Une aide au développement des collectivités en hausse, portée par l’aide aux réfugiés

En dépit de la crise sanitaire, l’aide publique au développement des collectivités a légèrement augmenté en 2021, portée par l’aide aux réfugiés. Dix collectivités – majoritairement situées en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes – apportent plus de la moitié des fonds. L’Afrique reste de loin le premier bénéficiaire de l’aide et de manière générale, les principaux bénéficiaires restent les partenaires historiques de la France. Les collectivités recourent massivement aux organisations de la société civile (OSC) pour déployer leurs actions. Un recours à la société civile qui, par ailleurs, n’emporte pas totalement la conviction de la Cour des comptes.

126,7 millions d’euros. C’est le montant consacré par les collectivités territoriales françaises à l’aide publique au développement (APD) en 2021, en hausse de 3,5% par rapport à 2020. Une augmentation portée par l’aide aux réfugiés en France, qui a augmenté de 6% pour atteindre 72,3 millions d’euros, son plus haut niveau depuis 2016, date de sa comptabilisation dans l’aide publique au développement. Hors réfugiés, l’APD se stabilise, avec 54,4 millions d’euros. Pour mémoire, la loi de programmation relative au développement solidaire finalement publiée le 5 août 2021 (voir notre article du 2 septembre 2021), un temps bloqué par les contrats de Cahors (voir notre article du 31 octobre 2019), prévoyait le doublement du montant des fonds destinés au soutien de l’action extérieure des collectivités territoriales entre 2017 et 2022 (l’APD des collectivités atteignait 100,6 millions d’euros en 2017). 

Dix collectivités portent la moitié de l’aide (hors réfugiés)

Dix collectivités représentent plus de moitié de l’APD hors réfugiés : la ville de Paris (21,4%), le Grand Lyon (2,7%), les conseils régionaux d’Auvergne Rhône-Alpes (Aura - 6,6%), d’Aquitaine (4,8%), d’Île-de-France (3,7%) et du Grand Est (2,1%), le service public de l’assainissement francilien (7,4%), le syndicat des eaux d’Île-de-France (4,1%) et les conseils départementaux des Hauts-de-Seine (4,1%) et des Yvelines (3,4%). Des habitués, en somme (voir notre article du 6 novembre 2017).

L’Île-de-France et Aura, qui sont les deux seules régions françaises émargeant au rang des "plus développées" au regard des critères européens (voir notre article du 3 mai), représentent près des deux tiers de l’APD hors réfugiés, et même 83% de l’APD totale. .

Les conseils régionaux restent la structure la plus généreuse (29% de l’APD avec 16 millions d’euros). Leur contribution a toutefois baissé d’environ 3 millions d’euros en 2021, comme celle des conseils départementaux (baisse de 1,1 million d’euros, pour un total de 10,4 millions, soit 19% de l’APD) et des villes de moins de 100.000 habitants (baisse de 766.000 euros, pour un total de 1,5 million d’euros, soit 3% de l’APD).

À l’inverse, la contribution des groupements, intercommunalités et métropoles est en hausse de 3% (contribution égale à 22% de l’APD totale) et, surtout, celle des villes de plus de 100.000 habitants de 46% (contribution égale à 27% de l’APD totale), tirée par une dizaine de collectivités.

L’Afrique en tête

85 pays ont bénéficié en 2021 de l’APD des collectivités françaises. À l’échelle continentale, l’Afrique (54% de l’APD des collectivités hors réfugiés) reste largement en tête des bénéficiaires. À l’échelle nationale, c’est Madagascar. Sénégal et Burkina Faso complètent le podium. À l’intérieur de chaque zone géographique, les principaux bénéficiaires sont l’Arménie (412,5% de l’APD de la zone Europe), le Maroc et la Tunisie (72% de l’APD de l’Afrique du nord), Madagascar (69% de l’APD de l’Afrique orientale et de l’Océan indien), le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali et le Bénin (62% de l’APD de l’Afrique subsaharienne), Haïti (71% de l’APD de l’Amérique du nord, centrale et des Caraïbes), l’Équateur et l’Argentine (54% de l’APD de l’Amérique du sud), le Liban, les territoires palestiniens et l’Irak (91% de l’APD du Proche et Moyen-Orient), l’Inde (52% de l’APD d’Asie centrale et du sud), le Cambodge et le Vietnam (70% de l’APD de l’Extrême-Orient).

