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Transports - Vélo'v de Lyon : 10 ans après, plus de vélo mais aussi plus de pub

Lancé en mai 2005, Vélo'v, le système lyonnais de vélos en libre-service financé par les panneaux publicitaires, a fait figure de pionnier en France. Mais s'il a servi de fer de lance au développement du vélo en ville, il ne couvre encore que quatre communes sur les 59 que compte le Grand Lyon. Et son système de financement, s'il ne coûte rien à la collectivité sur le papier, pousse à une multiplication de la publicité dans l'espace public.

Lyon a fêté le 30 mai les 10 ans de son Vélo'v, premier système de vélos en libre-service à voir le jour à l'échelle d'une grande métropole en France. A cette occasion, 1.824 habitants du Grand Lyon ont réussi à relever le défi de la montée de la colline de Fourvière avant de déguster, place Bellecour, un gâteau d'anniversaire géant.
C'est en 2004, au moment où le contrat de mobilier urbain de la ville arrivait à échéance qu'a germé l'idée du Vélo'v. "Le maire Gérard Collomb me dit : va regarder JCDecaux, ils proposent des vélos", raconte Gilles Vesco, en charge des nouvelles mobilités urbaines à la métropole de Lyon. Le concept : proposer des vélos en libre-service financés par les panneaux publicitaires. A l'époque, le système était déjà installé à Vienne ou à Oslo mais à petite échelle. Dans les pas du pionnier La Rochelle, Lyon se lance en 2005 et devient le premier programme d'envergure avec 2.000 vélos. Dix ans plus tard, leur nombre a doublé et Vélo'v compte 60.000 abonnés longue durée et 800.000 ponctuels. Depuis 2005, 64 millions de trajets ont été effectués sur les vélos rouges estampillés Vélo'v.
En 2007, Paris a suivi avec 20.000 vélos et 280.000 abonnés annuels aujourd'hui, selon JCDecaux. Aujourd'hui, plus de 900 villes dans le monde ont mis en place ce service, selon Gilles Vesco. JCDecaux le gère dans 70 villes, ailleurs des modèles de financement plus classiques se sont imposés.

"Effet de levier"

Vélo'v a produit "un effet de levier fantastique pour le trafic vélo en ville qui s'est multiplié par trois en 10 ans à Lyon et Villeurbanne. En 2014, il a progressé de 22% dans ces deux villes, quand celui du Vélo'v n'a augmenté que de 17%. Vélo'v a donc servi de sas à l'acquisition de vélos", se félicite Gilles Vesco. Il a "permis de rendre le cycliste plus visible en ville et de mettre des gens en masse sur les pistes cyclables", confirme Florence Padié, de Pignon sur Rue, association de promotion du vélo dans l'agglomération lyonnaise. Le nombre de pistes cyclables a également augmenté de plus de 200 kilomètres depuis une quinzaine d'années. Aujourd'hui, l'agglomération compte 614 kilomètres de réseau.
Malgré cet incontestable succès populaire, "Vélo'v ne répond pas aux besoins de tous les cyclistes, d'abord parce qu'il n'est présent que sur quatre communes de l'agglomération", pointe Florence Padié. Lyon, Villeurbanne, Caluire et Vaulx-en-Velin sont en effet les seules - sur 59 que compte le Grand Lyon - à disposer du service. De plus," la politique cyclable du Grand Lyon ne doit pas se limiter au vélo libre-service", relève encore l'association Pignon sur Rue. Car il y a des problèmes : des pistes cyclables discontinues que signalent plusieurs associations de promotion du vélo ; un déficit de signalisation (très peu de panneaux blancs et verts directionnels) et un manque de "volontarisme politique", ajoute Florence Padié. Selon elle, "Lyon reste bien loin derrière Strasbourg ou Bordeaux". En effet, 5% des déplacements dans le Grand Lyon se font en vélo qui reste le moyen de transport le moins utilisé derrière la voiture, la marche ou les transports en commun, selon une estimation de l'agglomération. A titre de comparaison, le vélo est utilisé dans 15% des déplacements dans le centre de Strasbourg et dans 8% de ceux de l'agglomération, a indiqué à l'AFP l'Eurométropole de Strasbourg.

Chère publicité…

Avec le système JCDecaux, "les vélos sont financés par les panneaux urbains", explique Albert Asseraf, directeur général en charge de la stratégie du groupe français d'affichage et de mobilier urbain. "Ce modèle ne coûte rien à la collectivité ni à l'usager, grâce à la pub", souligne-t-il. Sur le papier, effectivement. Sauf qu'avec un tel dispositif, les collectivités se passent d'une partie de la généreuse redevance publicitaire, en l'occurrence 50 millions d'euros pour le Grand Lyon sur le contrat 2005-2017, sur une redevance totale de 68 millions, détaille Gilles Vesco. Et "s'ils nous avaient facturé les coûts réels, ils nous auraient missionné 100 millions", ajoute-t-il. Car les frais de gestion d'un Vélo'v se sont avérés pratiquement deux fois supérieurs (2.000 euros/an) à ceux prévus initialement. Et rien qu'à Lyon, 700 à 800 vélos sont à remplacer chaque année, sur un parc de 4.000 ! De plus, le système a conduit à une multiplication des panneaux publicitaires, due certes à l'élargissement du réseau de transport en commun, mais aussi aux contreparties du contrat Vélo'v. En 10 ans, on est passé de 800 abribus avec publicités à 1.500. "Il fallait bien libérer de l'espace à JCDecaux pour qu'ils s'y retrouvent", justifie Gilles Vesco.

Et demain ?

L'avenir dira si ce modèle économique est viable. Pour Lyon, JCDecaux ne donne aucun détail, et à Paris, "le contrat est à l'équilibre". A l'occasion des 10 ans du Vélo'v lyonnais, le 30 mai,  le groupe a présenté le prototype d'un vélo à assistance électrique et un Vélo'v à dérailleur automatique. Le contrat arrivant à échéance en 2017, JCDecaux pourrait en profiter pour le renégocier durement, Lyon ayant eu la chance d'avoir été le premier à signer avec des frais sous-évalués. De son côté, la métropole a aussi quelques desiderata : bénéficier de 1.000 vélos et 100 stations en plus dans des villes de la première couronne et électrifier le service. Une amélioration destinée à inciter les seniors, qui ne représentent aujourd'hui que 2% des utilisateurs.

 

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