérique centrale, le Pérou, la Colombie, ou plus récemment le Canada. Sauf que l'accord de libre échange signé entre l'Union européenne et le Canada, le Ceta (qui a fait beaucoup moins couler d'encre que le Tafta) reconnaît 175 d'indications géographiques européennes, dont à peine 42 produits français ! Or la position de l'Union européenne manque de clarté. Dans un document de négociation publié en début d'année, la Commission européenne avait souligné la nécessité "d'avoir des règles d'origine plus simples qui peuvent être facilement comprises et appliquées, des procédures pour s'assurer que nous appliquons des règles efficaces pour limiter les fraudes". Seulement, dans la foulée, le ministre allemand de l'Agriculture avait lâché dans les colonnes du Spiegel qu'il ne serait plus possible de "protéger chaque type de saucisse et de fromage comme une spécialité"…
En l'absence de position claire en Europe, l'Acte de Genève apporte une sécurité supplémentaire. Selon le Mexicain Ramón González Figueroa, président d'oriGIn et directeur général du Consejo regulador del tequila (CRT), "en fournissant les moyens juridiques adéquats pour lutter contre les infractions commises à l'encontre IG, l'Acte de Genève améliorera la sécurité juridique et la prévisibilité pour les producteurs et les consommateurs de produits d'origine autour du monde". En assouplissant les règles, l'acte devrait aussi attirer davantage de membres.