Varenne agricole de l’eau : le décret controversé sur les volumes hivernaux prélevables est paru

Annoncé en conclusion du Varenne agricole de l’eau, le décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux, c’est-à-dire hors étiage, paru le 30 juillet, exacerbe les clivages entre monde agricole, associations de protection de la nature et collectivités.

Loin de faire l’unanimité, le décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux, sujet à controverse lors de sa phase de consultation publique (voir notre article du 15 mars 2022) a été publié le 30 juillet dernier. Il reprend l’une des décisions prises en clôture des travaux du "Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique" (voir notre article du 2 février 2022), d’ajouter réglementairement - en complément au décret n° 2021-795 du 23 juin 2021 - dans un nouvel article R. 211-21-3 du code de l'environnement une dimension d’évaluation des volumes qui pourraient être encore rendus disponibles aux usages anthropiques "en dehors de la période de basses eaux" dans le respect du bon fonctionnement des milieux.
Il répond également à l’objectif du Varenne de consolider le rôle du préfet coordonnateur de bassin puisqu’il sera désormais chargé de piloter et coordonner - comme c’est déjà le cas en période d’étiage - une stratégie d’évaluation des volumes prélevables hors période de basses eaux, "dans le respect des équilibres naturels et des objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage)".
Le texte précise par ailleurs que le programme de retour à l’équilibre issu d’une concertation locale, peut être joint au dossier de demande même si cette concertation n’est pas finalisée au moment où le dossier est déposé. L’instruction de la demande et la décision d’autorisation unique de prélèvement  (AUP) pourront donc tenir compte d’un programme de retour à l’équilibre même si les concertations ne sont pas définitivement abouties. Les missions données à l'organisme unique de gestion collective (OUGC) dans le texte initial en la matière sont néanmoins supprimées ainsi que l’intervention du préfet. 

Détricotage du décret de juin 2021

Les réactions au texte montrent "un clivage net", souligne le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires dans les motifs de la décision joints à la consultation, entre "les favorables au développement du stockage hivernal" - globalement le monde agricole - et "les favorables au changement de pratiques pour l’adaptation à la non-disponibilité de l’eau et au respect du fonctionnement du cycle de l’eau". C’est le cas de France Nature Environnement (FNE) et plusieurs autres associations (Réseau Action Climat, UFC-Que Choisir) ainsi que la Confédération paysanne et la Fédération nationale de l'agriculture biologique, qui dénoncent un "détricotage" de réglementations récemment édictées et de l’équilibre trouvé lors des Assises de l’eau.
Parmi les opposants, l’UFC-Que Choisir pointe le "camouflage d’une privatisation de l’eau au profit d’une catégorie ultra minoritaire d’agriculteurs irrigants". La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) regrette également la rupture de l’équilibre trouvé par le décret de juin 2021, d’autant que durant le Varenne les contributions scientifiques "ont plutôt renforcé l’idée que si les retenues d’eau n’étaient pas à exclure, c’était prioritairement vers la transition agroécologique, les solutions fondées sur la nature, les économies d’eau que se trouvaient les pistes de résilience de l’agriculture", relève-t-elle. 

Une méthodologie pas encore disponible

La FNCCR insiste en outre sur la nécessité de mieux définir les périodes, de fixer des principes méthodologiques et les critères à prendre en compte pour déterminer ce volume prélevable, ainsi que de systématiser l’acquisition des données de prélèvements et de tenir compte du changement climatique dans les évaluations. Un volet prospectif complète le décret qui fait ainsi mention, dans sa version finale, des "résultats d'études relatives aux effets prévisibles du changement climatique", fait valoir le ministère.
Le texte fait également référence aux "statistiques hydrologiques disponibles pour le bassin ou le sous-bassin". Ces données, en particulier sur les prélèvements, sont souvent "très lacunaires", remarque toutefois la FNCCR, déplorant à cet égard le manque d’ambition du texte. Quant à la marche à suivre, le ministère fournit une réponse assez sommaire là aussi : "si de telles évaluations sont réalisées, elles le sont dans les mêmes conditions d’encadrement méthodologique et de gouvernance que les études de volumes prélevables à l’étiage". Or il justifie par ailleurs son choix de ne pas rendre obligatoire la définition d’une stratégie pour les volumes hors périodes de basses eaux notamment car "la méthodologie permettant une évaluation correcte n’existe pas encore pour les eaux de surface". Les études d’évaluation "engendreront des coûts significatifs pour l’État", admet-il également. 

 
Référence : décret n° 2022-1078 du 29 juillet 2022 relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux, JO du 30 juillet 2022, texte n° 54.