Une fronde anti-Tour de France contredite par les faits ?
Depuis le cœur de l'été, plusieurs élus locaux se sont élevés contre le Tour de France. Certains reprochent à l'épreuve son mercantilisme, d'autres attaquent son bilan carbone, quand ils ne s'en prennent pas au "machisme" de l'épreuve. La réalité de la plus grande course cycliste du monde dépasse pourtant ces clichés. Analyse.
Accueillir le Tour de France cycliste ? Un rêve pour la plupart des collectivités. Environ 300 communes, EPCI ou départements français attendent sagement, parfois depuis très longtemps, d'être désignés villes-étapes. Un chiffre en légère hausse ces dernières années. On observe même une montée en puissance des candidatures portées par les départements, "partenaires naturels" du Tour, selon Amaury sport organisation (ASO), la société organisatrice. Pourtant, l'édition 2020 de la Grande Boucle, déplacée de juillet à septembre pour cause de Covid, est marquée par ce qui pourrait apparaître comme une fronde anti-Tour de France de la part de certaines collectivités.
"Machiste et polluant"
En août, la ville de Rennes renonçait à accueillir le Grand Départ du Tour 2021. Une décision portée au sein de la majorité municipale par les élus d'EELV. Dans un communiqué du 13 août, ceux-ci expliquent : "Oui, le Tour de France est un événement populaire. […] Mais, loin d’être 'gratuit' comme on a pu le lire, il coûte très cher en argent public. Il coûte aussi très cher sur le plan environnemental. Le tout pour des retombées économiques relativement modestes, car très ponctuelles. Il n’y a aussi aucune corrélation entre l’accueil du Tour et le développement des déplacements vélo au quotidien que nous sommes les premiers à défendre." Alors que sa ville va accueillir le Tour samedi 12 septembre, le nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet, a pris la roue des élus bretons, qualifiant le Tour de "machiste et polluant".
Plus modérée, la maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy, a souhaité sur Twitter "la bienvenue au Tour" qui faisait étape dans sa ville le 9 septembre. Si l'élue EELV estime qu'il faudrait diminuer l’impact carbone du Tour, elle juge que "s’il y a bien un marqueur de l’écologie, c’est le vélo", et que "le Tour fait partie des leviers pour qu'on se donne l'identité d'une ville de vélo". Elle reconnaît par ailleurs qu'"un autre Tour est possible d’un point de vue écologique, et […] que ce sont des orientations que prend déjà ASO".
Associations caritatives
De fait, les questions soulevées par les élus sont au cœur des préoccupations des organisateurs depuis de nombreuses années. Concernant le développement de la pratique du vélo, le Tour en fait déjà la promotion. Ateliers mécaniques dans les villes-étapes, initiation d'enfants de quartiers défavorisés, passage d'un permis vélo à l'école, collecte, réparation et distribution de bicyclettes d'occasion sont quelques-uns des projets portés par ASO avec des associations caritatives partenaires.
En ce qui concerne les retombées économiques, les qualifier de modestes est une question d'appréciation. Malgré la difficulté de l'exercice, toutes les études menées pour évaluer ces retombées montrent que celles-ci sont bien réelles. À titre d'exemple, citons le Grand Départ de la Manche en 2016 : pour un investissement de 5 millions, les retombées pour le territoire ont été estimées à 22,6 millions. La cour régionale des comptes de Normandie notait : "Il est indéniable que l’accueil du Grand Départ a eu des retombées économiques pour le secteur touristique."
Maillot jaune... et vert
L'accusation de machisme du maire de Lyon repose, elle, sur un constat : l'absence de Tour de France féminin. L'épreuve a bien existé dans les années 1980 avant de disparaître faute de viabilité économique. ASO organise actuellement six épreuves féminines professionnelles, y compris sur le parcours même du Tour masculin. Cette année, les femmes se mesureront sur Paris-Roubaix. Et un Tour féminin est à l'étude. Il devrait voir le jour d'ici deux ans.
Enfin, en matière d'environnement, principal grief des élus frondeurs, ASO a fait partie des premiers signataires de la charte des engagements sportifs responsables, créée sous l'égide du ministère des Sports et du WWF. On se souvient qu'en 2019, la polémique faisait déjà rage. En cause : les objets promotionnels distribués aux spectateurs du bord de route par les partenaires commerciaux du Tour qui forment la célèbre caravane. Des réponses ont été données. Le nombre de ces objets a été réduit de plusieurs millions. Les emballages en plastique pour les casquettes et tee-shirts ont été bannis, tout comme les prospectus en papier. 100.000 sacs poubelle en matière 100% recyclés sont distribués sur le parcours et la récolte des déchets fait l'objet d'une attention soutenue, tant auprès des spectateurs que des coureurs. Quant aux voitures de l'organisation, elles sont désormais soit hybrides, soit électriques. Autrement dit, sur le Tour de France, si le Maillot Jaune reste la référence, le vert est déjà bien présent.
La Semaine du vélo pendant le Tour de France
Covid oblige, la Semaine du vélo, qui avait lieu fin mai-début juin, se tient cette année du 14 au 20 septembre. Soit en plein Tour de France. Tous les établissements scolaires situés dans les villes étapes du Tour, mais aussi tous ceux qui le souhaitent, sont invités à développer des actions pédagogiques, éducatives, culturelles et sportives en lien avec la bicyclette à cette occasion.
Le ministère de l'Éducation profite de cet alignement de planètes fortuit pour rappeler que "le Tour de France est l'occasion de travailler dans les disciplines autour d'un événement sportif majeur." Et propose une sélection de ressources afin d'illustrer quelques pistes d'activités possibles en lien avec les contenus des programmes d'enseignement. Parmi celles-ci : la dimension culturelle du Tour de France, la géographie de la France, vélo et développement durable, vélo et sciences, etc.
Le ministère rappelle encore que les conventions signées avec la Fédération française de cyclisme, la Fédération française de cyclotourisme et la Fédération française de triathlon peuvent se décliner au niveau local pour favoriser le rapprochement entre écoles et clubs, milieu scolaire et monde sportif.