Vers un statut du bailleur privé : les lignes bougent

Alors que la crise du logement s’aggrave, les pouvoirs publics et acteurs du secteur accélèrent leur réflexion sur la création d’un statut du bailleur privé. Entre la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale, la mission parlementaire en cours et les pistes dévoilées jeudi 17 avril par l’Union nationale des propriétaires immobiliers, l’idée de reconnaître pleinement ce rôle clé du logement semble désormais faire consensus.

Les fondations du statut du bailleur privé commencent à se dessiner. En France, le parc locatif privé représente 23% des ménages logés, soit davantage que le parc social. Pourtant, les propriétaires bailleurs, notamment particuliers (76% des 5 millions de bailleurs), sont encore rarement considérés comme des acteurs à part entière du logement. Un "regard à changer" que défend aujourd’hui l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi), qui vient de remettre à la ministre déléguée au Logement, Valérie Létard, un rapport prônant un "dispositif fiscal universel des revenus locatifs" et un "statut pour les foncières intermédiaires des territoires" (à télécharger ci-dessous).

Un cadre fiscal simple et universel

L’Unpi préconise de simplifier et d’uniformiser la fiscalité des revenus locatifs. Le cœur de la proposition repose sur un mécanisme d’amortissement du bien immobilier, permettant une déduction de 80% de sa valeur sur 40 ans, soit 2% par an (ce qui permettrait aux propriétaires de payer moins d’impôts en déduisant une partie de la valeur du logement), et de 100% des gros travaux sur 20 ans. Ce système, plus lisible et applicable à la location nue comme meublée, offrirait selon l’Unpi un gain net de rendement pour les bailleurs (jusqu’à 1%) tout en coûtant moins cher à l’État que les dispositifs actuels. 

En remplaçant ces derniers, l’Unpi estime que les niches fiscales, les effets d’aubaine et les pertes de recettes liées aux dispositifs dérogatoires pourraient être réduits. D’autant que les bailleurs qui choisiraient ce nouveau régime ne pourraient pas cumuler d’autres aides (subventions, exonérations…), évitant de fait les effets de double avantage fiscal. Par ailleurs, au bout de 10 ans, ce qui a été amorti serait réintégré dans le prix de revient du bien, ce qui permettrait, lors de la revente ou au changement de locataire, de récupérer une base fiscale plus élevée. Enfin, l’Unpi considère que ce régime générerait plus de recettes fiscales indirectes en rendant l’investissement locatif plus attractif.

“Les bailleurs privés doivent être reconnus comme des producteurs de services au logement", a estimé Sylvain Grataloup, président de l’Unpi, entouré de Bruno Brosset, administrateur de l’Unpi, Hugues Martin, avocat fiscaliste chez Fiducial, et Jean-Marc Torrollion, administrateur de l’Unpi 69 & Métropole de Lyon. Tous appellent à ce que les actions des bailleurs privés soient considérées comme utiles à la société, au même titre que celles des bailleurs sociaux, afin de les encourager à rester sur le marché de la location… ou à y revenir. 

En parallèle, un statut des foncières intermédiaires offrirait une reconnaissance et des avantages fiscaux aux structures patrimoniales professionnelles, sur des critères financiers et juridiques stricts : patrimoine immobilier imposé à l’impôt sur les sociétés, chiffre d’affaires minimum, obligations d’investissement dans le logement, formation des dirigeants, engagement en responsabilité sociale… En échange, ces structures bénéficieraient d’avantages fiscaux, tels que des exonérations d’impôt sur la fortune immobilière.

Proposition de loi et mission parlementaire

À l’Assemblée nationale aussi, la question du statut du bailleur privé remue les méninges. La proposition de loi déposée le 1er avril par Charles de Courson (à consulter) a été renvoyée à la commission des finances pour examen. Ses objectifs principaux : la création d’un cadre juridique stable et incitatif pour les bailleurs privés, l’instauration d’un régime fiscal universel en vue de rendre l’investissement locatif plus attractif et lisible pour les propriétaires, mais aussi l’établissement de mesures pour sécuriser les relations locatives, notamment en facilitant la gestion des impayés et en encadrant les visites de contrôle du logement. Certaines mesures envisagées dans la proposition de loi résonnent fortement avec celles proposées par l’Unpi : amortissement fiscal du bien immobilier, et déduction des charges et travaux notamment. 

En parallèle, les conclusions de la mission confiée par Valérie Létard, Éric Lombard (ministre de l’Économie) et Amélie de Montchalin (ministre chargée des comptes publics) au député démocrate Mickael Cosson et au sénateur LR Marc-Philippe Daubresse, devraient être rendue d’ici l’été en vue de nourrir le projet de loi de finances 2026. Cette mission visant à "imaginer un investissement locatif rentable et attractif", tel que l'avait décrite Valérie Létard en mars au Mipim, aurait vu son objet quelque peu élargi. Selon l'agence AEF qui a pris connaissance du courrier des ministres, il s'agit en effet plus largement pour les deux parlementaires de "porter une appréciation d’ensemble sur le rôle joué par la fiscalité dans le dynamisme de l’offre de logements de longue durée – neufs et anciens –, la fluidité et la bonne orientation du marché immobilier, en vue de répondre aux objectifs de la politique du logement en matière d’accès et de qualité de l’offre locative". 

Des travaux parlementaires sur lesquels l’Unpi compte d’ailleurs peser en communiquant son rapport aux élus concernés. De nouveaux échanges avec la ministre devraient par ailleurs avoir lieu dans les prochaines semaines. "Ce qu’on voudrait c’est qu’il y ait une réunion avec un maximum d’acteurs du logement autour de ces propositions qui ne sont pas 'pro-propriétaires', mais visent à relancer la politique du logement grâce à la propriété et à ceux qui constituent l’essentiel du parc locatif. Faisons en sorte de valoriser tout cela dans l’intérêt de tous !", conclut Sylvain Grataloup. 

 

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