Congrès AMF - Union sacrée pour faire sauter les verrous du financement des services publics
Voir les élus locaux, les parlementaires et les Etats filer l'entente parfaite n'est pas si courant. Sur les services publics, tous sont parvenus à accorder leurs violons pour peser davantage face à la Commission européenne, qui poursuit son travail de révision des règles européennes de financement des services publics locaux (paquet Monti-Kroes devenu paquet Almunia).
"On a entendu les critiques"
Dans une lettre datée du 16 novembre et adressée au directeur général à la Concurrence, sept Etats (France, Allemagne, Autriche, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Hongrie) dressent l'inventaire des lacunes repérées dans les propositions de Bruxelles formulées deux mois plus tôt. La France semble avoir largement inspiré ses six homologues, lorsqu'il s'agit, par exemple, d'élargir au secteur culturel le régime de financement public proposé pour l'ensemble des services sociaux. Le but est de les exempter des contrôles d'aides publiques effectués par Bruxelles, quel que soit le montant de la subvention.
Les Etats cherchent aussi à assouplir au maximum les règles entourant les aides de faible montant (de minimis). Leur calcul ne devrait pas être annuel mais être étalé sur trois ans. Les critères limitatifs (chiffre d'affaires du prestataire limité à 5 millions d'euros, commune inférieure à 10.000 habitants) mériteraient d'être retirés du texte, afin de ne pas rendre les facilités administratives propres aux aides de minimis inapplicables dans les faits. Le verrou lié à la taille de la commune ne devrait pas avoir de mal à sauter. "On a entendu les critiques", a fait savoir Carles Esteva Mosso, fonctionnaire européen en charge de la concurrence, le 22 novembre au Congrès des maires, dans le cadre d'un atelier initulé "le maire, les services publics et l'Europe".
Michel Barnier sollicité
D'autres propositions sont contestées par les gouvernements, comme la consultation obligatoire de la population visant à "démontrer la réalité d'un besoin de service public" ou les "mesures incitatives" pour s'assurer de la qualité du service rendu. Si le prestataire ne remplit pas ses objectifs, la Commission européenne proposait par exemple de diminuer le montant de la subvention initialement prévu. Pour la France et les Etats qui ont cosigné le texte, la Commission outrepasse ses compétences. "Juger de l'efficience" des opérateurs de services publics relève de la Cour de justice de l'UE, rappellent-ils.
Pendant que les services du commissaire Almunia peaufinent leurs textes, les parlementaires européens préparent une nouvelle offensive : "La distinction entre aide d'Etat (interdite par principe, ndlr) et compensation de service public (autorisée sous certaines conditions, ndlr) est sujette à interprétation, où se loge donc de l'insécurité juridique", estime Françoise Castex, eurodéputée socialiste. Une nouvelle législation, cette fois-ci négociée et votée par les Etats et le Parlement européen, serait selon elle nécessaire. L'initiative reviendrait alors à la direction générale au marché intérieur, emmenée par le commissaire Michel Barnier.
Là encore, les alliés ne manquent pas. La France semble prête à se rallier à cette approche, tout comme le Comité des régions, qui en fait officiellement la demande. Dans un avis signé par Karl-Heinz Lambertz (actuel ministre belge), l'institution "demande à la Commission de formaliser la clarification des notions clés, qui ne sont pas définies par le Traité, au moyen d'une proposition de règlement".
Interrogé sur ce sujet, le commissaire Barnier se montre très prudent. Pas question de froisser son collègue de la très puissante direction générale à la concurrence Joaquín Almunia : "Les aides d'Etat liées aux missions de service public doivent être traitées dans le paquet Monti-Kroes", s'est-il borné à rappeler.