Les 19 pays qui avaient été définis comme prioritaires en 2018 par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (voir notre article du 19 février 2018) ont reçu au total plus de 24 millions d’euros des collectivités, mais ont connu des succès divers, les partenaires habituels (Madagascar, Haïti, Burkina Faso et Sénégal) tirant bien mieux leur épingle du jeu que des pays comme le Libéria, la Gambie ou Djibouti. 

Aide technique à l’épreuve du covid

À l’étranger, les collectivités financent majoritairement des interventions "de type projet" (27,1 millions d'euros) et des programmes de coopération technique (8,2 millions d'euros), qui n’intègrent pas les frais administratifs engagés pour ces actions (9,4 millions d'euros). La pandémie a toutefois continué d’affecter la coopération technique (des échanges d’experts), qui connaît une nouvelle forte baisse (-28%) et ne représente désormais plus que 15% de l’aide des collectivités (25% auparavant). Ce qui a permis de favoriser l’appui aux ONG, la sensibilisation au développement ou l’aide humanitaire (particulièrement concentrée vers Haïti, l’Irak, la Tunisie et l’Arménie).

Les fonds sont principalement fléchés dans le domaine de l’eau et de l’assainissement (13,3 millions d'euros), de l’agriculture (5,5 millions d'euros), de l’aide "plurisectorielle" (4 millions d'euros), de l’éducation et la formation (3,8 millions d'euros) et du "gouvernement et de la société civile" (2,6 millions d'euros).

Les organisations de la société civile française, principal canal

Les organisations de la société civile (OSC) française (voir notre encadré ci-dessous) constituent le principal canal utilisé par les collectivités. Elles représentent 99,7% des dépenses en matière d’aide aux réfugiés. Hors réfugiés, 43% des fonds sont confiés à ces OSC (elles acheminent 97% de l’aide humanitaire) et 35% sont déployés directement par les collectivités. Le solde passe par des ONG internationales, les gouvernements ou des OSC des pays bénéficiaires ou est dans une moindre mesure versé à des fonds multilatéraux pour le développement.

 

Bénéfices du recours aux OSC : la Cour des comptes demande à voir

Le scepticisme prévaut dans le rapport que vient de publier la Cour des comptes sur l’Agence française de développement et les organisations de la société civile (OSC). Certes, la rue Cambon concède que "la mobilisation de la société civile pour déployer l’aide publique au développement est une idée a priori prometteuse", non sans relever au passage qu’elle est "promue par l’OCDE" et "ne correspond pas à la pratique historique de la France". Mais elle observe que "la France y recourt peu, 7% du total de l’APD en 2021" (mais pas les collectivités – voir notre article ci-dessus). Surtout, elle estime que les "postulats" justifiant un recours accru à ces OSC "sont peu étayés", que les "objectifs assignés sont encore moins explicites" et qu’"aucun cadre de mesure de la performance n’est posé, si ce n’est sur les moyens octroyés". La Cour pointe encore le fait que les avantages comparatifs attribués aux OSC (coût d’intervention, neutralité "supposée", implantation dans la durée ou dans des régions faiblement dotées en institutions étatiques) "demeurent mal connus et presque jamais mesurés". Elle recommande en conséquence, entre autres préconisations, d’intégrer, dans chaque nouvelle stratégie pays de l’AFD, "une ambition explicite de l’agence vis-à-vis de la société civile" ou encore d’"expliciter les objectifs poursuivis par un recours accru aux OSC" et d’"en suivre la réalisation".

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis