Développement durable - Un avis du CESE vise à remuscler le projet de stratégie nationale de développement durable
"La stratégie nationale de développement durable [SNDD] 2009-2013, dont le projet doit être adopté en février par le comité interministériel pour le développement durable, est dense et utile, mais il reste à en élargir l'appréhension et le champ d'application." Tel est l'un des points forts avancés par le projet d'avis sur la SNDD présenté le 26 janvier par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Porté par une commission de concertation (temporaire à l'origine mais finalement pérennisée), cet avis est à replacer dans la continuité d'un précédent émis en mai dernier et qui portait sur la mise en œuvre d'indicateurs de développement durable, un enjeu que le CESE a pris à bras-le-corps et auquel il a dédié la semaine dernière une conférence nationale. Soit dit en passant, il aurait été plus logique que cet avis, d'ordre forcément général, précède la question plus ciblée des indicateurs, mais puisque la saisine gouvernementale prononcée conformément au Grenelle 1 en a voulu ainsi… Par ailleurs, le CESE est consulté sur le sujet "en bout de course", ce qui est en soi regrettable car un "calendrier aussi contraint" ne lui a guère laissé le temps de "procéder à un examen détaillé de l'ensemble des dispositions du texte".
En bref, que dit cet avis ? Il rappelle en premier lieu que, par souci "légitime" d'une plus large inscription au niveau communautaire, la stratégie française s'est avant tout calée sur la stratégie européenne de développement durable (SEDD), laquelle doit être révisée en 2012. Inconvénient : cela a entraîné des "manques et omissions" dans le texte. Il relève ainsi certaines incohérences parmi les neuf défis stratégiques que la SNDD formule.
Il en pointe aussi les insuffisances."Sans surprise, le texte actuel porte de manière très appuyée la marque de l'environnement. La dimension économique n'apparaît plus et les dimensions sociales et culturelles de la SNDD sont encore insuffisamment appréhendées." Il regrette par exemple "l'absence d'objectif en matière d'accès à la culture", "l'ambiguïté de la rédaction du défi 6 qui ignore l'universalité de la politique familiale et de son rôle", "la non prise en compte de l'alimentation en tant que telle alors qu'il serait indispensable de mettre en place une stratégie alimentaire", "le traitement insuffisant des questions relatives aux mutations industrielles", ainsi qu'"une approche des questions relatives à la recherche jugée trop timorée par rapport au rôle qu'elle doit jouer pour le passage à un mode de développement durable".
L'avis se concentre aussi sur la diffusion et donc l'efficacité de cette stratégie. Constatant ainsi qu'en l'état, "il est peu vraisemblable que l'aridité de son contenu soit susceptible de mobiliser les citoyens au-delà d'un cercle d'initiés déjà convaincus d'agir en faveur d'un développement durable", elle préconise très concrètement la réalisation d'un livret pédagogique synthétisant en une vingtaine de pages chaque levier de cette stratégie et ses performances (grâce au travail de suivi des indicateurs qui sont récapitulés en annexe de l'avis). "Ce document, dont la pédagogie sera l'un des premiers axes de travail de notre commission dès la SNDD actée, pourrait tirer parti d'expériences similaires menées à l'étranger et devra être massivement diffusé, auprès des mairies, gares, écoles, etc.", a précisé Philippe Le Clézio, rapporteur du présent avis.
Mais surtout, "pour que cette stratégie en soit vraiment une", cet avis souhaite qu'il lui soit conféré "un caractère contraignant, normatif et ce grâce à un dispositif institutionnel adapté". "La SNDD ne doit plus dépendre d'un département ministériel mais doit être adoptée, débattue par le Parlement, la conséquence institutionnelle étant qu'elle relèverait alors du Premier ministre, ce qui est le seul moyen pour qu'elle devienne la véritable colonne vertébrale de la politique du gouvernement", a défendu Philippe Le Clézio. En cela, c'est à un déplacement, à un renouvellement de vision qu'il invite : "Il s'agit bien de réfléchir à une nouvelle architecture de la SNDD, de renforcer son caractère stratégique en coordonnant l'ensemble des forces politiques, sociales, économiques et financières, afin qu'elle devienne une stratégie de la nation dans laquelle s'inscriront à terme les autres stratégies."
Morgan Boëdec / Victoires-Editions
