Mois de l'économie sociale et solidaire - Une "utilité sociale" difficile à mesurer
Evaluer leur chiffre d’affaires, les entreprises savent faire. Mais comment mesurer l’utilité sociale des organisations, leur apport à la lutte contre l’exclusion, la démocratie ou encore l’environnement ? "Nous, les collectivités territoriales, nous en avons besoin, car cela permet d’évaluer nos politiques publiques", souligne Marie Meunier-Polge, conseillère régionale du Languedoc-Roussillon déléguée à l’économie sociale et solidaire (ESS). Pour ce dernier secteur également, l’enjeu prend de l’importance. Une conférence a ainsi été proposée sur ce thème à la convention des entreprises de l’économie sociale, Coventis, organisée pour la troisième année à Montpellier, les 2 et 3 décembre. Car si les associations, coopératives, mutuelles et fondations peuvent se targuer d’offrir près de 10% des emplois français, il leur reste à prouver qu’elles constituent bel et bien une économie au service de la société. Evaluer l’utilité sociale de ces organisations, "cela leur donne du sens" en interne, et permet de convaincre au dehors les bénévoles, les donateurs ou les pouvoirs publics, comme l’a souligné l’économiste Henry Noguès. Il reste que cette mesure s’avère complexe.
Méthodologie
En 2005, la chambre régionale de l’économie sociale (Cres) de Languedoc-Roussillon a initié une méthodologie en lien avec l’association Culture et promotion. Elle invite les entreprises à s’auto-évaluer, en associant leurs parties prenantes, des usagers jusqu’aux pouvoirs publics. Après avoir défini leurs propres critères d’utilité sociale, les organisations ont à mettre au point des indicateurs correspondants. Par exemple, si une coopérative entend favoriser l’égalité professionnelle, elle peut choisir de mesurer, notamment, sa proportion d’emplois féminins… Il reste alors à rassembler les données et à les analyser. "Cela demande un investissement et un temps importants", reconnaît Sylvie Catelan, qui travaille sur cette évaluation pour les coopératives d’activité et d’emploi de Coopérer pour entreprendre Grand Sud.
Afin de démontrer l’utilité que peuvent avoir les médiateurs sociaux, cinq structures locales ont également décidé de mettre au point, avec deux chercheurs, leur propre auto-évaluation, comme l’a expliqué Laurent Giraud, directeur de France médiation. Ces services apportent-ils donc de la tranquillité publique ou encore de la cohésion sociale ? Leur travail a permis de répondre par l’affirmative en mettant en avant, par exemple, une baisse de 34% du sentiment d’insécurité ou de 50% du coût des dégradations dans les transports urbains… "C’est une démarche complexe qui nécessite beaucoup d’investissement", prévient cependant Laurent Giraud.
"On a toujours du mal à mettre en place avec nos interlocuteurs tout ce qui concerne l’évaluation", reconnaît Jérôme Faure, chargé de l’ESS à la direction générale à la Cohésion sociale (DGCS). "L’utilité sociale reste la mesure inconnue de l’économie sociale…" A ses côtés, le directeur général adjoint des services de la région Languedoc-Roussillon, Alain Cottet, opine : "Il nous faut des outils très simples, et pour l’instant, nous ne les avons pas." En attendant, le député du Nord Francis Vercamer a pu livrer un encouragement : depuis la remise de son rapport sur l’économie sociale et solidaire en avril, il sent poindre "une prise de conscience de l’Etat et du gouvernement" de l’importance de ce secteur. Ce qui, malheureusement, ne se mesure pas.