Fonction publique - Un rapport pointe les "lourdeurs" et les "dysfonctionnements" des instances médicales
Malgré plusieurs réformes au cours des dernières années, les instances médicales, chargées de délivrer un avis sur la santé des agents publics en diverses circonstances de leur carrière, demeurent perfectibles, estime un rapport qui a été remis au précédent gouvernement. Il avance une série de propositions pour améliorer l'efficacité de ces structures gérées notamment par les centres de gestion de la fonction publique territoriale.
"Complexe", "inefficient", insuffisamment piloté… Plusieurs inspections de l'Etat critiquent sévèrement le fonctionnement des instances médicales de la fonction publique, dans un rapport réalisé à la demande de Matignon, dans le cadre de la modernisation de l’action publique.
Ces instances consultatives chargées de se prononcer sur l'état de santé des agents, les congés de longue maladie, les reclassements, l’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie, ou encore les cas de mise à la retraite pour invalidité, sont "dispersées" et "mal coordonnées", observent la mission dans son rapport qui vient d'être rendu public (voir ci-dessous).
Les comités médicaux et commissions de réforme de l'Etat et de la fonction publique hospitalière sont pour l'essentiel gérés par les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) - mais pas uniquement -, tandis que des instances similaires, gérées depuis quelques années principalement par les centres de gestion, se penchent sur les dossiers des agents territoriaux. Ce "paysage fragmenté" crée "des risques de différences de traitement et rend impossible toute approche statistique ou historique", déplorent les hauts fonctionnaires de l'Etat. Un trop grand nombre de procédures et d'acteurs, ainsi qu'un "formalisme excessif" entravent l'efficacité du travail des comités médicaux et des commissions de réforme, pointent-ils encore.
Des médecins mal rémunérés
Autre source de difficultés : les structures ont abondamment recours aux avis des médecins dans un contexte où ceux-ci sont de plus en plus rares. Leur rémunération, de 43,60 euros "par séance de deux heures, sans que plus de deux séances ne puissent avoir lieu dans la même journée", n'arrange rien. La mission observe que de nombreux employeurs utilisent "des subterfuges" pour "contourner ce niveau de rémunération dérisoire." Sans cela, ils ne recruteraient aucun médecin. Autre problème : les médecins qui acceptent de siéger dans les instances médicales ignorent souvent tout des règles particulières liées au statut de la fonction publique, ce qui peut créer des dysfonctionnements.
La mission avance plusieurs recommandations pour améliorer l'efficacité des instances médicales. Les dossiers individuels des agents devraient être mieux préparés en amont des secrétariats des instances, préconise-t-elle. Dans la fonction publique territoriale en particulier, l'accompagnement aujourd'hui réalisé par les centres de gestion "pourrait être accru, notamment auprès des collectivités affiliées".
Pour un pilotage central
Par ailleurs, estimant indispensable de "préserver une gestion respectueuse du secret médical", la mission recommande de "confier systématiquement aux centres de gestion le secrétariat des instances pour toutes les collectivités et établissements du département (donc les collectivités affiliées, ainsi que celles qui ne sont pas affiliées au centre de gestion). Il serait pertinent d'intégrer les instances médicales dans "une démarche de prévention et de reclassement", ajoutent les inspections.
Pour remédier au défaut de pilotage, la mission préconise la mise en place d'"un pilotage stratégique au plan central pour les trois fonctions publiques". Il prendrait la forme d'"une structure légère de projet", ou d'"un service à compétence nationale". En outre, le comité médical supérieur (CMS), actuellement rattaché à la direction générale de la santé, devrait disposer de davantage de moyens, notamment pour renforcer l'animation du réseau des instances médicales.
Limiter le recours aux experts
La pénurie de médecins doit conduire les instances médicales à avoir recours à un avis médical seulement lorsque cela est justifié, préconise aussi la mission. Qui, en matière de rémunération des médecins, prône un tarif horaire net de 45 euros (hors charges sociales) pour la présence aux réunions des instances et de 100 à 140 euros nets pour une expertise. Mieux rémunérés, les médecins devront aussi être mieux formés, notamment sur les règles de la fonction publique, recommande la mission.
Au-delà de ces pistes globales d'amélioration, elle propose quatre scénarios d'évolution pour les instances médicales, relevant de deux logiques différentes. Les deux premiers "conservent la philosophie du dispositif actuel, à savoir le principe d’un avis médical préalable sur une série de situations." Il serait procédé à des simplifications. Dans ce cadre, la commission de réforme pourrait être recentrée sur ses fonctions médicales et son rôle de dialogue social serait attribué à "d'autres lieux plus pertinents".
Rapprocher les systèmes public et privé ?
Les deux autres scénarios "changent la nature du dispositif en se rapprochant de la logique du système qui prévaut pour les salariés : la règle devient le contrôle a posteriori des arrêts maladie ou accidents, sauf s’agissant des maladies professionnelles." L'hypothèse la plus radicale consiste à organiser le "transfert complet de la fonction de contrôle médical à l’assurance maladie."
Le scénario visant à simplifier le fonctionnement des instances médicales (numéro 1) "est le plus développé à ce stade", indique la mission. Qui n'exclut pas, toutefois, la mise en place ultérieure des scénarios plus radicaux.