Archives

Risques - Une ordonnance clarifie le régime juridique des canalisations de transport de matières dangereuses

Une ordonnance du 27 avril 2010 harmonise les dispositions relatives à la sécurité et à la déclaration d'utilité publique des canalisations de transport de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques. Prise sur le fondement de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (art. 49), cette ordonnance vise à clarifier et à harmoniser le régime juridique du transport par canalisations de matières dangereuses qui repose aujourd'hui sur pas moins de huit lois, complexes, hétérogènes et généralement anciennes, relève le rapport au président de la République.

Les réseaux de transport de produits dangereux, qui s'étendent sur 50.000 km (36.500 km pour le gaz, 9.800 km pour les hydrocarbures et 3.900 km pour les produits chimiques), "représentent le moyen de transport le plus sûr et le plus respectueux de l'environnement" mais comportent également des "enjeux majeurs en matière de sécurité", note le rapport de présentation. Il s'agit en particulier de réduire les risques d'accidents dus à des travaux "tiers" à proximité des canalisations en service, responsables des deux tiers des fuites ainsi que de la quasi-totalité des ruptures complètes. Outre un volet relatif à la sécurité, le texte entend assurer une meilleure articulation, par référence à ceux existant dans le domaine du gaz, des régimes d'autorisation des canalisations de transport d'hydrocarbures et de produits chimiques.

Le titre Ier de l'ordonnance porte sur la sécurité des canalisations de transport et les autorisations associées à leur création et à leur exploitation. Il est ainsi créé un nouveau chapitre V dans le titre V du livre V du Code de l'environnement (art. L. 555-1 à L. 555-30), dont les dispositions se rapprochent de celles applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement. La section 1 en précise le champ d'application et les canalisations soumises au régime de l'autorisation. Sont visées les canalisations "construites et exploitées par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique". Le cas échéant, l'autorisation est précédée d'une étude d'impact et d'une enquête publique, et de l'avis de la commission consultative compétente en matière de risques technologiques.

 

Renforcer la sécurité des canalisations traversant les zones urbanisées

La section 2 détaille la procédure d'autorisation de ces ouvrages (accordée par arrêté ministériel ou préfectoral selon l'importance de l'ouvrage) qui devrait permettre "une meilleure concertation avec le public (…), ainsi qu'une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux et de sécurité", note le rapport. L'ordonnance devrait notamment contribuer à renforcer la sécurité des canalisations traversant les zones urbanisées et à maîtriser l'urbanisation autour des canalisations, en particulier par un encadrement plus clair des conditions d'information des collectivités territoriales. La délivrance de l'autorisation devra ainsi tenir compte de l'urbanisation (distance minimale avec les habitations, proximité d'un établissement recevant du public, captages d'eau...) et le cas échéant sera subordonnée à la mise en œuvre de plans de sécurité ou de programmes de surveillance. Par ailleurs, l'autorité compétente en matière d'urbanisme pourra interdire l'ouverture ou l'extension à proximité d'une canalisation en service de tout type d'urbanisation.

La construction ou l'extension de certains établissements recevant du public ou d'immeubles de grande hauteur seront interdites ou subordonnées à la mise en place de mesures particulières de protection. Les canalisations devront en outre être recensées auprès d'un organisme habilité dont la vocation sera de mettre les informations nécessaires à leur préservation (plans de zonage) à la disposition des acteurs concernés (collectivités locales, maîtres d'ouvrage, entreprises de travaux...). L'ordonnance prévoit également les modalités de cessation d'activité de ces ouvrages. Le cas échéant, l'autorité administrative compétente fixera des prescriptions de réhabilitation, après avis des maires ou présidents d'établissement public de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme.
La section 3 précise les modalités de contrôle par l'Etat ainsi que les sanctions administratives et pénales à l'encontre des transporteurs ne respectant pas les conditions imposées par la réglementation. Elle encadre par ailleurs les règles applicables aux travaux effectués à proximité de canalisations en service et les sanctions pénales en cas de non respect de ces règles.
La section 4 traite quant à elle de la procédure de déclaration d'utilité publique, laquelle confère au titulaire le droit d'occuper le domaine public et ses dépendances. Les procédures sont alignées sur celles applicables aux canalisations de transport de gaz. L'ordonnance s'intéresse également aux servitudes associées à ces canalisations pour assurer leur préservation (enfouissement, installations de surface, bornes, élagage, accès aux terrains traversés...), lesquelles seront annexées aux plans locaux d'urbanisme des communes concernées. Elle précise également les droits des propriétaires des terrains traversés ainsi que les mesures d'expropriation en cas de désaccord.

 

Uniformiser les redevances dues aux collectivités

Le titre II de l'ordonnance, consacré aux dispositions diverses, "permet une approche totalement intégrée des canalisations de transport", en regroupant les procédures d'autorisations relatives à ces canalisations et celles relatives au titre Ier du livre II du Code de l'environnement (loi sur l'eau), souligne le rapport de présentation. L'article 3 remplace le Conseil supérieur des installations classées par un Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, nouvelle instance qui permettra le rapprochement d'au moins trois commissions consultatives et présentera " l'avantage d'apporter un regard pluraliste, dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, sur l'ensemble des questions de risques technologiques", note également le rapport.
L'article 4 étend quant à lui les dispositions relatives aux redevances dues aux collectivités territoriales en raison de l'occupation de leur domaine public, aux canalisations de produits chimiques et à celles d'hydrocarbures de statut privé. La fixation du montant de la redevance demeure du ressort des collectivités par délibération. A moyen terme, une revalorisation de l'assiette de la redevance devrait être envisagée, par alignement, pour tous les fluides transportés sur l'assiette la plus élevée, c'est-à-dire celle applicable au gaz naturel comprenant un forfait par commune et par département traversé.
L'ordonnance (art. 5) ajuste le Code de la voirie routière pour tenir compte des nouvelles dispositions introduites. Elle procède par ailleurs au toilettage des lois existantes pour supprimer les canalisations de transport de leur champ d'application ou pour supprimer des dispositions redondantes (art. 6 à 13). Enfin, elle fixe les modalités de son entrée en vigueur et les mesures transitoires. Hormis les dispositions de l'article 3 relatives au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques qui entrent en vigueur immédiatement, les autres dispositions nécessitent des décrets d'application qui devront être pris au plus tard le 1er janvier 2012.

 

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions