Développement durable - Une nouvelle stratégie pour une économie "verte et équitable"
Présidé par le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, le comité interministériel pour le développement durable (CIDD), réuni ce 27 juillet, a adopté la nouvelle stratégie nationale de développement durable (SNDD) pour la période 2010-2013. La précédente couvrait les années 2003 à 2008 et reposait sur onze indicateurs définis dans le cadre de la stratégie européenne de développement durable (SEDD). Dix programmes d'actions avaient été mis en oeuvre et près de 87% des actions ont été finalement engagées ou réalisées. La nouvelle SNDD comporte une dimension plus globale. Elle contient "tout le Grenelle et plus encore puisqu'elle intègre aussi les piliers du développement durable, tels que l'accès à la culture, l'aide au développement des pays d'Afrique ou encore l'intégration des personnes handicapées au travail", a résumé Jean-Louis Borloo.
La SNDD entend poser les bases d'"un développement durable organisé autour d'une économie verte et équitable, à la fois sobre en ressources naturelles (énergie, matières premières, eau, espace, biodiversité…) et décarbonnée mais intégrant aussi les dimensions sociales et humaines", indique en préambule son document de présentation. Elle s'inscrit dans un contexte de crise économique, ce qui "confère à l'exercice des exigences particulières", notamment de "répondre rapidement à la détresse sociale et au chômage", de "s'engager dans un effort sans précédent de rétablissement durable de l'équilibre des finances publiques" ou encore "d'inclure la question de la soutenabilité des finances publiques".
Une validation par le comité de suivi du Grenelle
Destinée à être le "cadre de référence" de l'ensemble des acteurs publics et privés pour les aider à structurer leurs propres projets et politiques autour d'objectifs et d'indicateurs de développement durable, la SNDD a été validée par le comité de suivi du Grenelle de l'environnement et intègre les recommandations émises par le Comité économique, social et environnemental. "Ce n'est pas la stratégie du gouvernement mais celle du pays", a insisté Jean-Louis Borloo.
Pour la concrétiser, chaque ministère a installé, ou va le faire, un comité au développement durable, avec à sa tête un haut fonctionnaire. Tous se réuniront dès septembre pour présenter les plans d'actions de chaque ministère, sous la présidence de Michèle Pappalardo, déléguée interministérielle au développement durable. Grâce à dix-neuf indicateurs de développement durable d'ores et déjà adoptés, la politique de développement durable de chaque ministère sera évaluée, et un rapport annuel sera présenté au Parlement. Les préfets de région devront pour leur part assurer la coordination et le suivi régional de la mise en oeuvre de la SNDD par les services déconcentrés de l'Etat, et proposer aux collectivités de participer à la réalisation de ces objectifs.
Premier défi : une consommation et une production durables
En termes de contenu, la SNDD 2010-2013 s'articule autour de neuf "défis-clés", déclinés en choix stratégiques, objectifs et leviers d'actions.
Le premier est celui d'une consommation et d'une production durables. Quatre "choix stratégiques" doivent permettre d'y répondre : "Agir simultanément sur l'offre et la demande et développer l'information sur les qualités écologiques et sociales des produits pour changer les comportements", "rendre accessible au plus grand nombre les produits et services plus durables", "soutenir l'économie verte et l'innovation des entreprises" et "développer une production agroalimentaire plus durable".
Pour ce faire, une dizaine d'objectifs chiffrés sont précisés : doubler les volumes de ventes de produits disposant d'un écolabel, réduire d'ici 2013 la production d'ordures ménagères et assimilées de 7% par habitant, recycler 35% des déchets ménagers et assimilés d'ici 2012, ainsi que 75% des emballages ménagers, cultiver en agriculture biologique 6% de la surface agricole utile en 2012 et 20% en 2020, avoir 30% d'exploitations à faible dépendance énergétique d'ici 2013 ou atteindre 20% de produits biologiques dans la restauration collective publique en 2012.
Education, formation, culture et recherche
Le deuxième défi est celui de la "société de la connaissance". Il concerne l'égal accès pour tous à l'éducation, à la formation et à la culture. Six choix stratégiques devront ainsi être mis en oeuvre par le ministère de la Culture. Il s'agit d'"adapter et renforcer les dispositifs de formation dans les domaines-clés du développement durable", d'"améliorer l'offre de formation tout au long de la vie et faciliter son accès", de "favoriser l'insertion sociale et l'emploi pour l'éducation et la formation", de "développer la formation du grand public au développement durable", de "former les décideurs publics et privés aux enjeux du développement durable" et de "réduire le décrochage scolaire précoce".
Les objectifs chiffrés à l'horizon 2020 sont que 15% des adultes en moyenne participent à des activités de formation tout au long de la vie et que moins de 10% de jeunes soient en décrochage scolaire précoce. A l'horizon 2013, la SNDD fixe comme objectif le passage de la proportion d'enfants et adolescents bénéficiant d'actions éducatives et culturelles de 20 à 25%, et une réduction à 25% de la population n'ayant jamais fréquenté de lieu culturel.
Une seconde partie de ce même défi est consacrée à la recherche et au développement. Elle fixe comme choix stratégiques de "soutenir la recherche et l'innovation dans les entreprises", de "renforcer la recherche sur le développement durable et les grands défis sociétaux", de "soutenir la recherche et le développement pour lutter contre le changement climatique", de "mieux associer la société aux politiques de recherche" et d'"accroître l'ouverture internationale des activités de recherche". Parmi les objectifs, la France devra consacrer 3% de son PIB à la recherche et au développement. Elle devra mobiliser d'ici 2012 un milliard d'euros supplémentaire en matière de recherche sur le développement durable et hisser les dépenses de recherche sur les technologies propres et la prévention des atteintes à l'environnement au niveau de celles sur le nucléaire civil.
Le défi de la "démocratie écologique"
Le troisième défi est celui de la gouvernance, avec notamment la volonté d'associer aux décisions toutes les parties prenantes. Six choix principaux sont énoncés : "Favoriser l'appropriation des objectifs du développement durable", "développer la gouvernance locale au plus près des enjeux de développement durable et des territoires", "expérimenter de nouvelles voies", "traduire le devoir d'exemplarité des acteurs publics dans les gouvernances et les méthodes de travail", "associer les entreprises" et "préserver les intérêts des générations futures dans la gestion de l'action publique". Pour cela, mille agendas 21 locaux doivent être réalisés d'ici 2013 et au moins 250 reconnus au titre du dispositif de reconnaissance national. Les engagements du Grenelle de l'environnement relatifs à l'instauration d'une "démocratie écologique" doivent aussi être mis en oeuvre.
Sobriété énergétique dans le bâtiment et les transports
Quatrième défi, le changement climatique et les énergies font l'objet de cinq choix stratégiques dans la SNDD : "Promouvoir et favoriser les comportements et les modes de production les plus sobres", "informer pour éclairer les choix individuels et collectifs", "soutenir l'innovation pour une croissance économe en énergie et en émissions de gaz à effet de serre", "adapter les activités et les territoires au changement climatique" et "prendre en compte les conséquences sociales de nos politiques énergétiques, afin de ne pas accroître les inégalités".
Les objectifs chiffrés sont ceux du paquet énergie-climat européen et du Grenelle de l'environnement. Parmi les leviers d'actions : la réduction des situations de précarité énergétique, la promotion et l'amélioration de l'efficacité énergétique dans le bâtiment, l'industrie, le commerce et les transports, l'exemplarité des acteurs publics (généralisation des plans d'administration exemplaire, des audits énergétiques et des bilans d'émissions de gaz à effet de serre…) ou encore les campagnes d'information grand public sur le réchauffement climatique et les économies d'énergie.
Le cinquième défi concernant le transport et la mobilité durables se décline en quatre choix stratégiques : "Promouvoir des pratiques de mobilité plus durables pour les personnes et les biens en favorisant la proximité", "renforcer l'intermodalité et développer des alternatives aux transports routier et aérien", "améliorer l'efficacité énergétique des véhicules, réduire leurs émissions et promouvoir les énergies alternatives" et "veiller à l'accès aux services et à la mobilité pour tous et sur tout le territoire". En termes d'objectifs, la France doit d'ici 2012 augmenter de 25% la part du fret non routier et non aérien, doubler d'ici 2015 la part du fret non routier à destination ou en provenance des ports, ou encore atteindre d'ici 2020 les 10% d'énergies renouvelables dans les transports.
Biodiversité et prévention des risques
Le sixième défi concerne la conservation et la gestion durable de la biodiversité et des ressources naturelles. Il est assorti de quatre choix stratégiques. Il s'agit de "mieux connaître et comprendre la biodiversité, mieux partager nos connaissances", "évaluer les bénéfices et les coûts de préservation des services rendus par la nature", "réduire les pressions sur les écosystèmes et les ressources naturelles" et "lutter contre l'artificialisation des espaces et la banalisation des paysages".
Pour y parvenir, la France a comme objectifs d'assurer la protection des cinq cents captages les plus menacés par les pollutions diffuses d'ici 2012, d'atteindre les objectifs de la directive-cadre européenne sur l'eau en matière de bon état écologique pour 66% des masses d'eau, de réaliser d'ici 2015 sur les territoires et régions du littoral des schémas de cohérence territoriale (Scot) intégrant un volet littoral, d'acquérir et de préserver 20.000 hectares de zones humides, etc.
Le septième défi concerne la santé publique, la prévention et la gestion des risques. "Maintenir par la prévention le bon état de santé de la population", "préserver l'accès aux soins de qualité pour tous", "accroître la capacité d'anticipation et de veille des risques sanitaires" et "réduire la vulnérabilité aux risques naturels et technologiques" sont les quatre choix stratégiques que devront développer ensemble les ministères de la Santé, du Travail et de l'Ecologie. Au programme des objectifs chiffrés : la résorption des points noirs du bruit les plus dangereux pour la santé, l'élaboration de 2.500 nouveaux plans de prévention des risques naturels d'ici 2012, ou encore la réduction de 30% d'ici 2013 des émissions de particules fines dans l'air.
L'urgence démographique
Le huitième défi - démographie, immigration, inclusion sociale - est lié à l'évolution démographique et au vieillissement de la population. En 2015, "on prévoit en France six millions de personnes de plus de 75 ans", rappelle le document de présentation de la SNDD. De plus, la crise "va aggraver la pauvreté, creuser les inégalités". A cela s'ajoute l'immigration en Europe, qui va "poser des questions d'intégration de ces populations". Pour y répondre, la SNDD prévoit des actions selon quatre choix stratégiques : "Faciliter l'accès, le maintien et le retour à l'emploi des personnes qui en sont les plus éloignées ou qui risquent de l'être", "réduire les inégalités territoriales dans le respect de la diversité", "anticiper les effets des changements démographiques et développer la solidarité intergénérationnelle" et "favoriser l'intégration, y compris culturelle, des travailleurs migrants et de leur familles".
Parmi les objectifs chiffrés, il faudra compter 6% de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de vingt salariés, rénover d'ici 2020 les 800.000 logements sociaux les plus consommateurs en énergie et réduire d'un tiers la pauvreté en France d'ici 2012.
Le volet international
Enfin, le neuvième défi de la SNDD regroupe les "défis internationaux en matière de développement durable et de pauvreté dans le monde". Il s'agit pour la France de "promouvoir le respect des droits de l'homme", de "lutter contre le changement climatique et ses effets sur les populations", de "renforcer l'effort de solidarité dans une logique de développement durable", de "contribuer à la sécurité alimentaire et énergétique" et de "promouvoir le renforcement de la gouvernance mondiale en matière de développement durable, dans les trois dimensions, sociale, économique et environnementale".
La SNDD prévoit ainsi de porter l'aide publique au développement de 0,39% du revenu national brut en 2008 à 0,7% en 2015, de consacrer un milliard d'euros à l'agriculture et à la sécurité alimentaire en Afrique sur cinq ans, ainsi que de renforcer le soutien en matière d'aide au commerce en mobilisant 250 millions d'euros par an à partir de 2010.
Anne Lenormand